Interlude 3




Alister s'en veut de sa réaction. Il ne voulait pas le brusquer. Seulement le faire réagir. Il crache un nouveau filet de fumée et ferme les yeux pour se laisser imprégner par les effluves du cannabis. D'habitude, fumer l'apaise. Mais c'est différent aujourd'hui. Il se sent en colère, sans comprendre pourquoi.

            En vérité, il a peur, parce qu'il voit le temps défiler et qu'il sait que cette parenthèse éphémère ne durera pas éternellement. En l'espace de quelques heures, il s'est attaché à Alceste, sans trop savoir pourquoi. Le jeune homme représente tout ce qu'il a toujours détesté. L'argent, le luxe, le pouvoir. Entendre les gens comme lui se plaindre de leurs conditions de vie l'a toujours horripilé. D'habitude, ils ne les écoutent pas, les blacklist et les fait taire en les remettant à leur place. C'était un peu ce qu'il voulait faire avec Alceste, hier soir. Lui montrer la misère du monde pour qu'il comprenne qu'il n'avait pas le droit de se plaindre de sa vie de rêve.

            Mais maintenant qu'il le connait, qu'il le côtoie et qu'il a dormi serré contre lui, il n'a plus le même jugement. Il se rend compte qu'il est tout aussi malheureux que lui, mais pour d'autres raisons. Il n'a pas compris tout à l'heure, quand il lui a dit que « l'argent ne fait pas le bonheur ». Lui n'a jamais eu d'argent, alors il s'est toujours dit que ceux qui en avaient ne pouvaient pas être tristes. Et surtout, qu'ils feraient mieux de le redistribuer. Sur ce dernier point, il n'a pas changé d'avis. Mais Alceste n'est pas responsable de sa naissance. Il n'a pas choisi sa famille, comme lui n'a pas choisi la sienne.

            La vie, c'est un putain de hasard. Et naitre au bon endroit ne t'apporte pas forcément la joie de vivre.

            Alister n'est pas né où il fallait, mais il se souvient d'avoir été aimé. C'était peut-être court et éphémère, mais il se rappelle de la voix de sa mère qui chantait au-dessus de son lit pour l'endormir. Il se rappelle de ses parents, sous héroïne, qui dansaient dans l'appartement. Tous les trois mettaient la musique à fond et tournaient en rond. Tout allait bien jusqu'à ce que la police arrive. Jusqu'à ce qu'il soit placé en foyer. Jusqu'à ce qu'on l'oblige à aller à l'école. Ils étaient pauvres et drogués, mais ils étaient heureux. Et c'était beau aussi quand ses parents sont venus le récupérer. Quand Auriane était dans le ventre de sa mère et qu'ils attendaient tous les trois sa naissance. Quand sa petite sœur est née. C'est après qu'il est devenu malheureux. Quand les profs ont fait un signalement. Quand le juge a de nouveau retiré la garde à ses parents. Quand Auriane a été confiée à une autre famille. Il aurait pu l'élever, s'il avait été plus grand. Si on lui avait laissé le temps d'atteindre la majorité, plutôt que de laisser sa sœur se faire adopter. Il n'a jamais su ce qui avait tué sa mère – la dépression ou la drogue ? – mais il se dit que si elle est vraiment morte, perdre ses enfants a dû y contribuer.

            Alister n'a pas d'argent, mais il est libre. Il a souvent dormi dehors, a parfois vendu son corps, a pris des substances qui lui ont fait oublier où il avait passé ses soirées, surtout lorsqu'il était à Berlin, et pourtant, il s'est toujours senti libre. Contrairement à Alceste. Lui ne l'est pas. Il est prisonnier des règles de son milieu et de leur étroitesse d'esprit. Prisonnier de son éducation et de ses croyances sur les autres et sur le monde.

–  On va à République, décide-t-il en se levant d'un coup.

            Il n'a plus envie de rester là. Il veut trainer Alceste dans l'endroit le plus vivant de Paris. Le jeune homme doit voir ceux qui sont en colère. L'espace où les aristocrates et les bourgeois ne mettent jamais les pieds. Comme ça, il arrêtera peut-être de les juger. Il mettra au placard ses préjugés. Il veut l'emmener sur ce lieu de débat et de manifestation qu'il affectionne tant. Il était là, en automne dernier, après les attentats du 13 novembre. Il était là, au début du printemps, assis des nuits entières pour assister aux rendez-vous quotidiens des manifestants du mouvement Nuit Debout. Il veut être là-bas, cet après-midi, pour suivre le cortège de ceux qui manifestent contre l'oppression. Et il veut qu'Alceste y soit avec lui. Peu importe qu'il en ait envie ou non. 

            Il est quinze heures trente lorsqu'ils atteignent la place. Elle est déjà noire de monde. Elya observe les manifestants tandis qu'il cherche à se mêler au cortège. Alceste semble mal à l'aise.

–  Ils manifestent contre quoi ? demande-t-il.

–  La loi El-Komri.

            Il n'ajoute rien. Le jeune aristocrate est sans doute pour. Ou alors il n'a pas d'avis. C'est bien le problème avec les français, et la politique en général. Les gens ne s'y intéressent plus. Ils se sont désengagés. C'est quelque chose qui le perturbe beaucoup et qu'il ne comprend pas. Les français aiment débattre et critiquer. Mais dès qu'il s'agit de passer à l'action, il n'y a plus personne. Ils se retirent. C'est ce qui s'est passé avec Nuit Debout.

            Au début, ils étaient tous en communion. Leur refus de la loi travail les avait rassemblés, mais la contestation était plus large. C'était une lutte globale contre les institutions politiques et le système économique. Un mouvement anti-capitaliste. C'est d'ailleurs pour ça qu'Alister y était allé. Il était en France depuis quelques mois et avait aimé la façon dont le mouvement s'était organisé. De la démocratie directe, des assemblées générales, pas de leader ni de porte-parole, juste un collectif, qui s'est étendu à de nombreuses villes.

            L'affluence a commencé à décliner au début du mois de mai. Ceux qui restent sont des irréductibles. Mais les idéalistes sont partis. Ils sont retournés à leur réalité et à leur défaitisme. Ils ont baissé les bras. Alister est sûr qu'Alceste n'en a même pas entendu parler.

–  Allons-y, décrète-t-il alors que le cortège démarre.

            Il voit Elya se pencher vers le jeune homme et murmurer à son oreille. Il se demande ce qu'elle est en train de lui dire. Peut-être lui explique-t-elle ce qu'ils font ici ? Peut-être est-elle en train de lui expliquer qu'Alister a besoin de ça pour vivre ? Que c'est sa façon à lui d'exister. De manifester son désaccord avec le monde qui va mal. Parce qu'il n'a pas d'autres moyens. Et parce qu'il aime le faire avec d'autres gens qui pensent comme lui que la Terre et les hommes sont malades.

            Le cortège s'élance. Alister passe son bras sous celui d'Elya pour l'aider à marcher. Il sent que la jeune femme fatigue, mais il espère pouvoir avancer un peu. Au moins sur quelques rues. Il a besoin d'hurler.

–  Cris Alceste, ça te fera du bien, l'encourage-t-il.

            Celui-ci hoche la tête de droite à gauche, atterré. Alister insiste. Il faut qu'il hurle. Qu'il crache sa colère. Qu'il expulse ce qu'il a en lui. C'est sans doute la première et la dernière fois qu'il se retrouvera au milieu d'une manifestation. C'est peut-être la seule fois de sa vie où il pourra crier à quel point il les déteste et comme il aimerait voir le monde changer. Car Alister en est sûr, Alceste n'est pas comme sa famille. Il n'est pas comme ce qu'ils ont fait de lui. S'il était né du bon côté, au milieu des gens du peuple, il serait quelqu'un de meilleur. Et s'il marche avec eux, ceux du vrai monde, il comprendra. On ne peut plus fermer les yeux une fois qu'on les a ouverts. Quand il rentrera chez lui, il ne pourra pas les oublier. Pas tous en tout cas. Peut-être qu'Alister disparaitra. Peut-être qu'Elya et lui ne seront plus qu'un souvenir flou dans sa mémoire. Mais les hurlements et la colère du peuple s'imprimeront en lui. Et ils resteront graver jusqu'à la fin des temps. En tout cas, c'est ce qu'il espère.

            Les fumigènes éclairent le cortège. L'atmosphère se teinte de rouge. Des CRS se pressent pour surveiller les manifestations et éviter les débordements. Ça commence à crier, taper. On entend chanter l'internationale des communistes et Alister reprend les paroles, en harmonie.

C'est la lutte finale ;
            Groupons nous et demain

L'Internationale
Sera le genre humain.

            Puis il entonne son couplet préféré.

L'État comprime et la Loi triche,
L'impôt saigne le malheureux ;
Nul devoir ne s'impose au riche ;
Le droit du pauvre est un mot creux
C'est assez languir en tutelle,
L'Égalité veut d'autres lois ;
"Pas de droits sans devoirs, dit-elle
Égaux pas de devoirs sans droits."

–  C'est violent, fait remarquer Alceste.

–  Ce qui est violent, c'est la façon dont les riches et les puissants exploitent le monde. Et c'est injuste aussi.

–  Je suis d'accord, ce n'est pas juste. Mais que pouvons-nous y faire ?

–  Tout. C'est l'homme qui a créé le capitalisme. C'est donc l'homme qui peut le détruire.

–  Dois-je te rappeler que le communisme a viré en dictature et que Staline a détruit de nombreuses vies ?

–  Il faut se nourrir de l'idéologie, pas des actes d'un tyran. Staline voulait le pouvoir, pas rendre le monde meilleur.

            Alceste n'a pas l'air convaincu. Alister ne lui laisse pas le temps de réfléchir. Il se remet à chanter. Elya le rejoint. Il aimerait qu'Alceste les accompagne en chantant, mais il se contente de marcher à leur côté. C'est déjà bien.

–  Tu fais souvent ça ?

–  Défendre des causes ? Hurler à la face du monde ? Oui, très souvent.

–  Tu sais que personne ne vous entend ?

–  Tu sais que c'est aussi ce que croyait Louis XVI avant de finir sur l'échafaud ?

            Alceste ne répond pas et semble surpris de sa référence.

–  Bah quoi, tu crois que les écossais ne connaissent pas l'histoire française ?

            Alister n'est pas un inculte. Il n'aimait pas l'école, mais il a toujours aimé étudier. Le problème de l'école, c'était les élèves, les programmes et les règles. Mais le savoir, il s'en abreuvait en rentrant le soir. La France l'a toujours fasciné. Ce peuple de révolutionnaire qui a résisté à l'envahisseur romain et guillotiné son roi à la fin du XVIIIe siècle.

–  Al, je suis fatiguée. On peut s'asseoir quelque part ?

            Elya a des cernes sous les yeux. C'est vrai qu'ils n'ont pas beaucoup dormi cette nuit. Et ils ont beaucoup marché. Il s'en veut subitement. Il n'a pas pensé à elle, concentré sur sa colère et sur la lutte. Il s'en veut. Il hoche la tête et cherche du regard une façon de s'extraire du cortège. Ils sont déjà engagés sur l'avenue Réaumur-Sébastopol.

            Ils quittent les manifestants et s'engouffrent dans le Marais. Alister suit Alceste du regard qui ouvre des yeux ronds devant les boulangeries qui affichent des phallus dressés. Il a envie de rire devant son air outré. Si ça ne tenait qu'à lui, il l'entrainerait jusque dans la rue St Denis, pour voir ses yeux s'écarquiller devant les sexshops. Mais Elya est fatiguée et il sait qu'il en a trop fait.

            Ils s'arrêtent devant un bar. Des jeunes fument à la terrasse et discutent. Des drapeaux LGBT flottent sur la devanture, en plus des nombreuses pancartes.

– Tu veux prendre un verre ? demande-t-il à Elya.

–  Je préfère rentrer. Tu m'accompagnes jusqu'au métro ?

            Alister hoche la tête et la guide jusqu'à l'arrêt des Arts et Métiers. Il n'a pas très envie de se séparer d'Elya mais n'a pas non plus envie de la forcer à les suivre. Ils s'arrêtent devant l'entrée du métro et il embrasse la jeune femme sur le front. Alceste reste à côté, les bras ballants. Elya se tourne vers lui. Elle tend sa béquille à Alister qui s'en saisit puis place ses bras autour de ses épaules. Elle murmure dans son oreille quelques mots qu'Alister n'entend pas. Puis elle s'écarte et ils échangent un dernier regard, avant qu'elle récupère sa canne. Avant de partir, elle l'embrasse sur la joue et demande :

–  Tu viens ce soir ?

–  Je t'appellerai.

–  Fais attention à toi.

–  Comme toujours, tu me connais.

            Elle secoue la tête et lève les yeux vers le ciel. Puis elle les quitte. Les deux garçons se retrouvent seuls au milieu de la rue. Ils laissent passer quelques minutes, sans savoir quoi faire et où aller. Puis Alister propose :

–  Et toi, un verre, ça te dit ?

–  Dans le marais ?

–  C'est toujours mieux que Chatelet, non ?

            Alceste sourit. Ils vont peut-être réussir à tomber d'accord sur quelque chose. Depuis qu'ils ont quitté Belleville, il a l'impression qu'un lien s'est brisé. Il sait que c'est de sa faute. Il n'aurait pas dû proposer à Alceste de l'identifier sur la photo. Ni lui demander s'il les oublierait. Ses mots l'ont blessé, alors qu'ils savaient très bien ce qu'il dirait. C'est seulement qu'il voit les heures défiler et qu'il ne leur reste pas beaucoup de temps. Il est seize heures trente et dans moins de huit heures, ils devront se séparer. Cette journée est passée trop vite.

            Il s'est donné une mission hier soir et il veut la mener à bien. Mais il a conscience qu'entrainer Alceste dans une manifestation n'était peut-être pas la meilleure des idées. C'était seulement pour lui montrer la colère du peuple. Mais ce n'était pas approprié. Ce n'était pas l'aider. C'était comme jeter une personne qui a peur de l'eau dans la mer. La manifestation n'a pas eu l'effet escompté. Elle n'a fait que creuser un fossé.

–  Je m'excuse. C'était maladroit.

–  Je n'avais jamais été dans un cortège de manifestants.

–  Ça ne t'a pas plus ? Je me trompe ?

–  Je comprends la colère de la rue. Mais je ne suis pas sûr que ça serve à quelque chose. Le gouvernement ne changera pas d'avis.

–  Ils ne peuvent pas ignorer les revendications du peuple. Je te rappelle que c'est ce même peuple qui a élu le président et ses députés.

–  Ils finiront par utiliser le 49.03 et la loi passera en force à l'assemblée.

–  Ne pars pas si défaitiste.

–  Je ne suis pas défaitiste mais réaliste. Vous vous battez pour une chimère.

–  On se bat pour plus de démocratie. 

–  A moins de réussir à changer la constitution - ce qui n'arrivera pas demain – vous êtes perdants !

–  Putain Alceste ! T'es dans quel camp ? Celui des dominants ou des dominés ?

–  Ni l'un ni l'autre, je suis pragmatique.

–  Tu ne voudrais pas essayer deux secondes de réfléchir autrement que comme un privilégié ?

            Il se tait et se mord les lèvres. Il voulait apaiser le dialogue entre eux, pas relancer les hostilités. Ils se taisent le temps de trouver un bar où s'asseoir dans le Marais. Comme il voit qu'Alceste n'ose plus parler, il finit par dire :

–  Au pire, même si ça ne change rien, on aura au moins expulsé notre colère. Ça fait du bien de crier tu sais.

            Il lui sourit et lui donne un coup léger dans les côtes pour le faire réagir.

–  On ne m'a pas appris à faire ça.

–  Quoi donc ?

–  Exprimer mes émotions. Dans mon monde, il faut les taire et les contrôler.

–  C'est parce que tu ne les exprimes pas que tu te noies dedans.

            Cette fois-ci, c'est Alceste qui sourit. Il se sent un peu soulagé. Il profite de cette trêve pour lui désigner la terrasse d'un bar où une table vient de se libérer. Alister s'assoit le premier sur un tabouret. Alceste prend place face à lui. Sur leur droite, un couple de femmes se tient la main. Sur leur gauche, ce sont deux hommes qui s'embrassent. Il se sent bien ici. Dans ce milieu qui sort de la norme où chacun peut être qui il est. Où il n'est pas nécessaire de vivre caché. Il voit qu'Alceste suit son regard.

–  Tu n'as jamais essayé d'embrasser un garçon ? demande-t-il pour changer de sujet.

–  Non, répond-t-il aussitôt.

–  Ça vous arrive de vous amuser dans ton monde ?

            Alceste éclate de rire. Alister soupire de soulagement. Il n'est plus faché.

–  Même pour l'expérience ?

–  On ne fait pas ce genre d'expérience chez moi.

–  Tu es sûr que tu ne veux pas m'embrasser ? Tu mourras moins bête, je t'assure.

            Il tend ses lèvres vers lui. Alceste lui tapote doucement la joue pour lui faire comprendre qu'il doit se calmer. Alister hausse les épaules et hèle le serveur. Il commande deux bières pour tous les deux.

–  Je ne bois.

–  Moi non plus, mais on va faire une exception. C'est la journée des expériences, tu te rappelles ?

–  C'était vrai ce que je t'ai dit tout à l'heure.

–  De quoi tu parles ?

–  Quand je vous ai promis de ne pas vous oublier. Je ne sais pas si nous nous reverrons, ni ce que je ferai demain, mais je te promets que vous resterez pour toujours ici.

            Il désigne son cœur. Alister se sent ému. Il hoche la tête et lui sourit.

–  Je te crois.

–  Merci.

–  Tu veux toujours sauter du pont ?

–  Je ne crois pas. Grâce à vous, j'ai l'impression qu'il y a d'autres alternatives que la mort ou la prison.

–  Ou l'obéissance, ajoute-t-il.

            Il veut lui montrer qu'il n'est pas toujours obligé de se plier aux règles. Ni à celles de la société, ni à celles de sa famille. Il peut choisir d'en redéfinir les contours ou de créer les siennes. C'est sa vie et personne n'a le droit de choisir pour lui.

–  Tu comptes toujours être ingénieur ?

–  Oui, je pense. Je ne sais pas ce que je pourrais faire d'autre. On m'a toujours dit que je ferai Polytechnique et je suis doué en physique et en mathématiques.

            Alister grimace. Les sciences, ça n'a jamais été son truc. Il a toujours eu du mal avec les chiffres. Ils ne veulent rien dire. Même ceux sur son compte en banque, il a du mal à les suivre. Il préfère le dessin. Les formes, les ombres, les couleurs, ça lui parle davantage.

–  Et toi alors, tu vas faire quoi ? Artiste ? Manifestant ?

–  On verra, j'ai tout mon temps. J'aime bien vivre dans le présent.

            Le serveur dépose leurs verres. Alceste avale une goulée de sa bière qui dessine un trait de mousse sur sa lèvre. Alister tend sa main pour l'essuyer. L'autre se laisse faire. Il aime bien qu'il ne dise rien. Ce n'est pas toujours ainsi. La plupart des garçons trouve ses gestes mal intentionnés, seulement parce qu'ils savent qu'ils pourraient les aimer, s'il le voulait. Il en a l'habitude, depuis l'école primaire. Il n'a jamais compris pourquoi on se moquait de son affection pour les filles, comme pour les garçons. Pourquoi les autres trouvaient cela anormal, alors que ça lui paraissait si naturel.

–  Est-ce que tu peux me faire une promesse ?

–  Ca dépend. Laquelle ?

–  Invente le monde de demain. Ne fais pas comme tous ces puissants qui pillent la Terre de ses ressources pour les revendre et s'enrichir. Sois mieux que ces gens-là. Montre-leur que leur argent peut être employé à faire le bien, plutôt que tout détruire.

–  C'est toi qui devrais leur montrer.

–  Mais ils ne m'écouteront pas. Je ne suis pas comme eux. Mais toi, tu peux, puisque tu viens de là-bas. Alors, tu le feras ?

–  Uniquement si tu m'expliques à quoi doit ressembler le futur. Et autrement qu'en m'emmenant dans un cortège de manifestants.

            Les deux garçons se sourient. Alister lève son verre et le porte devant son visage. Alceste limite.

–  Je vais tâcher de m'y employer, mais ça risque d'être un peu plus long comme ça.

            Son camarade jette un coup d'œil à la montre qui brille à son poignet.

–  Il n'est pas encore minuit, nous avons tout notre temps.

–  Ok, mais d'abord, on trinque. A l'avenir ?

–  A l'avenir.

            Et leurs verres résonnent en projetant de la bière sur la table en bois.


L'internationale.

L'article 49, alinéa 3, de la Constitution française de la Ve République prévoit que « le Premier Ministre peut, après délibération du Conseil des ministres, engager la responsabilité du Gouvernement devant l'Assemblée national sur le vote d'un projet de loi. [...] Dans ce cas, le projet est considéré comme adopté. »

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