7. LA STAGIAIRE
Ophélie se sentit tout à coup plus petite que ce qu'elle ne l'était déjà réellement.
— Tiens, la demoiselle au miroir ! s'exclama Efia en s'avançant vers la passagère clandestine.
Ophélie fut soulagée d'avoir embarqué dans le bon dirigeable. Celui où se trouvait la seule personne susceptible d'accepter sa présence ici.
— J'accepte, s'entendit-elle répondre.
La Totémiste leva un sourcil, l'air dubitative.
— Qui est cette jeune fille ? demanda l'un des circassiens de l'assemblée.
— J'ai proposé à cette "jeune fille" d'intégrer la troupe. Elle a des dons remarquables, expliqua Efia, sans détourner son regard d'Ophélie.
Cette dernière ne pipait mot, trop concentrée à ne pas rendre son petit déjeuner aux pieds de ses nouveaux compagnons de voyage.
— Si tu le dis, répliqua l'homme en haussant les épaules, reprenant ses planches sous un bras et un tapis roulé sous l'autre.
Et c'en était fini, chacun vaqua à ses occupations, son rangement, sa conversation, sans apporter plus aucune attention à Ophélie. C'était tout ? Il fallait un laissez-passer pour entrer dans le dirigeable, mais le simple fait qu'un des membres de l'équipe cautionne la présence d'une inconnue suffisait à lui faire intégrer la troupe ?
— Dans un premier temps, tu seras mon assistante, expliqua Efia à Ophélie tout en lui faisant signe de la suivre vers ses cages de chimères. Rien de tel pour faire la connaissance de l'équipe et comprendre les règles de fonctionnement ici. Ce sera comme ça le temps de te faire ta place parmi nous. Tu n'as pas intérêt à me décevoir, car je me porte garante pour toi, là. Donc tu feras tout ce que je te demande sans rechigner. De mon café le matin jusqu'à brosser les griffes de mes bébés le soir, finit-elle avec un coup de menton vers ses bestioles.
Et c'était reparti ! Ophélie avait été l'esclave de Berenilde au Pôle, la sous-fifre de Médiana à Babel, maintenant elle allait être la stagiaire d'Efia à travers les arches !
Mais si c'était le prix à payer pour retrouver Thorn, elle le ferait sans hésiter.
— Commençons dès maintenant. Aide-moi à ranger ça.
Un tas de matériel, de bazar, de malles s'amoncelaient à même le sol, tout près des cages d'animaux qu'Ophélie regardait d'un oeil méfiant. Il fallut porter tout cela à travers le dirigeable. Longer les coursives étroites où l'on ne pouvait se croiser sans se cogner aux énormes sacs et coffres que chacun portait à bout de bras ; se faufiler dans des dortoirs, entre les lits où étaient déjà déposés des petites affaires, comme pour prendre possession du meilleur coin avant les autres ; remettre certains paquets aux cuisiniers qui s'activaient à ranger ce qu'on leur apportait dans les grands placards aux portes d'acier au dessus de leurs plans de travail ; aménager l'espace des animaux sans que les plus gros puissent croquer les plus petits ; ranger la cabine d'Efia, qui, elle, avait la chance d'avoir un espace rien que pour elle.
Lorsqu'elle pénétra dans la chambre de la Totémiste, la minuscule pièce qu'elle allait sans doute partager avec la dompteuse lui rappela des souvenirs. Elle repensa à la première fois qu'elle quitta son arche natale, lorsque Thorn était venu la chercher pour la ramener contre son gré au Pôle. A l'époque, elle le détestait tellement qu'elle aurait pu lui cracher au visage si elle n'avait pas eu la pression de sa famille sur le dos. Elle se rappellait encore la petite cabine qu'elle avait occupée avec sa tante Roseline durant ces longues journées de voyage. Ces longues journées où la nausée ne l'avait pas lâchée. Elle allait pourtant bien devoir s'y habituer si elle avait l'intention de rester quelques temps avec la troupe de la Caravane du Carnaval.
— Tu dormiras ici avec moi. Je prendrai le lit, tu te contenteras de la banquette, précisa Efia.
Une sorte de lectus romain faisait office de canapé sous le minuscule hublot qui diffusait à peine la lumière de fin de journée. L'espèce de banc avait l'air totalement inconfortable, mais heureusement pour Ophélie, sa petite taille jouait en sa faveur.
Elle jeta un regard circulaire dans la cabine et ses épaules s'affaissèrent légèrement. Sa nouvelle maison n'était, comme depuis maintenant des mois, pas vraiment la sienne. Elle allait devoir s'accoutumer de la vie que la Totémiste allait lui imposer, jusqu'à trouver un indice, un plan, une solution pour rejoindre le chemin qui la mènerait jusqu'à sa propre maison, les bras de Thorn.
*****
On ne change pas les bonnes habitudes ! On dirait bien qu'Ophélie va encore en baver 😅😋
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