2: Hugo.
Hugo fut réveillé par des cris. C'était une voix qu'il connaissait trop bien. La voix qui le réconfortait s'il était triste, qui le réprimandait s'il faisait des bêtises, qui lui glissait des mots d'amour le soir. La voix qui le berçait depuis sa plus tendre enfance.
Il sortit de son lit sans bruit, et s'aventura dans le couloir. Il marcha avec la plus grande attention, en évitant tous les endroits du parquet qui grinçaient. Il se retrouva devant la porte de la chambre de ses parents. Il entendait distinctement des reniflements.
-Elle... Elle va re.. Revenir... S'en prrrrrendre à... Aux... Aux enfants... chuchotait Hermione en reniflant.
-Mais non ma belle, elle est morte. Ma mère l'a tuée. Elle ne reviendra jamais. Tu es en sécurité. Je suis là. Je vous protégerai, toi et les enfants, s'il se passe quelque chose. Mais Harry a tué Voldemort. Il ne reviendra pas. Nous sommes tranquilles. Bellatrix aussi est morte.
Hugo voyait les épaules de sa mère toujours secouées de sanglots.
-Ron... Ce... C'était nos enfants cette fois ! Je... À cause de moi... Elle va les... Les retrouver...
-Non. Elle est morte. C'était juste un cauchemar. Calme-toi. Respire. Rose est en sécurité à Poudlard. Et puis on les a tués. Pendant la guerre. Plus de mage noir, ni de mangemorts.
-Mais... Hugo... Et si... S'ils n'étaient pas tous morts... Ou... Ou à Azkaban ?
-C'était juste un cauchemar Mione, je te le jure.
Hugo vit son père bercer sa mère, comme si c'était un bébé. Gauche, droite. Gauche, droite.
Avant, arrière. Avant, arrière.
C'était toujours le même rituel. Cauchemar, réconfort, et puis dodo.
Mais cette fois, lorsqu'elle finit par s'endormir, la main crispée sur le tee-shirt de Ron, ce dernier se mit à pleurer. Hugo restait pétrifié devant la porte, ne sachant que faire. Spectateur, comme d'habitude.
Gauche, droite.
Avant, arrière.
Hugo Granger-Weasley était en position fœtale contre le mur de sa chambre. Il se balançait. Avant, arrière.
Cela le réconfortait.
Il se leva brusquement et se posta devant son miroir. Son reflet. Cet homme qu'il haïssait plus que tout. Il se regarda longuement avant de mettre un énorme coup de poing dans le miroir, avec une telle force qu'il se brisa.
-Mais qu'est-ce qui cloche chez moi, putain ! hurla-t-il.
Malin ! À présent, sa main ensanglantée lui faisait mal.
Il explosa en sanglots. Il s'allongea à même le sol et finit par s'endormir, en silence. Le silence, c'était justement son problème. Il n'avait jamais rien dit à personne. Depuis l'enfance, il se contentait d'observer, d'analyser. Il était l'un des spectateurs de sa vie, alors qu'il aurait dû en tenir le rôle principal.
Il était à présent dans une bulle, loin, incapable de ressentir le moindre sentiment. À part la haine et les regrets, bien sûr. Et toujours contre lui-même.
Il s'était petit à petit éloigné de sa sœur adorée, de ses amis, de ses cousins, de ses oncles et tantes, et même de ses parents. Il n'avait jamais été aussi seul. Sa femme venait de le larguer. À moins que ce ne soit lui ? Il était tellement mal...
Il avait toujours voulu qu'on le voit comme un mec bien, drôle, sympa. Maintenant, tout cela lui paraissait tellement loin... Il lui suffisait d'appeler sa mère. Et tout reviendrait dans l'ordre. Enfin, dans la mesure du possible. Mais il n'osait pas. Il avait peur de ce qu'elle lui dirait. Elle et sa sœur. Et puis sa femme. Ou ex-femme ? Il ne savait plus. Son père. Ses amis. Et puis il ne savait pas quoi leur dire. Il leur faudrait une explication. Et il avait justement peur de cette explication.
Alors il restait là, si proche et en même temps si loin d'eux.
Il se regarda encore une fois dans le miroir fissuré. L'homme qu'il voyait ne pouvait pas être lui. C'était impossible. L'homme était fatigué, en colère, négligé, sale, menteur, voleur, impuissant, bourré, il avait le nez cassé et il était couvert de sang. Comment en était-il arrivé là ?
Lui, pourtant si sage, si calme, si obéissant ?
Il cria sa rage et son impuissance devant cette vie d'injustices, de mort, de jugements.
Il explosait.
Il avait lâché l'affaire le jour de l'accident. Il avait trop bu. On avait rit de lui, on avait dit qu'il était trop coincé. Alors il a descendu la bouteille. Toute la bouteille. Pour faire comme tout le monde, pour être dans la norme. Tout le monde boit un peu, de temps en temps. Il voulait qu'on le voit comme un gars cool. Alors il avait continué, enchaîné les bouteilles.
Il hurla son désespoir.
Heureusement qu'il était seul, ce jour-là.
Heureusement que son fils avait préféré rester avec Mina. Sur le coup, bourré comme il était, il avait été vexé.
Heureusement qu'Andrew, son meilleur ami, était rentré à pied. Il s'était bien amoché. Il avait été dans le coma, pendant des semaines. Et puis il s'était barré de l'hôpital, sans laisser aucune lettre, aucune adresse, rien. Il le regrettait à présent. Ce serait plus simple si on le retrouvait. Il envoya un message à Rose, avec son adresse. Il savait que sa sœur ne le jugerait pas. Jamais.
Mais il ne voulait pas mettre de mots, sur ce vide qu'il ressentait, sur cet abîme dans son cœur, il en était incapable. Il souffrait des fantômes du passé de sa famille, il souffrait de son silence, il tremblait.
Son fils lui manquait terriblement. Il regarda ses mains.
Sa plus grande peur, à Hugo, c'était ce qu'il était capable de faire. Ce qu'il était capable de faire avec ses mains. Ses propres mains qui pourraient tuer, faire saigner, faire pleurer, si elles le voulaient.
Ses mains qu'il pourrait tendre ou bien utiliser comme des armes. Ses grandes mains, puissantes et fortes. Dures, aussi.
On toqua à la porte. Il alla ouvrir. C'était déjà Rose. Elle se jeta dans ses bras malgré l'odeur répugnante qu'il dégageait.
-Je t'ai enfin retrouvé... Hugo !
Elle le regarda avec ses beaux yeux bleus. Et elle comprit. Rose était la seule personne qu'il connaissait qui pouvait comprendre la souffrance. Elle la comprenait et arrivait à la contourner, à l'apprivoiser, à vivre avec.
Hugo ne savait que dire. Il allait ouvrir la bouche quand sa sœur l'interrompit.
-Chut, ne dis rien. On va retourner à la maison. Finn et Mina ont besoin de toi. On va soigner tout ça, dit-elle en montrant sa main puis son nez. Tu t'es battu ?
-Oui, contre mon reflet.
Elle lui sourit. Un sourire vrai, pur, tendre, comme elle savait si bien les faire. Un de ces sourires qui redonne espoir et confiance.
-Ils... Ont besoin de moi ?
-Plus que tout au monde.
Hugo était allongé dans l'herbe, blotti contre son deuxième fils, Ethan. Il avait fait des conneries. Une chance inouïe qu'il n'ait blessé personne. Il songeait à son passé.
Sans Rose, sans ses amis et surtout sans sa femme Mina, il ne s'en serait jamais sorti. Il pensait qu'il ne comptait pas et que personne ne lui rendrait jamais les services qu'il avait rendus. Il se trompait. Il admirait ses fils, si beaux, tandis que ses neveux et nièces riaient aux éclats. Il se sentait enfin dans son élément, au Terrier, avec toute sa famille.
Il avait été voir un psychiatre, pendant longtemps. Ça lui faisait du bien de parler. Qu'on s'intéresse à lui. Qu'on l'écoute.
Mina l'avait accompagné. Toujours supporté. Elle l'avait aidé à régler ses problèmes avec l'alcool.
Il avait réussi à admettre beaucoup de choses. À arrêter avec les idées suicidaires. Appris à parler. Grâce à sa femme et ses fils, les amours de sa vie.
Avec le recul, il avait réussi à prendre confiance en lui. Il y avait des jours sans. Mais aussi des jours avec. C'était ces journées qui lui donnaient de la force. Ces journées qui le faisaient avancer. Et quand on lui demandait, il répondait que son passé l'aidait à avancer. Que c'était grâce à son passé qu'il souriait, respirait et profitait.
Grâce à son passé qu'il vivait.
-Papa ?
-Oui mon grand ?
-Je t'aime. Quand je serais grand, je serai comme toi.
-Oh, non Ethan... Tu seras bien mieux. Tu seras parfait.
-Je ne veux pas être parfait. Je veux être comme toi.
Hugo Granger-Weasley se tourna vers son père. Son père à qui il avait toujours voulu ressembler. Son modèle. Son idole.
Il ne lui ressemblait pas vraiment. Pas du tout, même. Mais il avait fini par être fier de lui-même. Il avait fini par accepter d'avoir des parents célèbres. Il avait fini par être bien dans sa peau, et c'est tout ce qui comptait.
Il sourit enfin à la vie, au soleil, et à son avenir, qui s'annonçait radieux.
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