Trysion posa alors son matériel en serrant les dents, et retira avec précaution les protections et le tissu de son avant bras blessé. Les dents de la créature étaient entrées profondément dans la peau et le muscle, déchiquetant la chair et y déposant le mucus jaune qui coulait de sa bouche. Le sang du soldat sortait abondamment de la blessure, tombant au sol et y formant une petite flaque. Tandis que quelques autres s'occupaient de lui, passant des bandages autour des plaies et y passant du désinfectant, je tentai d'évaluer la situation. Ces créatures étaient couvertes de cristaux. Le contact avec les cristaux créait-il cet état ? Était-il possible d'être atteint simplement en en étant proche, même avec un équipement de protection ? Au contraire, les cristaux étaient-ils seulement un effet secondaire de la présence de ces créatures dans le laboratoire ? Je me tournais vers Zadorov et lui demandai :

« Continuez l'analyse de votre échantillon. Plus vite on saura à quoi on a affaire, plus vite on saura comment agir. Trysion, statut ?»

Le soldat, tendu par la douleur et se retenant visiblement de grogner, répondit en serrant les dents :

«Si l'état de la blessure ne s'améliore pas, je vais être sévèrement handicapé. J'ai l'impression que mon avant-bras me brûle, je peux à peine contracter mes muscles.»

Je me tournais vers Kalixi, qui donna immédiatement son avis sans que j'ai à demander :

« Une blessure pareille n'a pas cet effet normalement. J'ignore s'il s'agit d'un effet des cristaux, d'un effet du mucus, d'une combinaison des deux ou autre chose, mais son état n'est pas normal. Il faut qu'on garde une surveillance constante de son évolution. Peut-être qu'il s'agit d'un effet paralysant utilisé pour chasser, peut-être un poison. Peut-être aussi ce mucus est-il hautement toxique ou infectieux. Je vais faire des prélèvements de sang pour savoir de quoi il en retourne. »

Zadorov ne semblait pas particulièrement avancer dans ses recherches. Ses observations étaient toujours les mêmes qu'au début, et elle n'avait pu que confirmer l'émission d'un son à haute fréquence par son échantillon, sans pouvoir déterminer la raison ni le moyen de cette émission. Je jetai un coup d'œil vers la porte, mais aucune créature ne semblait vouloir y entrer, et je n'entendais aucun bruit dans le couloir. Je remarquais un écran sur le mur, utilisé pour la communication interne, et me tournais vers l'équipe :

« Nyalda, Grundak, essayez d'activer l'écran. On pourra peut-être obtenir quelques informations sur ce qu'il se passe ici.»

Tandis que la fébrilité retombait doucement, le fait d'avoir perdu deux soldats en quelques secondes m'atteignit soudainement. Ils n'avaient pas eu la moindre chance. Malgré notre entraînement, nous n'étions visiblement pas prêts pour cette mission. Ce n'était pas la première fois que je perdais des hommes, loin de là, mais rarement de façon si soudaine et d'une facilité si déconcertante. Si les autres n'en parlaient pas, je sentais que la vision des deux soldats tombés était dans tous les esprits. Finalement, je sortai de ma réflexion quand un flash de lumière provint de l'écran. Nyalda et Grundak avaient sorti des fils de l'appareil, les avaient dénudés, avant d'y connecter une petite batterie servant normalement aux lampes.

L'écran, cependant, affichait un simple fond bleuté animé. Plusieurs messages d'erreur se succédèrent, tandis que l'appareil démarrait et constatait qu'il n'avait pas accès au réseau galactique ni local, et donc pas aux archives ni enregistrements de sécurité, ainsi qu'à l'historique des événements. Zadorov abandonna temporairement ses observations sur le cristal, frustrée de ne pas comprendre son fonctionnement, et s'approcha de l'écran. Elle ouvrit quelques dossiers et logiciels, avant d'ouvrir un terminal de communication interne :

« Normalement, même sans accès au réseau par des données voyageant à distance, si cet écran est également relié au reste par des fils ou une sorte de fibre optique, il devrait au moins être capable de communiquer avec d'autres écran du même type, tant qu'ils sont allumés. On ne peut pas envoyer beaucoup de choses, mais c'est mieux que rien.»

Je hochais la tête avant de réfléchir un instant, puis ordonnais :

« Dans ce cas, envoyez le message suivant : escouade secours, lab 1, survivants ?»

Zadorov se tourna à nouveau vers l'écran et envoya ce message, espérant avoir une réponse. Elle affirma ensuite :

« Il ne reste qu'à espérer que les cristaux ne se mettront pas trop à pousser dans les appareils, sans quoi même avec une batterie, on ne va pas pouvoir faire grand chose.»

Les autres approuvèrent, et je me tournais vers Kalixi. Iel était en train de doucement extraire du sang du bras de Trysion afin de l'étudier. L'état du blessé empirait rapidement. L'endroit entourant sa blessure noircissait rapidement, tandis que des contractions involontaires secouaient sa main. Même s'il ne disait rien, il fermait fréquemment les paupières à cause de la douleur. Après quelques minutes, tandis que Kalixi déposait des gouttes de son sang sur divers tests ou mettait des gouttes de diverses substances dans ses échantillons, Trysion finit par parler, plus faiblement :

« Ça ne progresse pas... Tout mon bras me fait mal maintenant, et j'ai une sorte de migraine qui s'installe. »

Un tremblement incontrôlé le secoua, tandis qu'il inspirait difficilement. Quoi que la créature lui ait injecté, il était nécessaire d'agir rapidement. Kalixi observa ses tests sans vraiment comprendre, avant de déclarer :

« Les résultats n'ont pas vraiment de sens... Certains tests se contredisent entre eux, certains ont des réactions sans aucun sens. Je ne comprends pas ce qui se passe.»

Alors que j'observais les résultats de Kalixi, Trysion se mit à trembler davantage encore, en claquant des dents, et ses yeux s'agrandirent, comme s'il voyait une chose terrifiante qui nous était invisible. Il se mit à répéter d'une voix rauque et faible :

« Les régulateurs... Les régulateurs...»

Constatant qu'il avait des hallucinations, plusieurs d'entre nous se mirent à tenter de le ramener à la raison. Après quelques minutes, il finit par reprendre ses esprits, sans véritablement cesser de trembler. S'il ne parvenait pas à se rappeller de ce qu'il voyait, la mention de "régulateurs" sembla toutefois l'angoisser. Encore une fois, comme depuis le début de notre arrivée ici, bien davantage de questions ne s'ajoutaient que de réponses.