Les Cristaux
Les lumières du hall étaient toutes éteintes. Lorsque la porte se referma derrière nous, dans un grincement, le bruit du vent se retrouva étouffé par une isolation sonore très efficace, et indispensable à ceux travaillant dans le bâtiment pour ne pas devenir sourds en quelques heures. Seul un léger bruissement ainsi qu'une sorte de lancinant chant dissonant nous parvenaient encore, accompagnés du grondement sourd des trombes d'eau s'abattant sur la structure. Nos lumières allumées, nous nous mîmes à inspecter les lieux. Avec surprise, je constatais que le hall, s'il était exempt d'un quelconque individu et qu'aucun mouvement autre que celui des ombres projetées par nos lampes-torches n'était visible, était loin d'être vide.
Des cristaux d'une taille variant de minuscules géodes à de véritables pics de plusieurs mètres de longueur en avaient envahi les murs tels une infestation, ne laissant apercevoir qu'en quelques endroits clairsemés la peinture blanche clinique du bâtiment. Le sol n'était couvert que de petits morceaux de cristaux, mais ceux présents sur les murs réduisaient drastiquement la largeur des couloirs. M'approchant prudemment de l'un des cristaux les plus imposants, je l'observais à la lumière légèrement tremblante de ma lampe. Sa surface irrégulière et semblait-il légèrement rugueuse était d'un jaune malade, semblable à du soufre. Très légèrement translucides, ils tiraient sur l'orange là où ils étaient le plus épais et au vert dans les petites crevasses et à leurs racines. Sans explication véritable, une très fine brume iridescence s'en dégageait pour stagner à quelques millimètres de la surface du cristal, et n'était véritablement visible que si on la regardait depuis le côté.
Ces cristaux ne semblaient pas avoir d'origine particulière. Ils ne provenaient pas d'une seule et même source, et apparaissaient de façon indépendante, semblant pousser depuis les murs ou le sol sans raison particulière. Ils ne provenaient pas non-plus de l'intérieur des murs avant d'en percer la surface, mais bien de l'extérieur même. Sans me l'expliquer, j'avais la sensation très désagréable qu'ils m'observaient, et qu'une constante présence nous entourait, guettant nos mouvements. Je me reculai et ordonnai à Zadorov :
« Prenez l'un des petits cristaux qui sont sur le sol et analysez-le. Je veux savoir à quoi on a affaire.»
Zadorov posa immédiatement sa sacoche à côté d'elle et s'agenouilla, une pince dans la main. Le cristal ne voulait cependant pas venir, et elle se munit d'une minuscule lame vibrante afin de le découper pour le détacher de son support. Alors qu'elle le soulevait enfin, un mal de tête me prit, et je remarquai le tressaillement de toute l'équipe. Je demandai immédiatement :
« Rapport de statut. Qui est victime de maux de tête actuellement ? »
Toute l'équipe, y comprit Zadorov, leva la main. Grundak, elle, se tenait même la tête et affirma, les dents serrées :
« Il y a un son...»
Tandis que cette soudaine migraine passait doucement, Grundak haleta :
« Zadorov, je sais pas ce que tu as fais, mais quand tu as coupé ce cristal, c'est comme s'il y avait eu un cris... C'était... C'était si aigu...»
Fronçant les sourcils, je me tournais vers Pento'Do et demandais :
« Prenez une lame vibrante et pratiquez une incision sur l'un des cristaux. Pas besoin d'en prélever un échantillon, je veux simplement une incision superficielle.»
Le soldat à la peau bleue se saisit de sa propre lame et s'executa. Lorsqu'il toucha la surface du cristal, alors qu'il ne s'était contenté que d'enfoncer l'ustensile que sur un millimètre, un maux de tête plus puissant encore nous prit, et Grundak lâcha un grognement de douleur. Immédiatement, j'ordonnais :
« Pento'Do, arrêtez immédiatement, on a ce qu'on voulait. Peu importe comment c'est possible, endommager ces cristaux provoque immédiatement une douleur chez tous ceux présents. Évitez d'y toucher, seule Zadorov est habilitée à analyser l'échantillon déjà en notre possession.»
Grundak souffla alors, se frottant lentement l'arrière du crâne :
« Ce n'est pas simplement un mal de tête sans raison... C'est à cause du cri.
- Du cri ? Développez ?
- Vous n'entendez pas ? C'est à cause du cris qu'on a mal de tête.»
Sans vraiment comprendre ce à quoi elle faisait référence, je m'approchai d'elle avant de redemander :
« Quel cri ?
- Quand on... Ce n'est pas le bon mot mais, quand on fait "mal" aux cristaux, ils crient tous en même temps. Et c'est si aigu, ça fait tellement mal... J'avais l'impression que mes tympans allaient se déchirer.
- Une explication à pourquoi on n'entend rien ? »
Grundak réfléchit un instant avant de tapoter l'une de ses petites cornes recourbées :
« Nos cornes sont creuses, elles nous servent pour mieux canaliser les sons quand on communique. Peut-être que c'est grâce à ça que j'entend et pas vous.»
Je hochais légèrement la tête, puis me tournai vers Zadorov :
« Lors de votre analyse du cristal, faites également une analyse sonore poussée. Ils émettent visiblement des ondes suprasoniques.»
Zadorov, qui avait commencé à observer l'échantillon dans un petit microscope de poche, hocha la tête, avant d'affirmer :
« C'est comme si ça grouillait. On dirait plein de petits grains de sable qui bougent. Je ne sais pas à quel phénomène c'est dû, mais on est pas face à un mineral inerte. Soit c'est un phénomène géologique inconnu qui provoque une croissance rapide de ces cristaux, soit on est face à un être vivant, ou peut-être une colonie formée de millions d'individus unicellulaires.
- Aucun moyen de déterminer ?
- Pour le moment, tout indique que ces choses sont bien un minéral aux propriétés très particulières, je ne vois aucune trace de respiration ou d'absorption de nutriments. Ça bouge juste, sans raison. Je ne vois aucune division cellulaire non-plus, pourtant, en observant d'aussi près, il est impossible de nier que cette chose grandit. Je suis perplexe.
- Bien, on continuera notre analyse plus tard. Pour le moment, on poursuit l'exploration du bâtiment, en évitant de toucher et surtout d'endommager les cristaux. Gardez aussi vos masques à oxygène, on ne sait pas s'ils sont présents de façon microscopique dans l'air ni s'ils sont toxiques, et je préfère éviter de respirer cette espèce de brume qu'ils génèrent. Quoi que ces cristaux soient, je doute qu'ils n'aient aucun lien avec la disparition des scientifiques, alors ne prenons pas de risque inutile.»
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top