17 avril 2020

Mon cher journal,

Je crois bien que le temps se joue de mon esprit. Les minutes se taisent pour laisser place aux heures, qui à mes yeux les ont remplacées. Je me languis sur mon stupide fauteuil rapiécé, à guetter l'arrivée d'un félin au fin fond d'un jardin détrempé.

Oh, je viens de faire une rime. Ha ha. J'avoue sombrer peu à peu dans cette transe si étrange dont parlent les gens sur les réseaux. Je me fais la conversation, trinque avec un fantôme et m'agace contre la poignée de ma chambre qui refuse de tourner : mes nerfs coulent sur les murs de ma maison et l'amplissent d'une lugubre atmosphère.

Ha, tu ne peux pas savoir comme je souhaite qu'Orage soit là ! Il -ou bien elle- me manque tant ! Il est ma seule motivation à demeurer droite. Ne pas flancher. Voilà ce que répète la partie encore immergée de mon cerveau : quant au reste, il se noye dans une lente et folle agonie. C'est à peine si je trouve la force de m'habiller.

Samedi est dorénavant marqué d'une croix rouge sur mon calendrier : je me revêts de mes plus beaux vêtements et sors le grand jeu pour mes sorties. Bien que le reste de cette triste Humanité ne verra pas mon visage avant trois mois, et que seuls les courageux -tout bonnement les autorisés- à sortir de leur hibernation feront l'effort suprême de m'accorder un regard pour se donner la peine de me contourner comme il se doit, je garde cette journée comme mon plus précieux trésor. Samedi se vêt désormais du nom de Jour des Vêtements.

C'est ainsi que les jours des courses devinrent les jours les plus importants de ma vie. Sans eux je ne peux pas vivre, et sans eux Orage fuyerai probablement devant mes hurlements frustrés.

Il m'arrive régulièrement de rire aux éclats pour la simple et bonne raison d'avoir un mètre carré de plus que le voisin, ou même un peu d'herbe sur laquelle marcher, à l'inverse des immeubles d'en face.

Comme rester enfermer est frustrant ! Voilà maintenant que je me répète, et bientôt même toi sera las de mes plaintes incessantes.

Je suis fatiguée.

Salut.