#Sujet6


#Sujet6

Dans un grand gymnase, à peine éclairé, quatre chaises sont posées en forme de losange au milieu d'un terrain de basket. Sous un silence pesant, un premier homme, portant une casquette et au regard abaissé, arrive à l'intérieur. S'installant, en tapant des pieds, celui-ci entend la porte s'ouvrir et voit une femme qui débarque, en portant une grosse paire de lunette de soleil qui dissimule son visage. Celle-ci s'assoit sur la chaise, à côté de l'homme, de façon timide, en ne portant aucune attention à cet homme. Patientant un court instant, un troisième homme se ramène, très à l'aise, en faisant du bruit, volontairement, avec des pas appuyés. Avec une capuche sur la tête, celui-ci se met sur une des deux chaises libres et dévoile un large sourire aux autres. Mais ils ne lui adressent aucun sourire en retour, ainsi il décide de ne pas y porter d'importance.

Puis soudainement, une femme, en tailleur, surgit en rayonnant la pièce et déclare d'une voix enjouée, alors que l'atmosphère de cette salle est morose :

- Bonjour à tous, je tiens à m'excuser pour mon retard. J'étais dans les bouchons à cause d'une super-vilaine qui a décidé de détruire une route, en la congelant. Bref... S'installe-t-elle, au bout de ce losange, face à eux.

Je suis content de vous voir pour ce groupe de parole. Je me présente Madame Park, Psychologue.

- Bonjour Madame Park ! Réagit joyeusement l'homme à la capuche, tandis que les autres ne font qu'un signe de tête.

Ainsi, Madame Park zieute d'un seul œil chacun d'entre eux, constatant que deux d'entre eux ont le regard dirigé contre le sol, et débute ce groupe de parole :

- Je sens que ça ne va pas être une séance facile, mais j'aime les défis... Croise-t-elle les jambes, avant de débuter une explication.

Commençons par un rappel de la situation, et même une contextualisation du monde pour initier une conversation. Acquiescent-ils à la proposition de Madame Park, donc celle-ci poursuit.

Nous vivons dans un monde où trois quarts de la population ont des pouvoirs et plus d'un quart sont des super-héros. Qui dit Super-héros, dit super-vilain également et dit surtout des dommages collatéraux, ce qui veut dire des morts. Aujourd'hui, je veux d'abord que vous vous présentiez et qu'on puisse discuter de ce que vous pensez sincèrement de votre métier.

- Moi, je m'appelle Steven, je suis le plus grand des super-héros de l'Europe. Parle, en premier, l'homme à la capuche.

Je le suis depuis 5 ans, j'ai sauvé le monde un nombre incalculable de fois que j'ai arrêté de compter. Tout le monde compte sur moi et j'aime ça. Ah oui, j'ai le pouvoir de transformer mon corps en métal et je suis invulnérable aux armes à feu. Voilà !

- Merci Steven. A vous madame. S'adresse la psychologue à la femme aux lunettes de soleil.

- Je suis Jessica, je suis une des plus vieilles super-héroïnes de ma ville. J'ai le pouvoir de contrôler les esprits et le corps des gens. C'est tout ! Je n'y pense pas grand-chose de mon métier, c'est un métier quoi.

La psychologue remercie, avec un hochement de tête, puis elle porte un regard dirigé contre l'homme à la casquette pour l'autoriser à parler :

- Mon prénom, c'est Andrew, je me suis jamais considéré comme un super-héros, j'ai même jamais voulu l'être... Euh, j'ai le pouvoir de maîtriser l'air dans toutes ces formes, ça peut passer d'un coup de vent à une tornade gigantesque. Et être un super-héros, ce n'est pas un métier, ça ne devrait même pas exister.

- Merci de vous être présenté. Révèle-t-elle un sourire aux trois super-héros, en laissant place à un court silence avant de reprendre.

Je vous en prie, commençons par vous Steven, qu'est-ce qui vous amène ici ?

- Je n'en sais rien, je ne comprends même pas ce que je fais ici. On m'a dit de venir parce que je suis soi-disant tiraillé entre mon devoir de super-héros et être un super-héros.

- Donc vous ne pensez pas avoir de problème Steven ? Questionne attentivement la psychologue.

- Mais pas du tout, je connais mon rôle. Je sauve des gens et je suis le meilleur dans ce domaine.

- En quoi être un super-héros est équivalent à être le meilleur ? Et si vous êtes le meilleur, les autres super-héros sont quoi ?

- Si un super-héros n'est pas le meilleur, à quoi ça sert d'être un super-héros ? Autant être un policier ou autre. Je ne peux pas répondre pour les autres, moi je sais que je suis fort.

- Hum... Vous sauvez tout le monde donc ? Vous avez jamais eu d'échecs ?

- Jamais !

- Dans vos sauvetages ou combats, personne n'a été tué ou est mort comme dommage collatéral ? Insiste la psychologue qui ne lâche pas son regard contre Steven.

- Ben, c'est déjà arrivé...

- Tu n'es pas le meilleur super héros alors. Intervient Jessica, en coupant la parole à Steven, d'un ton froid.

- Tu es qui toi pour me dire ça ? S'énerve Steven, instantanément.

- Dans le fond, elle a raison. Soutient la psychologue, en questionnant, à nouveau, Steven.

Comment pouvez-vous dire que vous êtes le meilleur si vous ne respectez pas l'essence propre du super-héros, c'est-à-dire, sauvez des vies ?

- Sauvez des vies, c'est bien, mais combattre les meilleurs super-vilains, c'est plus jouissif.

- Et dans ces mots-là, vous ne remarquez aucun problème ?

- Il est ridicule... Dévoile Andrew, le super-héros qui maitrise l'air, sur Andrew.

Tout le monde le connait, il se prend pour le meilleur super-héros. Mais face à des adversaires plus forts que lui, il prend la fuite. Il oublie de sauver des vies, il pourrait être tellement plus puissant, mais c'est un lâche. Il se prend pour le meilleur, mais on sait que c'est le pire. Il n'accepte absolument pas sa personne.

- Je vous emmerde, c'est faux. Se dresse-t-il, énervé, en basculant sa chaise, en arrière.

Je me tire. C'est bon.

- Donc il a raison ? Vous fuyez dès la première menace que vous n'arrivez pas à vaincre.

- C'est faux ! Se fige-t-il sur place, en criant sur la psychologue.

- Alors asseyez-vous et écoutez, pour nous prouver le contraire. Exige la psychologue, d'un ton ferme. Acceptant, avec de la colère sur son visage, il se met à croiser les bras pour écouter la suite de ce groupe de parole.

Sinon, j'aime beaucoup votre intervention Jessica, mais j'aurais une question. En tant que super-héros, proche de la retraite, pourquoi c'est maintenant que vous cherchez à faire une thérapie.

- Parce qu'elle a compris que c'est plus de son âge.

- Steven, on ne vous a rien demandé. Vous écoutez et arrêtez de prendre la parole pour rien dire. Ordonne la psychologue, avec un regard ténébreux contre Steven, qui lui adresse le même regard en échange. Le silence revenu, elle porte son attention sur la super-héroïne.

Je vous en prie Jessica.

- Je suis venu sur ordre de mon médecin parce que j'ai fait un burnout...

- Comment on peut faire un burnout en étant un super-héros ?

- Et mec, tais toi ! Hurle Andrew, en levant sa main, qui invoque un vent glacial et qui refroidit, de peur, la salle d'un coup.

La dame parle donc... Tu as intérêt à écouter et je veux plus t'entendre à part si elle a fini.

- Merci Andrew. Dit-elle à celui-ci qui a vraiment calmé Steven.

Mais sinon, Steven, ta question est quand même intéressante. J'en ai fait parce qu'au contraire de toi, je n'arrivais pas à voir l'évolution de la société. On se battait contre des super-vilains tous les jours, on gagnait et pourtant, le monde est toujours pareil.

- Donc le manque de résultat vous a affecté Jessica ? Demande la psychologue, intéressée par son discours.

- Affecté ? On est affecté quand notre équipe de foot perd, ce n'est qu'un temps. Moi, j'ai été emprisonné dans un cercle vicieux. Je ruminais sur mes échecs, je culpabilise de ne pas être arrivé plus tôt, j'étais déçu de mes actions, j'étais impuissante face à certains vilains, je me repliais sur moi-même quand je voyais la puissance de mes ennemis, j'étais épuisé de tout ça...

- D'où provient ce cercle vicieux ?

- Un jour, j'ai sauvé près d'une centaine de personnes dans un immeuble où il y avait un terroriste, en rentrant dans sa tête pour qu'il se fasse arrêter. Mais dans la ville d'à côté au même moment, il y a eu une attaque de super vilain qui a causé la mort de milliers personne. Comment je peux avoir une pensée positive de mon métier de super-héros alors que rien ne s'améliore et qu'une bonne action peut être oubliée par une mauvaise action.

- Vous ne pouvez sauver tout le monde. Vous le savez ?

- Alors à quoi on sert ? Réplique Jessica à la psychologue.

- On sert à faire peur. Déclare Steven, d'un ton calme.

- Mais même ça, on le fait mal, parce que les super-vilains sont de plus en plus nombreux. Lui répond Jessica, sans jugement.

- D'où vient le problème alors ? S'immisce la psychologue qui trouve un intérêt dans ce débat.

- Qu'on est trop gentil avec les super-vilains ou les criminels. Je commence à penser qu'on doit tous les tuer. Déclare Andrew, subitement, sur un ton léger alors que ça surprend tout le monde.

- C'est que ton avis, moi, je pense juste que le monde, malgré notre bonne volonté, ne s'améliora jamais. Ajoute Jessica.

- D'accord, merci beaucoup pour votre partage Jessica. Puis Madame Park incline sa tête vers le super-héros qui porte une capuche.

Andrew à vous, je trouve ça intéressant votre prise de position alors que vous parlez peu. J'aimerais, du coup, que vous m'expliquiez pourquoi vous pensez cela ?

- C'est simple. Argumente Andrew, avec une faible voix, le regard vers le sol.

J'ai vu ma mère mourir à l'Age de 16 ans par un super vilain qui a braqué une banque et l'a pris en otage pour s'évader. J'ai été placé en famille d'accueil et c'est là où j'ai développé mes pouvoirs. J'ai aidé des gens dans le besoin avec ces pouvoirs et on m'a pris pour un super-héros à cause de ça. Ce que j'ai toujours refusé parce que je ne me considère pas comme un super héros.

- Avez-vous tué tous les super-vilains et criminels que vous avez rencontré ?

- Non, je ne tue que si nécessaire... J'ai une conscience quand même et un sens moral. Mais parfois, je me dis qu'ils méritent tous de mourir.

- Rien ne vous empêche de le faire pourtant ?

- Ma Conscience, je l'ai dit...

- Non vraiment, qu'est ce qui cause votre présence ici ? Dans ces lieux ?

- Je dirais qu'à force de sauver des gens et aider la population, j'ai peur de mourir comme d'autre super-héros... Comme ma mère. Mélange-t-il de la colère et de la tristesse dans ces propos.

Ma colère est devenue de l'anxiété. Je suis devenu anxieux de ne pas être à la hauteur, donc je me suis isolé de tout le monde et j'ai arrêté de combattre les vilains. Mais ça provoquait en moi de la parano, même chez moi, je pensais qu'on pouvait me tuer à tout moment et ça a renforcé mon isolement.

- Etre un super-héros est un fardeau pour vous ?

- On nous donne surtout des responsabilités trop grandes parce qu'on est hors du commun. Répond Jessica à la place d'Andrew qui ne compte pas y répondre.

- Au final, on le sait ça ? Non ? Emet Steven.

- Mais tous métiers n'ont-ils pas de responsabilité que beaucoup n'assume pas ? Pourquoi les burn-outs explosent dans notre monde pour des métiers simple ? Pourquoi vous, super-héros, vous ne seriez pas touché par ces maladies psychiques ? Vous êtes humain après tout.

- Mais si nous on se montre faible, les super vilains vont nous anéantir et se multipliait. Aborde Steven, surpris par les propos de la psychologue.

- Mais si vous vous montrez fort alors que dans votre esprit vous êtes faible, ça finira comment ? Tous gardent le silence, ne sachant pas quoi répondre, alors la psychologue se met à développer.

Je vais vous le dire, ça finira très mal pour ne pas vous spoiler... Celle-ci reprend son souffle et avoue par la suite.

Je vous ai menti, je ne suis pas que psychologue... Enfaite, j'ai été une super-héroïne.

- Mais oui, voilà, je me souviens de vous, vous êtes la femme choc. Je me disais que je vous avais déjà vu. S'émerveille Steven.

- Je ne la reconnais pas. Déclare Jessica, en appuyant son regard contre la psychologue.

- Mais si, c'est la super-héroïne disparue après la destruction d'une ville en Amérique du Sud.

- Exactement, j'étais La Femme Choc, j'absorbe les coups et je les renvoie au double de sa puissance contre mes adversaires. Le jour où j'ai disparu comme l'a précisé Steven, c'était après une défaite. J'ai perdu 5 de mes amis et j'ai été la seule survivante. J'étais trop faible et j'ai vu mes amis mourir, sans rien pouvoir faire. Ça m'a tué de l'intérieur et je me suis... Impose-t-elle un silence, en s'interrompant brutalement, après avoir employé une voix attristée.

En tout cas, après plusieurs mois d'errance, je me suis retrouvé aux urgences à parler avec un patient, à côté de moi, qui m'a raconté son histoire. Je ne vais pas vous raconter son histoire, mais juste un élément de sa vie... Il avait le pouvoir d'entendre loin et de comprendre tous les sons de la Terre. Et vous savez ce qu'il a fait pour se retrouver dans cet hôpital.

- Il a combattu le crime ?

- Non, pas au sens propre. Répond la psychologue, de manière ambiguë, à Steven.

- Comment ça ?

- Il travaillait dans un bureau d'écoute où il entendait le moindre bruit de sa ville. Il a su apprendre à analyser les sons pour prévenir les crimes, mais vous voulez savoir ce qu'il l'a amené aux urgences ?

- Il y a eu une explosion dans son bureau. Propose Andrew.

- Un super-vilain et un super-héros se sont battus et il était un dommage collatéral. Rajoute Jessica où les 3 super-héros sont saisit par cette histoire.

- Non, ce cher patient a fait une crise d'asthme et on l'a amené aux urgences. Et, maintenant, vous voulez savoir c'était quoi sa préoccupation ?

- De ne pas pouvoir sauver des vies.

- Et non, Steven ! Ne sachant pas quoi répondre, la psychologue vérifie si les autres veulent tenter leur chance, mais aucuns ne rentrent dans son jeu. Alors elle se met à narrer l'histoire de ce patient.

Il s'est dit que c'était dommage qu'il ne puisse pas sauver des vies, mais que pour sauver des vies, il faut qu'il sauve sa vie, qu'il se rétablisse et qu'il prenne soin de lui, avant de s'occuper des autres. En soit, c'est normal, comment soigner, sauver, protéger si nous-même, on ne se soigne pas, on ne se sauve pas et on ne se protège pas nous-même. On oublie souvent que l'être humain, même avec des pouvoirs, n'est qu'un être humain, avec des faiblesses et des qualités. On met tellement sur un piédestal les gens au pouvoir qu'on les croit invincibles, mais on naît et on meurt comme tout le monde. Du moment où vous acceptez qui vous êtes, vous irez loin.

- Ce n'est que des mots ça ? Comment je soigne ma parano, moi ? Exprime Andrew, sur qui ce discours n'a eu aucun effet.

- Comment soigner votre parano ? Comment soigner votre isolement ? Comment soigner votre mégalomanie ? Cible-t-elle les 3, en les pointant du doigt, chacun leur tour.

Ce n'est pas écrit dans des livres, le soin est propre à chacun, ça se soigne de différentes façons, mais l'important, c'est d'être dans le soin. Vous initiez le soin, donc qui sait... Vous serez peut-être rétablie dans une semaine, dans un mois, dans un an ou même demain.

- En venant dans ce groupe de parole ?

- Non Andrew, en acceptant d'abord sur le fait que vous êtes malade, que vous n'êtes pas parfait et surtout que vous êtes des humains tout simplement. C'est le premier pas !

Là-dessus, personne ne prononce un mot, dans un silence profond, laissant place au bruit des combats extérieur dans la ville. Dans ce monde alternatif, où les pouvoirs sont devenus la norme, où plus d'un quart de la population cherche à devenir des super-héros, mais où également ce même nombre de personnes sont des super-vilains, règne un fort sentiment de mal-être. Ainsi, les super-héros, qui demeurent sur cette Terre, prennent conscience que combattre des super-héros n'est pas leur seul problème, ils doivent aussi se battre contre leur propre démon.

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