Chapitre 29
— Loïs n'est pas encore arrivé ? je demande à Maja en regardant autour de moi.
Elle se penche vers moi d'un air conspirateur.
— Il a démissionné en disant qu'il déménageait loin d'ici...
Je change sûrement de tête, parce que l'expression de Maja n'est pas la même lorsqu'elle me demande :
— Tu sais quelque chose de plus ?
— Oh Maja ! Je crois qu'il a déménagé à cause de moi... Je...
— Tu l'as repoussé ?
Je soupire.
— En quelque sorte...
— Tu peux tout me dire, je ne dirai rien à personne, je te le promets. Mais je ne te forcerai pas si tu ne veux pas, ajoute-t-elle précipitamment.
Je lui souris et déglutis.
— Je... Nous avons été ensemble une journée, après être sortis ensemble le soir, pour boire un verre. J'ai revu mon frère que j'avais perdu de vue depuis plusieurs années et j'ai...recroisé quelqu'un.
Maja passe une main sur mon dos.
— Qui ça ? me questionne-t-elle de sa voix douce.
— Mon premier amour. Et je l'ai revu ce week-end. Malheureusement, Loïs était là alors que j'avais rompu avec lui la veille et ils se sont disputés. Et ensuite, je me suis disputer avec mon premier amour.
— Est-ce que ce serait pas...le père de ta fille ? A moins que tu aies eu un autre homme dans ta vie...
La gorge nouée, j'acquiesce.
— C'est lui. Mais il ne le sait pas. Je n'ai rien dit, parce que c'est bien plus compliqué que ça en a l'air...
— Je ne te demande pas de tout me raconter, Ophélia. Mais je suis là, si tu as besoin. Même si tu veux que je m'occupe des enfants pour que tu t'expliques avec ta sœur, je le ferai. Maintenant, il vaudrait mieux aller au comptoir avant de nous faire houspiller par les autres...
Nous rions ensemble, puis partons de la salle bras dessus, bras dessous.
Cette discussion avec Maja m'a réconfortée. Je me sens bien mieux qu'il y a quelques minutes. Je me sens bien plus légère maintenant que j'ai parlé de mes problèmes à quelqu'un.
🍂🍂🍂
— À demain ! me lance Maja.
— À demain, je répète, en la regardant s’éloigner dans la rue avec un dernier sourire à mon intention.
Je pars du côté opposé. Je ne sais pas par quel miracle j’arrive devant l’école des enfants, mais j’y arrive. Heureusement, j’ai fini un peu plus tôt aujourd’hui ! Mon patron a été compréhensif, car ça ne m’arrive jamais de demander à finir un petit peu plus tôt.
Julia saute dans mes bras, le sourire aux lèvres. Diego la suit de près.
— Où est Bianca ? je leur demande.
Diego hausse les épaules. Julia me répond, sur un ton neutre :
— Elle pleure dans les toilettes des filles.
— Quoi ? Qu’est-ce qui s’est passé ?
Les yeux de Julia se remplissent de larmes.
— Des filles l’ont embêtée. J’en ai parlé à la surveillante, mais elle m’a dit d’arrêter de dire des bêtises...
— Tu sais ce que ces filles ont dit à Bianca ?
Julia secoue la tête.
— Non. J’étais trop loin. Et Bianca m’a dit de ne pas intervenir...
Julia couvre sa bouche de sa main.
— C’est déjà arrivé ? Pourquoi vous ne m’en avez pas parlé ?
Tout se passe mal, aujourd’hui !
— Depuis combien de temps ça dure ?
— Ça fait au moins un an...
— Pourquoi vous ne m’avez rien dit ?
Diego hausse les épaules, l’air indifférent à ce qui arrive à sa sœur. Julia pince les lèvres.
— Elle ne veut pas en parler. Je préfère respecter son choix. Ça ne changera rien de le dire à la directrice. Les filles qui embêtent Bianca sont les chouchoutes de l’école...
— La voilà, marmonne Diego.
Dévastée, je vois en effet Bianca apparaître devant nous, le contour de ses yeux légèrement rouge. Je ne sais pas quoi faire. Devrai-je lui en parler ? Elle va me rejeter ; je ne suis pas sa mère ! Il faut que je lui fasse comprendre que, si elle a un problème, elle peut m’en parler. Mais comment faire pour lui faire passer ce message ?
Je déglutis.
— Tout va bien ? Tu as l’air fatiguée...
— Tu n’es pas ma mère, tante Ophélia.
Je me mords la langue et pousse un long soupir. C’est vrai, je ne suis pas sa mère. Mais ce n’est pas sa mère qui va l’aider avec ses problèmes, scolaires ou non...
— Alors nous pouvons rentrer à la maison ! je lance en tentant de prendre un air enjoué.
Je prends Julia par la main et nous nous dirigeons vers chez nous.
🍂🍂🍂
Je me débarrasse de mon manteau et pose mon sac sur le meuble de l’entrée. Les enfants se jettent sur le canapé. Bianca sort ses affaires pour faire ses devoirs et Diego et Julia allument la télévision. Il y a une émission à la télévision à cette heure-ci, et comme ils n’ont pas beaucoup de devoirs à faire à leur âge, je les laisse regarder.
Une porte grince et je me tourne en direction du bruit. Je croise le regard terne d’Isabella. J’ai toujours trouvé ma sœur belle, notre mère le répétait à longueur de journée, mais là, elle est tout sauf jolie. Elle qui, d’ordinaire, aime se maquiller, se pomponner pendant des heures, ne se ressemble pas du tout. Elle est fade, sans couleurs. Ça me fait un drôle d’effet de la voir dans cet état lamentable.
Je ne dis rien, et elle non plus. Nous nous regardons simplement l’une l’autre, sans animosité. Je me pince les lèvres pour m’empêcher d’éclater. Je connais la vérité. C’était inévitable que je prenne connaissance de son licenciement en appelant son (ancienne) agence immobilière. Je sais, mais je ne dirai rien. Sinon, je me mettrai inévitablement en colère. Et je ne veux surtout pas encore me déchirer avec ma sœur devant les enfants. Ils en ont déjà bien assez vu, malheureusement. Ce n’est pas la peine de continuer sur cette voie-là. Ils n’y peuvent rien si je ne m’entends pas avec ma sœur, si elle a été licenciée.
Les poings d’Isabella se serrent contre ses cuisses. Puis, après un dernier regard vers moi, elle tourne les talons. Je la suis des yeux jusqu’à ce qu’elle disparaisse dans le couloir. La porte de sa chambre claque brusquement, faisant trembler les murs de l’appartement.
Elle vient de comprendre que je savais qu’elle avait perdu son travail.
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