Chapitre 3
L'homme sur le divan ouvre lentement les yeux, révélant un gris intense et profond, une couleur si inhabituelle qu'elle semble percer l'âme. Ces yeux, soulignés par des cernes sombres, accentuent encore son allure mystérieuse. Il semble aussi surpris de la présence d'Estrid que l'inverse, mais son expression change rapidement pour devenir quelque chose de plus amusé.
Difficilement, elle avale sa salive devant cet inconnu, mais arque les sourcils lorsqu'il se met à bâiller sans gêne devant elle, en s'étirant paresseusement, dévoilant une musculature fine sous une tunique brodée de soie.
— Heu...
Yunlong la fixe, ses yeux gris se plissant légèrement, avant de prononcer dans une langue étrangère, sa voix basse et tranchante :
— 「Na sheng gu li, cheonmyeong bu ga.」
Estrid recule d'un pas, sentant son cœur s'emballer. Les syllabes étrangères, aux sonorités tranchantes et fluides, résonnent dans l'air lourd de la pièce. Elle ne comprend pas un traître mot de ce qu'il vient de dire.
— Je... Je ne comprends pas ce que vous dites, balbutie-t-elle.
Yunlong plisse les yeux, visiblement agacé par cette constatation. Il se gratte l'oreille, dans un geste empreint d'impatience. Le flot de paroles d'Estrid, bien que chaotique et empreint de peur, contient des sons qui lui sont familiers, quoique déformés. Il analyse brièvement le rythme et la structure de sa langue. Ce n'est pas la première fois qu'il entend cette dialectique terrestre.
Ah, cette langue... encore celle des humains, pense-t-il en plissant légèrement les lèvres. Ils n'ont jamais vraiment changé depuis ma dernière visite. Toujours à s'agiter dans leurs minuscules vies, avec leurs langues rudimentaires.
Un soupir d'exaspération s'échappe de ses lèvres, réalisant qu'il ne peut pas continuer à parler dans sa propre langue sans risquer de perdre son avantage. Il réitère son ordre, sa voix glaciale tranchant le silence :
— Je ne t'autorise pas à parler, misérable insecte !
Le ton est froid, implacable. Un frisson glacé remonte le long de la colonne vertébrale d'Estrid. Son souffle se bloque une seconde.
Misérable insecte ? C'est moi qu'il traite de la sorte ?
Or, malgré la peur, quelque chose bouillonne en elle. La tension dans l'air est suffocante, mais elle refuse de se laisser humilier si facilement.
— Et qui êtes-vous pour me parler ainsi, sombre crétin ? rétorque-t-elle, la voix tremblante, mais le regard plein de défi.
Yunlong tourne lentement la tête vers elle, ses yeux gris pénétrants la fixant avec une intensité magnétique, presque inhumaine. Chaque seconde semble s'étirer sous la force de ce regard, comme si le temps lui-même se pliait à sa volonté. Comment cette frêle créature ose-t-elle lui parler ainsi ? L'arrogance dans la voix d'Estrid le surprend, mais l'amuse tout autant. Un sourire carnassier étire lentement ses lèvres, révélant une satisfaction troublante. Se redressant avec une fluidité gracieuse, il ne la quitte pas des yeux, la scrutant comme un prédateur observe sa proie.
— Où sommes-nous ?
Estrid le dévisage, la question la prenant au dépourvu. Sa confusion grandit. Comment un homme allongé ici, dans ce sous-sol poussiéreux, peut-il poser une question aussi absurde ? Mais avant qu'elle ne puisse répondre, Yunlong glisse lentement son corps vers elle, avec une aisance presque surnaturelle. En une fraction de seconde, il est agenouillé devant elle, dominant la scène. Il lève un ongle noir, effilé, jusqu'à son menton, effleurant sa peau avec une lenteur calculée.
— Dans la réserve... d'un magasin de chaussures, murmure-t-elle finalement, le cœur battant si fort qu'elle craint qu'il ne s'entende.
Yunlong plisse légèrement les yeux, visiblement perplexe face à ses mots. Un magasin de chaussures ? Il ne comprend pas ce que cela signifie dans l'immédiat. Ce n'est certainement pas l'endroit qu'il avait prévu.
— Une erreur dans le parchemin de voyage... ? souffle-t-il, davantage pour lui-même, sa voix empreinte d'une réflexion lointaine. Comment a-t-il pu être détourné de sa destination ?
Pour Estrid, ces mots sont du pur délire.
Parchemin de quoi, bordel ?, songe-t-elle, son esprit tournant en rond dans une tentative désespérée de saisir la situation. Ce type est complètement cinglé. Peut-être s'est-il cogné la tête en tombant ici, ou peut-être est-ce pire : ce magasin abrite un malade échappé de son asile.
Elle sent la panique monter en elle, mais tente de garder un visage impassible, bien que son cœur continue de tambouriner violemment dans sa poitrine.
Yunlong observe les pensées d'Estrid comme un prédateur qui étudie son prochain coup, ses yeux se posant sur sa main blessée qu'elle garde précieusement contre sa poitrine. Ce n'est pas le sang en lui-même qui l'intéresse, mais la faiblesse que cette plaie symbolise, par ce que cela représente pour lui : le contrôle, la souffrance, la peur. Son regard, chargé d'une lueur morbide, brille d'un appétit étrange, presque pervers. Lentement, avec la précision d'un chasseur qui prend plaisir à savourer chaque instant de sa traque, il tend un ongle noir et tranchant, le glissant le long de la gorge d'Estrid, traçant une ligne invisible jusqu'à la naissance de ses seins.
Le frisson glacé qui parcourt son corps déclenche en lui un sourire plus large, comme si cette simple réaction lui apportait une satisfaction démesurée. Chaque geste est un acte de contrôle, un moyen de prouver à Estrid qu'elle n'a aucune chance contre lui.
Le geste d'Estrid est soudain. Elle lève la main et lui assène une gifle en plein visage. Sa main heurte la peau froide de Yunlong avec un bruit sec, mais c'est la douleur de sa propre blessure qui la fait grimacer. La paume de sa main, déjà écorchée, saigne à nouveau, le sang frais s'imprimant sur la joue pâle de Yunlong.
— Nan, mais ça ne va pas la tête ?! hurle-t-elle, la voix tremblante d'une rage désespérée. On ne touche pas une femme comme ça, espèce de malade !
Yunlong, pourtant, ne semble nullement perturbé. En un mouvement presque imperceptible, il attrape son poignet, bloquant Estrid sur place. Son visage reste tourné à l'opposé, comme si cette gifle n'était rien de plus qu'un léger dérangement. Lentement, presque avec délectation, il passe ses doigts sur la goutte de sang qui perle sur sa joue. Mais au lieu de la lécher, il l'étale sur sa joue dans un geste lent, comme un peintre jouant avec les couleurs sur une toile.
— Fascinant, murmure-t-il, son regard perçant se posant enfin sur elle. Tu t'es blessée... pour essayer de m'atteindre.
Il relève son doigt ensanglanté, l'observant avec une fascination inquiétante. Son sourire s'élargit alors qu'il se penche légèrement vers Estrid, toujours immobile, figée par la peur.
— La douleur... c'est fascinant, tu ne trouves pas ? Si petite... et pourtant si puissante, continue-t-il en tournant légèrement la tête. Chaque goutte de sang raconte une histoire.
Puis, avec un geste fluide, il soulève doucement sa lèvre supérieure, révélant des canines argentées, comme s'il s'apprêtait à mordre. Les yeux d'Estrid s'écarquillent d'effroi. Le métal luit sous la faible lumière, mais elle réalise rapidement qu'il ne s'agit pas de vraies dents.
— Nan, ce n'est pas possible... pense-t-elle à voix haute, confuse et effrayée.
Il s'amuse de la confusion dans le regard d'Estrid. Il sait que ces canines sont factices, un simple dentier d'argent qu'il a lui-même conçu pour accentuer l'illusion. Il joue avec cette fausse image, exploitant la peur et les stéréotypes de la créature nocturne pour la paralyser de terreur. Mais c'est bien plus que ça : c'est un art de la manipulation, un plaisir de voir la peur distordre la réalité.
Estrid, réalisant qu'elle fait face à un psychopathe bien plus rusé qu'un simple monstre, tente de se libérer de sa poigne. Mais Yunlong la maintient fermement, son regard se posant sur la plaie ouverte de sa main. Lentement, il s'approche de la blessure, comme s'il allait l'examiner avec soin. Son visage est à quelques centimètres, et Estrid retient son souffle.
Elle se débat violemment, profitant de la surprise pour se dégager de son emprise. Son corps réagit avant même que son esprit n'ait le temps de réfléchir. Elle se lève, vacillante, et commence à courir. Ses pieds frappent le sol en un bruit sourd, mais sa cheville, meurtrie par la chute précédente, refuse de suivre son rythme. Elle boite, s'appuyant sur les étagères à chaussures pour avancer dans l'obscurité.
De l'autre côté des rayons, Yunlong l'observe en silence, savourant le spectacle. Il reste immobile, les bras croisés, son sourire carnassier toujours collé à ses lèvres. La délectation qu'il tire de cette scène est presque palpable. Chaque mouvement d'Estrid, chaque respiration haletante, chaque coup d'œil paniqué qu'elle jette par-dessus son épaule ne fait que renforcer son plaisir.
— Nǐ ya'ru eohnan wǒ... chuchote-t-il, dans la langue de Nevaling, un sourire carnassier se dessinant sur ses lèvres.
Ces mots glissent comme des serpents venimeux dans l'esprit d'Estrid, la pétrifiant sur place. Elle serre les dents, essayant de reprendre son souffle, mais sa respiration devient plus saccadée. Elle tente un autre pas, mais son corps tremble comme une feuille. Tout autour d'elle, l'obscurité l'enveloppe, la lumière vacillante de la bougie s'étant éteinte.
Soudain, des mains glaciales saisissent ses hanches et la tirent violemment en arrière. Elle percute le corps froid de Yunlong avec une force brutale, son souffle se coupant à l'impact. Elle veut crier, mais aucun son ne sort de sa gorge.
Yunlong sourit contre son oreille, sa voix devenant un murmure terrifiant, presque affectueux :
— Laisse-moi te remercier gracieusement pour ce moment de distraction... susurre-t-il, sa voix douce et effrayante à la fois.
Estrid sent le froid de ses mains traverser ses vêtements. Son esprit cherche frénétiquement une échappatoire, mais son corps refuse de bouger. Tout est contrôlé, orchestré par Yunlong avec une habileté morbide. Il sait exactement comment la manipuler, comment instiller la peur, comment jouer avec elle jusqu'à ce qu'elle soit complètement brisée.
— Sans... sans-façon... balbutie-t-elle, la voix brisée par la terreur. Il faut que... que je parte... On m'attend à l'étage, ment-elle désespérément.
Yunlong rit doucement. Un rire glacial, qui résonne comme une sentence. Il lui caresse la joue avec une douceur presque caustique, savourant chaque instant de son emprise sur elle.
— Il n'y a personne. Ils sont tous partis, murmure-t-il avec amusement, comme si c'était la chose la plus évidente du monde.
— Comment ? lâche-t-elle, désemparée.
Un autre rire glacial s'échappe des lèvres de Yunlong. Il la guide lentement vers le bureau, l'asseyant presque délicatement, comme s'il la préparait pour la suite de sa chasse.
— Car je lis en toi comme dans un livre ouvert...
Son doux murmure est à la fois terrifiant. Il se place devant elle, son regard perçant et inhumain. La voir s'affaler, désespérée, le fait sourire de plus belle. Yunlong glisse sa main sur le côté de son propre visage, activant mentalement sa magie pour sonder les pensées de la jeune femme. Il est satisfait de la voir si vulnérable, mais ressent aussi une légère fatigue s'accumuler. Il sait qu'il ne pourra pas maintenir ce pouvoir indéfiniment, et qu'il est inutile contre son frère Anyu, ce qui le frustre profondément.
Bordel de merde, plus jamais j'écoute les conseils de Garryc en termes de magasin, pense Estrid.
Yunlong se délecte des pensées d'Estrid, les captant avec une précision déroutante.
— Qui... êtes-vous ? balbutie-t-elle.
— Qui est Garryc ? interroge-t-il, curieux de cette pensée.
L'esprit d'Estrid vacille.
Comment pouvait-il savoir ce nom ? Ses pensées sont-elles trop fortes, ou est-il réellement un genre de mentaliste ?
Mais cette question n'a pas le temps de se former qu'elle sent la poigne de Yunlong se refermer davantage. Lui, il jubile intérieurement. Cette frêle humaine, cette étrangère si prévisible. Mais sous sa jouissance, une irritation croît. Ce n'est qu'un jeu pour lui, une distraction face à la monotonie de Nevaling, mais il ne pourra pas maintenir cette illusion bien longtemps.
L'excitation d'entendre ses questionnements le met en joie. Pourtant, bien qu'il soit un guerrier au sang royal, ses connaissances sur les subtilités de la Terre restent limitées. Il s'approche néanmoins du visage d'Estrid et lui susurre :
— Tu ne peux plus fuir.
Nan, mais il va arrêter de me coller comme une mouche volant au-dessus d'une bouse ? se demande Estrid, son esprit cherchant désespérément une échappatoire.
Les yeux de Yunlong se plissent instantanément, captant cette pensée avec une précision troublante. Il se fige, son sourire se dissipant.
— Une bouse ? Tu m'as comparé à une bouse ? répète-t-il, l'air outré, son visage se contractant sous la colère. Il n'y a que les mortels pour imaginer de telles absurdités ! siffle-t-il en détachant chaque mot avec une irritation palpable.
Plutôt d'un psychopathe.
Estrid, étonnée de pouvoir encore plaisanter mentalement dans une situation aussi terrifiante, le fixe, incrédule. Elle sait qu'elle devrait avoir trop peur pour ça, mais c'est plus fort qu'elle. C'est sa façon de garder le contrôle, de ne pas sombrer.
Yunlong se rapproche rapidement, trop rapidement, en se penchant au-dessus d'elle. Son sourire s'élargit, la menace qu'il incarne est bien réelle, surtout quand elle voit ses fausses canines luire à la lueur vacillante des bougies. Elle se fait toute petite. Les cheveux du guerrier tombent autour d'eux comme un rideau, créant une intimité étouffante.
Ce mec est malaisant...
— Crois-tu à la magie ? demande-t-il soudain, son ton devenant plus sérieux.
— Que... quoi... ?
Estrid n'aime pas sa proximité ni ne comprend le sens de sa question. Son esprit rationnel refuse de céder à la panique, même si tout dans cette situation la dépasse.
— Tu m'as l'air si frêle, murmure-t-il en glissant son regard sur son cou, semblant ignorer sa confusion.
Mais c'est un vrai malade ! se dit-elle, rassemblant le peu de courage qui lui reste.
Elle le repousse violemment en posant ses mains sur son torse, se redresse et se décale vite de lui.
— Vous avez été frappé à la tête ou quoi ? explose-t-elle devant son comportement plus que déplacé. La magie et tout ce qui en découle n'existent pas, tout comme les vampires, les loups-garous, les léprechauns, Batman, les Snorkys, Chucky... Vous voulez d'autres exemples où vous avez compris que vous êtes un putain de cinglé ?
Il la fixe, incrédule, tandis qu'elle tente de s'échapper à l'attraction de son regard en se reculant.
— Te faut-il une preuve ? dit-il calmement.
Yunlong tourne son poignet pour faire apparaître des filaments scintillants autour de ses doigts. Ses yeux virent au rouge, ses fausses canines sont visibles, renforçant son apparence surnaturelle.
— Allez, ça va. Les lentilles de contact, le dentier... on en trouve partout dans les magasins de farce et attrape. Je ne suis pas aussi impressionnable que tu le crois, réplique-t-elle finalement, en essayant de garder un ton aussi désinvolte que possible.
Une partie d'elle espère que l'humour la protégera.
Yunlong cligne des yeux, visiblement désorienté par cette réponse. Pendant une fraction de seconde, l'illusion de contrôle se fissure. Estrid remarque un moment d'hésitation dans son regard, presque imperceptible, mais elle n'a pas le temps de s'y attarder que Yunlong se ressaisit, un sourire plus cruel encore s'étirant sur ses lèvres. Il se délecte à nouveau de cette confrontation.
Mais la fatigue est bien là, elle le ronge doucement, un rappel constant qu'il n'est pas invincible. Il le sent, ce poids, et cela l'irrite profondément. Pourtant, il ne peut se permettre de paraître vulnérable. Pas devant elle. Pas ici.
Yunlong, visiblement agacé, appuie sur ses yeux et ses dents comme pour prouver leur authenticité, son regard perçant n'affichant aucun amusement.
— Mais ce sont vraiment mes yeux et mes dents, plaide-t-il, avec une insistance glaciale.
Estrid hausse les épaules avec nonchalance, mais ses doigts tremblent légèrement.
— Pfff, à d'autres. Vous allez me dire que vous...
— Yunlong, l'interrompt-il brusquement, ses yeux virant à nouveau à ce gris perçant.
— Quoi ?
— Je me nomme Yunlong.
Ce nom résonne dans l'esprit d'Estrid. Un nom peu commun, étranger, et sans aucun doute inquiétant. Elle se fige un instant, mais se reprend rapidement, refusant de laisser la peur la dominer.
— Donc, Yunlong, souligne-t-elle en le regardant de haut en bas, vous allez me dire que vous êtes un vampire pratiquant la magie, c'est ça ?
— C'est exact, répond-il avec un calme déconcertant.
Estrid cligne des yeux, son cerveau tentant d'absorber cette réponse.
— Balivernes, rétorque-t-elle d'un ton sec, espérant qu'il commence à sentir l'ironie.
— Vous ne me croyez pas ? demande-t-il en arquant un sourcil, un brin curieux de son incrédulité.
Le croire ? C'est bien ma chance à moi. Un vampire, vraiment ? Manquait plus que ça. Pourtant, il a l'air tellement... sérieux, songe-t-elle. Non, Estrid, ne te laisse pas avoir par cet idiot. Un autre de ces mecs qui se croient irrésistibles juste parce qu'ils sont beaux.
Et comme pour appuyer ses pensées, Yunlong passe ses doigts dans ses cheveux avec une fierté presque narquoise, tout en souriant de façon inquiétante.
— Merci de souligner que je n'ai pas perdu de ma prestance, dit-il avec une pointe de satisfaction dans la voix, répondant directement à ses pensées.
Elle croise les bras sur sa poitrine, le regard perçant. L'agacement monte en elle.
En plus de ne pas avoir la lumière à tous les étages, il est aussi terriblement suffisant.
— Et moi, je ne vous permets pas de lire dans mes pensées ! Comment faites-vous d'ailleurs ? lâche-t-elle en désespoir, déconcertée par sa capacité à deviner chacun de ses mots non dits.
— Parce que je suis un vampire, tout simplement, dévoile-t-il, écartant ses bras d'un geste dramatique, son sourire s'élargissant alors qu'il s'adosse avec une nonchalance glacée contre le dossier du divan.
Le mensonge de sa nature ne dévoile rien à la jeune femme. Les yeux d'Estrid se perdent un instant sur son corps, mais elle secoue la tête et préfère en rire plutôt qu'en pleurer.
— Oh là là, j'ai tellement peur, lâche-t-elle d'une voix sarcastique, bien que sa respiration soit de plus en plus difficile à maîtriser.
Elle prend une profonde inspiration, espérant que son ton désinvolte masque sa véritable panique. Puis, dans un sursaut de bravoure teinté de folie, elle lève les bras dans une imitation grotesque d'une fan hystérique.
— Monsieur le beau vampire, sucez-moi la carotiiiiiide, crie-t-elle d'une voix exagérément aiguë, comme si elle se trouvait face à une star de rock.
Mais au fond d'elle, Estrid sent son cœur battre de plus en plus fort. Ses mains sont moites, et ses jambes tremblent. Elle ne sait pas combien de temps elle pourra encore maintenir cette façade avant de céder à la panique.
La tentation d'essayer ses « canines » factices, comme un jeu macabre, n'en est que plus grande pour Yunlong. Un sourire carnassier étire ses lèvres alors qu'il se lève précipitamment, ses gestes rapides et précis trahissant son impatience. Ses doigts glacés enserrent la gorge d'Estrid avec une douceur menaçante, la repoussant brutalement contre le mur. La violence du geste coupe le souffle à la jeune femme, qui sent la froideur de ses doigts envahir sa peau.
Les yeux gris de Yunlong luisent d'une lueur insatiable, son regard accroché à la veine palpitante qui bat furieusement sous sa chair.
— Merci pour l'invitation, Estrid, susurre-t-il d'une voix basse et soyeuse, mais chaque mot résonne comme une menace à peine voilée.
Le cœur d'Estrid s'accélère, battant contre sa poitrine avec une force désespérée. Elle essaie de bouger, de s'échapper, mais ses muscles ne répondent plus, figés par la terreur. Ses pensées sont un tourbillon de panique, de regrets, de désespoir. Elle sent sa peau sous les doigts de Yunlong, chaque contact étant un rappel douloureux de sa propre vulnérabilité.
Yunlong se penche vers elle, ses lèvres effleurant à peine son cou. Ses cheveux sombres encadrent son visage, créant une bulle oppressante autour d'elle. L'air se fait rare, chaque respiration devenant un effort presque insupportable. Ses doigts parcourent lentement sa gorge, comme s'il savourait chaque seconde de son contrôle absolu sur elle. Il fait mine de mordre, ses fausses canines frôlant sa peau, jouant avec l'idée de se délecter de sa peur plus que de son sang.
Estrid ferme les yeux, une vague de terreur et de répulsion l'envahissant. Elle sent l'adrénaline parcourir ses veines à toute vitesse, mais rien ne vient. Pas d'échappatoire. Pas de sauvetage. Elle est seule, coincée sous la poigne glaciale d'un homme qui semble se délecter de chaque seconde de son agonie mentale.
Soudain, un frisson parcourt le dos de Yunlong. Il relâche brutalement sa prise sur elle, ses doigts se détachant comme s'il avait perdu tout intérêt en un instant. Il recule, son expression se figeant un bref moment. Ses lèvres, toujours au bord du cou d'Estrid, s'écartent dans une grimace légère, presque déçue. Il essuie sa bouche, non pas de sang, mais comme s'il ressentait quelque chose d'étrange, quelque chose qui n'était pas prévu.
— C'est... différent, murmure-t-il pensivement, comme s'il découvrait une proie étrange, plus complexe que prévu.
Estrid glisse le long du mur, son corps mou, incapable de répondre. Elle se sent abandonnée, comme une marionnette dont on aurait coupé les fils. Son esprit dérive lentement, la terreur et l'épuisement prenant le dessus. Elle sait que c'est probablement la fin. Son souffle est saccadé, son corps alourdi par la panique.
Yunlong, lui, recule encore, observant la scène avec une fascination malsaine. Il n'avait pas ressenti une telle décharge d'adrénaline depuis bien longtemps. Trop longtemps, se dit-il. Il baisse les yeux vers elle, ses pensées déjà tournées vers Nevaling.
— Trop de temps passé parmi les paysannes, soupire-t-il, songeur. Mais toi... tu es différente.
Il lui jette un dernier regard, son sourire prédateur réapparaissant brièvement. Cette étrangère, pense-t-il, pourrait apporter un chaos délicieux dans son royaume glacial. Peut-être qu'il est temps d'envisager un nouvel amusement à Nevaling.
Estrid, quant à elle, à moitié consciente, sent son corps s'engourdir de plus en plus. La douleur de sa blessure, de sa cheville meurtrie, tout se mélange dans un brouillard flou. Dans sa dernière pensée claire, elle se reproche d'avoir suivi les conseils de Garryc. Elle n'aurait jamais dû entrer dans ce magasin. Et elle se fait une promesse silencieuse : ne plus jamais provoquer une créature surnaturelle... Oublier et mourir.
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