1944, campagne normande
Le camp ressemblait plus à une colonie de vacances qu'à un poste avancé, les tente sales étaient tirés depuis les véhicules, immobilisé, abîmé ou même détruit. La plus lourde et froide ternissait le terrain comme le coeur des hommes les rendant encore plus irritables. Herwin et Hans avec quelques nouveaux compagnons mangeaient sous une tente, serré autour d'un feu et d'un vieux réchaud.
L'atmosphère était lourde, pas uniquement à cause de la pluie. Les Américains avançaient et rien ne semblait plus pouvoir les stopper, les pertes grimpaient et la retraite était évoquée même par les plus grands officiers.
Hans et Herwin étaient plutôt contents d'être ici, c'était toujours mieux que les boucheries de Stalingrad. Ils avaient été retirés peu après la mort de Franck, juste à temps. Quelques mois plus tard, l'Allemagne apprendrait que Von Paulus et sa sixième armée ainsi que l'arrière-garde entourant la ville avaient été soit massacré, soit capturé. Il avait échappé à ce sort de peu. Ils y avaient vraiment réchappé de peu.
Les premières cartes de la soirée venaient à peine d'être posées lorsqu'un half-track rempli de gars à eux arriva en trombe. L'un des gars sauta et demanda deux hommes fort et une civière. Hans et Herwin qui n'aimaient pas jouer le suivirent avec la litière demandée. Il y fut déposé un autre soldat portant une barbe de quelques jours et au visage crispé par la douleur. Ils portèrent le pauvre boug jusqu'à la tente du médecin. Lorsque les draps qui le recouvraient fut retiré, Hans ne put retenir un hoquet de surprise. Le gars n'avait plus de jambe et il lui manquait un bout de bassin. Ses tripes lui sortaient du ventre, mais l'homme était encore en vie.
- il a marché sur une mine.
C'est tout ce que son camarade dit au médecin comme si c'était une banalité ou une excuse.
Le médecin regarda le gars qui ne voulait pas croiser son regard, puis releva les yeux vers les trois hommes. Son regard exprimait un profond regret. Tous savaient ce que cela signifiait. Le compagnon du mourant se retourna et se crispa sur lui-même. Hans le prit par les épaules pour le soutenir tandis qu'il vomissait. Herwin sortie une allumette, la donna au mourant et l'alluma. Son visage se détendit quelque temps. L'homme bourru se tourna vers le médecin, une question silencieuse dans le regard, celui-ci acquiesça lentement mais lui fit comprendre qu'il ne pouvait rien faire lui-même. Ce sont des choses que les soldats comprennent rapidement, au bout de quatre ans les regards, les souffles ont des sens. Au bout d'un moment, les mots deviennent inutiles.
Herwin savait quoi faire, il avança, tapa l'épaule du soldat que son ami tenait. Hans détourna le regard. La lumière de la lampe brilla sur le couteau. Le blessé fermait les yeux, il sourit.
Un gargouillement se produit toujours lorsqu'une gorge est tranchée, il arrive qu'un homme demande cette mort rapide et sans douleur plutôt que de vivre les douleurs insoutenables de certaines blessures. Ce gargouillement fit trembler Hans, il détestait ce bruit, toute cette situation le ramenait deux ans en arrière.
1943, nord de l'Allemagne
Hans s'essuya, ses yeux bleus semblaient aussi gris que les murs de Stalingrad qu'il venait de quitter.
Des doigts s'attardèrent sur son menton qu'il venait de raser. Une douce voix, la seule qu'il aimait entendre, lui susurra a l'oreille.
- Je crois que je te préférais avec ta barbe. Cela te donne l'air plus vieux.
Il sourit et se retourna. Sa douce Anna et ses belles boucles brunes, elle et la cuisine de son père étaient les seules raisons pour lesquelles il avait pris ses quelques jours. Il s'en voulait d'avoir laissé Herwin en Normandie où il le rejoindrait très bientôt. Il s'en voulait, car même si le vieux ours, comme il l'appelait, ne le montrait pas, il était encore peiné de la mort de Franck et de plusieurs de ses camarades.
Le voyant dans ses pensées, la jeune femme le prit dans ses bras et l'embrassa tendrement.
- Raconte-moi, je ne peux pas être soldat pour t'aider, mais je peux t'écouter, je n'ai pas peur des horreurs.
- C'est encore Franck.
Ce fut tout ce qu'il sut dire sur le coup. Elle attendit qu'il continue. Ce qu'il fit d'une voix grave et lente.
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