𝚕𝚎𝚝 𝚖𝚎 𝚝𝚎𝚕𝚕 𝚢𝚘𝚞 𝚊 𝚜𝚝𝚘𝚛𝚢 𝚊𝚋𝚘𝚞𝚝 𝚝𝚠𝚘 𝚋𝚘𝚢𝚜

« Le chagrin amoureux est l'une des plus éprouvantes blessures que nous ayons à combattre car il doit être vaincu seul, et surtout dans le plus grand des silences. »

— Yves Simon

꒰ 𓅫 ꒱

Mon histoire avec Jeongguk se résumait – à quelques choses près –  à une romance qu'on ne vivait qu'une seule fois dans toute son existence.

Revenons cinq ans en arrière.

⏮️

Jeon Jeongguk était plus jeune que moi, mais son quotient intellectuel indubitablement élevé lui avait permis d'atterrir dans cet institut d'enseignement supérieur. Au début, les autres élèves le charriaient à cause de son âge : soit ils prenaient son sac pour le vider sur le sol, soit ils l'enfermaient dans les vestiaires pendant le cours de sport. Sauf qu'en voyant qu'il ne réagissait à aucune de leurs idioties, ils avaient fini par abandonner et le laisser dans son coin.

Quant à moi, il commençait à titiller ma curiosité. Parce que ce brunet n'était pas seulement un surdoué, il était le garçon le plus énigmatique qu'il m'ait été donné de rencontrer.

Aucune chance de parvenir à lui décrocher un mot, il ne prenait pas le temps de répondre. Même les professeurs ne s'embêtaient plus à lui poser des questions. Le petit brun vivait dans un monde qui lui était propre. Il se complaisait beaucoup trop dans son univers pour s'enquiquiner à atterrir sur notre Terre. C'était pourquoi les gens préféraient désormais l'ignorer. Tandis que moi, je continuais de l'espionner, intrigué par sa singularité.

En effet, s'il y avait bien une chose qui le différenciait des autres minets de cet institut, c'étaient ses oiseaux en papier qu'il faisait à longueur de journée.

Pendant que nous, simples élèves lambdas, étions obligés de suivre le cours pour ne pas nous prendre la vitre à la prochaine interrogation, lui s'amusait à plier je ne sais combien de papiers aux coloris variés pour les transformer en oiseaux. On pourrait penser que cette occupation lui donnerait du fil à retordre durant les examens, mais que nenni, ce garçon au visage d'ange arrivait toujours premier avec un score plus haut que la moyenne.

Mais, il était comme ça, Jeongguk. Et moi, j'en tombais amoureux un peu plus chaque jour.

Je ne pensais pas être gay, je ne l'étais pas du tout en fait. Cependant, ce garçon, qui n'avait que trois ans d'écart avec moi, me fascinait au point de mettre tout individu dans l'ombre. Mon meilleur ami, Min Yoongi, me disait que l'amour n'avait pas besoin d'une orientation sexuelle pour le ressentir, juste de la personne qu'il fallait. Alors, je ne m'étais pas pris la tête plus que ça et je continuais de fixer de loin mon dongsaeng, chaque fois que nous avions cours.

Jusqu'à ce qu'une chose incroyable ne se passe.

**

Je me rappelle de la tempête qui avait éclaté dans toute la Corée du Sud, ce jour-là. Certaines routes avaient été barrées en conséquence du bazar que le vent avait mis durant la nuit, causant la suspension de la plupart des lignes de bus. En bref, la journée s'annonçait éprouvante. Et pour ne pas changer mes habitudes, mon téléphone avait été à plat. Comme un imbécile, j'avais cru mettre l'embout de mon chargeur correctement. Résultat, je m'étais réveillé à la bourre parce que mon alarme n'avait pas sonné, et avais donc dû me dépêcher pour ne pas arriver trop en retard à l'institut.

Et parce que Dieu ne faisait jamais les choses à moitié, j'avais également loupé mon bus de deux minutes. Je crois bien que c'était la première fois de ma vie que mes jambes m'avaient permis de courir plus rapidement qu'en cours de sport.

Dix minutes après avoir couru sous la flotte, j'avais franchi le seuil de l'immense bâtisse de l'institut Chang Seong, trempé des pieds à la tête. Maman avait viré au rouge quand elle m'avait vu arrivé au soir, je l'avais entendu me dire « Bon sang, mais Namjoon ! Tu as dix-sept ans, il faudrait que t'apprennes à faire attention à tes affaires ! » et je me revois rejoindre mon lit en lui promettant de faire gaffe la prochaine fois – ce qui n'arrivait jamais, soyons honnêtes.

Alors, avec mon uniforme que l'on pouvait croire sorti tout droit d'une machine à laver, je m'étais dirigé jusqu'à ma salle de classe. Les semelles de mes chaussures avaient couiné sur le parquet et moi qui n'aimais pas trop attirer l'attention, ce n'était pas gagné. Mais heureusement pour ma dignité, personne n'avait été dans les parages.

Je m'apprêtais déjà à m'excuser de mon retard lorsque j'avais remarqué que personne n'était là. Hormis lui, Jeongguk. Bien entendu, je ne pouvais pas contacter Yoongi, étant donné que mon téléphone était HS et qu'il était chez moi à ce moment précis. Le bruit du tonnerre avait éclaté dehors, me faisant sursauter. La journée de cours devait être suspendue à cause de la tempête, ce devait être ça, sinon pourquoi le professeur qui ne ratait jamais un seul jour était absent ?

C'que tu peux être con, Kim Namjoon, m'étais-je insulté à voix basse.

Soupirant d'exaspération, je m'étais dirigé vers la sortie en me préparant à affronter de nouveau l'intempérie qui se déchaînait à l'extérieur, quand une voix s'était soudainement élevée :

— L'orage va éclater pendant encore longtemps. Reste là. Ce serait dommage que tu tombes malade. 

Lentement, je m'étais tourné sur moi-même pour poser mon regard sur la seule autre personne présente dans la salle de classe.

Jeon Jeongguk, le garçon le plus silencieux de notre promotion, venait de m'adresser la parole.

Bien trop étourdi pour répondre, j'étais resté planté là, les bras ballants et les yeux fixés sur lui, tandis qu'il confectionnait encore et toujours ses éternelles sculptures artistiques japonaises. Aussi loin que je me souvienne, jamais Jeongguk n'avait parlé à qui que ce soit mis à part à cet autre gamin qui avait le deuxième QI le plus élevé de cette école, Park Jimin.

— Tu es là depuis quand ? avais-je demandé en allant me réchauffer près des radiateurs.

— Je t'ai proposé de rester là, pas de faire la conversation, avait-il rétorqué sans plus de cérémonie.

J'allais répliquer mais avais ensuite choisis de m'abstenir. Je ne voulais pas qu'il me claque encore une phrase cinglante qui blesserait mon estime. J'avais donc opté pour le silence et j'en avais profité pour l'admirer dans sa pleine concentration.

Ce jour-là, il avait mis à l'honneur le Cygne. Il en avait déjà fait un rouge, un blanc et là, c'était un noir qu'il était en train de réaliser.

Le bout de ses doigts appuyait avec force ce qu'il avait précédemment plié. C'était tout le temps la même chose, le même schéma, et pourtant, ça ne cessait pas de me fasciner. Sans que je ne le remarque, je m'étais avancé vers lui pour le regarder plus amplement. Sa maîtrise des origamis pouvait se voir dans la finesse de ses figures en 3D.

— Pourquoi tu t'es mis là ? Tu me déconcentres, avait-il objecté.

Je n'ai pas le droit de te regarder faire ?

Si, mais ailleurs.

Pourquoi ? Cette place est très bien.

Non. Elle est exactement dans l'axe de la lumière et comme tu as une carrure assez imposante, tu la bloques. Donc non, cette place n'est pas très bien. 

Jamais de ma vie on ne m'avait répondu de cette manière. Et jamais je n'avais vu d'aussi beaux yeux. Le souffle coupé, je m'étais levé de ma chaise pour aller me mettre à la table de Yoongi, celle voisine du petit Jeongguk. J'étais complètement médusé par sa personne, autant par son physique que son intelligence. Il m'avait cloué le bec comme un Roi aurait donné l'ordre à son peuple de se taire.

Cet après-midi là avait été le commencement de tout.

**

Cela faisait plus de deux semaines que je côtoyais Jeongguk. Enfin, le côtoyer était une bien grande expression. Disons que je pouvais assister à ses instants de perdition sans qu'il ne me congédie. J'avais ramé comme un malade pour pouvoir rester. La première fois que j'avais essayé de lui tenir compagnie, après ce mercredi pluvieux, il n'avait pas été très accueillant.

Nous étions dans le grand jardin de l'institut, les beaux jours revenaient et le soleil nous réchauffait le cœur. Les arbres chantaient leur fameuse mélodie du printemps, au rythme des ordres de la faune présente dans leurs feuillages. Au milieu de toute cette flore resplendissante, il y avait ce garçon qui m'intéressait, assis à même le sol.

Au début, je l'avais simplement regardé de loin. Mon meilleur ami était déjà quelqu'un de très persuasif, mais c'en était pire concernant son amoureux Hoseok. Alors, quand ils avaient insisté pour que l'on profite de la température printanière, je n'avais pas pu refuser. Heureusement d'ailleurs, sinon je n'aurais pas eu la chance de tomber sur ce tableau renversant qui se peignait sous mes yeux. Tandis que Yoongi nous racontait ce que ses parents avaient prévu de faire pour sa chambre, de mon côté, je ne pouvais pas m'empêcher de poser mes pupilles sur mon brunet préféré.

— Tu sais qu'il est bien trop jeune pour toi, hein ? avait fait remarquer Hoseok, légèrement amusé.

— On a que trois ans d'écart. Ce n'est pas énorme, avais-je réfuté.

Hm, il reste quand même plus jeune que toi. Puis tu devrais passer à autre chose, avait rétorqué mon ami.

— Et pourquoi ça ? J'ai peut-être mes chances avec lui !

Sérieusement ? Non. Ce petit est un intello de haute qualité, il n'a pas le quotient émotionnel d'un individu lambda. Au mieux, tu peux juste gagner son attention, mais n'espère pas lui faire des choses réservées aux adultes.

Bébé, ferme ta jolie bouche, ou même mieux, embrasse-moi au lieu de dire des idioties. Laisse Joon vivre sa vie,  était intervenu Yoongi en comprenant que son sujet de conversation n'avait intéressé personne.

Hoseok n'avait pas perdu de temps pour fourrer sa langue dans la bouche de notre aîné. De ce fait, je m'étais éloigné d'eux pour les laisser profiter de leur moment intime. Petit à petit, et en faisant le moins de bruit possible, je m'étais avancé vers l'un des plus beaux coins du jardin de l'institut, là où Jeongguk se trouvait. Je m'étais adossé contre l'un des arbres, en douceur pour ne pas l'alerter ou le déconcentrer, comme il me l'avait fait constater la dernière fois.

D'ailleurs, je ne sais toujours pas comment il avait fait pour réussir à savoir que quelqu'un était près de lui, et que cette personne c'était moi.

— Qu'est-ce que tu fais là ? avait-il bougonné tout en étant concentré sur son oiseau en papier.

Sur le moment, je n'avais rien répondu, en me persuadant qu'il parlait tout seul. Quand j'y repense, je me sens stupide d'avoir eu cette idée. Jeongguk était un prodige doté d'une intelligence supérieure à la moyenne, pas un fou. Enfin bref, j'étais resté silencieux en espérant qu'il se dise que c'était le vent, mais sa voix s'était à nouveau élevée :

— Kim Namjoon, je sais que tu es là. Ta respiration de locomotive te trahit, alors je te repose la question : qu'est-ce que tu fais ici ?

— C-comment tu sais que c'est moi ? avais-je bégayé comme un enfant pris en flagrant délit.

Et là, Jeongguk s'était levé après avoir posé délicatement son œuvre sur le sol, puis il s'était dirigé vers moi avec une rapidité déconcertante. Il avait beau être plus jeune, ce dernier mesurait, à deux centimètres près, la même taille que moi. Ses yeux de biche trahissaient son agacement et j'avais tout de suite compris que j'allais regretter ma naissance.

— Je m'en fiche que tu sois plus âgé que moi ou que tu penses que ton amitié avec le fils du directeur te donne le droit de venir importuner qui bon te semble, avait-il cinglé sans bafouiller. On n'est pas amis et je ne veux pas qu'on le soit, alors reste gentil et continue de faire le beau, mais loin de moi ! 

Mon cœur avait battu à mille à l'heure, tandis que mes joues s'étaient colorées de rouge cramoisi. Les bras ballants, j'avais regardé Jeongguk s'éloigner, puis se rasseoir près de ses œuvres sans un regard pour moi. Je me sentais honteux, je savais que les gens autour de nous avaient assisté à la scène sans en perdre une seule miette. Alors j'étais resté là, collé contre l'arbre sans oser bouger le moindre orteil.

Je n'avais repris mon souffle que lorsque Jeongguk fût allé ailleurs. Je n'avais néanmoins pas eu le temps de calmer les battements de mon cœur, qu'à peine avais-je tourné les talons, Park Jimin, celui qu'on pouvait considérer comme le meilleur ami de mon brunet favori, se tenait devant moi.

— C'est un menteur, faut pas l'écouter, avait-il commencé à voix basse. Jeongguk a besoin d'un autre ami que moi et bizarrement, tu es le seul mec ordinaire auquel il adresse la parole. N'abandonne pas, s'il te plaît. Je te le concède, cet énergumène n'est pas facile mais au fond de lui, c'est quelqu'un d'adorable et de précieux. Il ne sait juste pas comment le montrer.

— T'es bien gentil de me dire tout ça, mais qu'est-ce qui te fait penser qu'il ne va pas m'envoyer brûler en Enfer si je continue ? avais-je répliqué, méfiant.

— Parce que premièrement, il est athéiste donc dans le meilleur des cas, il t'enverra brûler dans une cheminée et deuxièmement, parce que t'es amoureux de lui.

— Qu... Mais n'importe quoi ! T'es pas censé être le second génie de cette école ? avais-je lancé en m'enfuyant, la queue entre les jambes.

Park Jimin cachait bien son jeu. Ce petit intello était un fantôme. On ne le voyait jamais arriver quelque part, mais il semblait être à l'affût de tout ce qu'il se passait dans ce fichu institut. Bien sûr que je n'avais pas avoué mes sentiments concernant Jeongguk, rien ne m'avait assuré qu'il n'allait pas le lui répéter. Alors, j'avais préféré partir loin de lui en courant, bien que cette attitude était suffisante pour lui mettre la puce à l'oreille.

Cependant, je n'avais pas oublié ce qu'il m'avait dit à propos de mon benjamin. Ce fut pourquoi j'avais continué à persister auprès de ce dernier. Et mes efforts avaient fini par payer. J'avais réussi à obtenir son accord lors de ma cinquième tentative.

On était à la bibliothèque. Les examens arrivaient bientôt, ce qui annonçait le début des vacances. De ce fait, tous les élèves travaillaient leurs leçons ou les agrémentaient à base de lectures plus approfondies. Et parmi tout cet amas d'étudiants, il y avait mon brunet en train de confectionner un centième – un millième peut-être ? – origami.

Ayant terminé de réviser mes cours, j'avais décidé de le rejoindre à sa table en prenant place face à lui. Durant une seconde, lorsqu'il avait posé ses prunelles profondément noires sur ma personne, j'avais regretté mon choix. Mais les mots de Jimin étaient revenus dans ma tête comme un flash, alors j'avais ravalé ma peur comme pour effacer un arrière-goût amer dans ma bouche et j'étais resté devant lui.

— Quoi encore ?

— Rien. J'ai fini de réviser et je ne voulais pas déranger les autres, avais-je simplement répondu.

— Cool. Tu peux t'en aller maintenant.

— Je ne veux pas.

— Très bien, alors c'est moi qui pars, avait-il déclaré en se levant.

— Pourquoi c'est un manchot aujourd'hui ? 

Jeongguk avait baissé le regard vers moi, me dévisageant d'un air curieux. Avais-je gagné son attention ? Enhardi par un certain espoir, je l'avais fixé en retour. Ce qui était bien plus captivant que de le voir façonner ses figurines, c'était l'univers qui se jouait dans ses yeux et qui m'avait hypnotisé au point que plus rien d'autre n'existait autour de nous.

— Qu'est-ce que tu as dit ? avait-il demandé d'une voix si pure que j'avais eu du mal de ne pas fondre devant ce joli minois.

— Pourquoi as-tu décidé de faire un manchot aujourd'hui ? avais-je répété, un sourire aux lèvres.

— Ne fais pas comme si ça t'intéressait. Fais comme tous les autres et oublie que j'existe, avait-il rétorqué, arborant de nouveau son masque de mec impassible.

— Ça va être un peu difficile, tu occupes toutes mes pensées.

— Ce n'est pas possible, avait-il répondu avec désappointement. Les synapses de ton cerveau te donnent la faculté de penser, c'est une réaction purement chimique. Or, pour que je fasse ce que tu dis, il faudrait que je sois tes cent milliards de neurones, mais également tes un million de milliards de synapses. Aux dernières nouvelles, je ne le suis pas. 

J'étais tellement subjugué par sa personne que je n'avais rien compris de ce qu'il m'avait dit. Alors, je m'étais levé de ma chaise, puis, après m'être assuré qu'aucun élève ne nous regardait, je l'avais emmené avec moi vers la sortie de la bibliothèque pour nous arrêter dans ce recoin du jardin que je présumais être son havre de paix.

Jeongguk avait protesté un bon nombre de fois, mais je m'en fichais pas mal. Je voulais qu'il s'ouvre à moi, et quelque chose me disait qu'il ne le ferait pas tant qu'on serait entourés. Alors, quand nos pieds avaient foulé l'herbe fraîche, j'avais relâché la main du joli petit brun, pour son plus grand soulagement.

— Je peux savoir ce qu'on fait là ? Et tu te prends pour qui pour te permettre d'envahir mon espace personnel ? avait-il objecté d'un mauvais regard.

— Fais un origami, s'il te plaît. 

Dubitatif, mon vis-à-vis avait froncé les sourcils, probablement confus sur le sujet de ma demande.

—Je t'en prie Jeonggukie, fais un de tes oiseaux en papier.

— Pourquoi ça ? s'était-il renseigné, les yeux légèrement adoucis.

— Parce que tu es heureux quand tu les fais. 

Je ne sais pas si j'avais rêvé à ce moment-là ou si je l'avais imaginé, mais Jeongguk avait amorcé un sourire.

— Je te promets de ne pas t'embêter, je ne ferai que regarder, m'étais-je engagé.

— Très bien. 

Ce fut à partir de ce moment que j'avais commencé à comprendre qui était vraiment Jeon Jeongguk.

⏹️

Avez-vous déjà eu l'impression que le monde autour de nous avait une signification qui dépassait l'entendement ? C'était mon cas lorsque je me trouvais en compagnie de Jeongguk. Plusieurs fois, il m'avait expliqué les rouages d'un fonctionnement, défini le réel sens de certaines notions qui pouvaient paraître aux yeux des humains très complexes. Il était terriblement attirant avec sa science.

Mais dès qu'il se trouvait en terrain inconnu, mon petit brunet perdait rapidement pied, et c'était effrayant à voir. Je l'avais remarqué lorsque je l'avais convié à la fête d'anniversaire d'Hoseok. Il n'y avait pas trop de gens, cela semblait donc l'occasion idéale pour lui faire vivre sa première soirée.

Ça avait été la plus grosse erreur de ma vie.

⏮️

Les examens étaient terminés, les résultats allaient bientôt se faire afficher dans le hall principal de l'institut. Ainsi, on pourrait voir quels élèves seraient pris en études supérieures et si d'autres allaient devoir se farcir deux fois la même année. Mais mis à part cette attente insoutenable, nous étions enfin libérés de nos rôles d'étudiants.

C'était pourquoi Yoongi, Hoseok et moi nous étions retrouvés chez Jin hyung, le cousin du copain de mon ami d'enfance. Notre aîné était quelqu'un de très agréable, il était adorable et ne manquait jamais de nous faire la leçon quand certaines choses lui déplaisaient.

— Alors, tu sais ce que tu vas faire pour ton anniversaire ? avait demandé le grand noiraud à son cousin.

— Une petite fête sera bien assez je pense. Je sais que dix-huit ans ça se célèbre, mais je n'ai pas envie d'inviter la blinde de monde pour qu'à la fin, je ne me rappelle de rien.

— Très bonne idée, Hoseokie ! Je te prête ma maison, à condition d'y être convié, avait proposé Jin, un sourire mutin sur les lèvres.

— Bien sûr que oui tu l'es ! On ne sera pas plus de dix, juste mon chaton, Namjoon et quelques amis, avait répondu le concerné.

— Super ! Et sinon, les exams ?

À partir de là, j'avais cessé d'écouter. La notion de la fête d'anniversaire d'Hoseok avait déjà occupé la totalité de mon esprit, partageant la scène avec mon brunet préféré. Je me demandais s'il avait déjà assisté à ce genre de rassemblement, bien sûr que ce n'était pas le cas, mais j'étais quand même curieux de savoir s'il allait être capable de passer au-dessus de ses limites. Alors, j'avais pris mon téléphone et avais sélectionné ma conversation avec Jeongguk qui, par je ne savais encore quel miracle, me l'avait donné sans même que j'eusse à faire des pieds et des mains.

**

Le soleil tapait fort contre les vitres, faisant remonter la température de la bibliothèque d'un cran au-dessus de la moyenne. Jeongguk était assis à la table du fond, là où l'astre lumineux avait très peu d'accès pour l'ennuyer. En le voyant dans cette position, la tête sur les avant-bras avec la bouche ressortie comme un enfant faisant la moue, je n'avais pas pu m'empêcher de succomber face à tant de mignonnerie.

La veille, Jimin était venu me voir après la journée de cours pour me prévenir que Jeongguk n'avait plus de matériel pour faire ses oiseaux, et que ses parents ne pourraient pas lui en acheter avant le mois prochain. Je n'avais pas compris pourquoi il me l'avait dit au départ, cependant, lorsque je m'étais retrouvé en train d'acheter du papier spécial origami à la papeterie du coin, j'avais eu le temps de faire le rapprochement. Quel fûté ce Park.

C'était sans doute pour ça que j'étais venu à la bibliothèque, les bras chargés de papiers, et que je m'étais dirigé vers la table du fond avec l'espoir de faire naître un sourire sur la jolie bouche carmin de mon dongsaeng.

Le gros "boum" qu'avaient fait mes deux paquets de feuilles en les posant sur la table avait eu le mérite d'attirer l'attention de tout le monde, y compris celle de celui pour qui j'étais venu.

— Qu'est-ce que c'est ? avait-il demandé, l'air plutôt maussade.

— On m'a dit que tu n'avais plus de matériel pour faire tes oiseaux, alors je suis parti en chercher, avais-je répondu en souriant.

— Pourquoi ? Je ne t'ai rien demandé.

— Merci, j'étais au courant. Je voulais juste te permettre de retourner dans ton monde, je sais que le mien est parfois effrayant. 

Le visage de Jeongguk s'était radouci quelque peu, me lançant un très léger sourire.

— C'est quel genre de papier ?

— Spécial origami, la vendeuse m'a certifié que c'était le meilleur de sa catégorie.

— Mais... ça a dû te coûter un bras... avait-il murmuré d'une voix coupable.

— Non, ne t'inquiète pas. Prends-les, s'il te plaît. Ils te serviront bien plus qu'à moi de toute manière, avais-je ajouté pour qu'il accepte.

— Merci, avait-il soufflé imperceptiblement.

D'une main hésitante, Jeongguk avait attiré vers lui les paquets un par un avant de leur retirer les attaches. Un petit rictus qui trahissait sa joie avait élu domicile sur ses deux croissants de chair, illuminant ce petit grain de beauté qu'il avait sous sa lèvre inférieure. Tandis que je m'apprêtais à partir, décidant de le laisser seul pour cette fois, son joli timbre de voix m'avait retenu :

— Pourquoi tu ne restes pas ?

— Je doute que tu veuilles de ma présence, je pourrais te gêner.

— Kim Namjoon, je suis doté d'un cerveau, d'une conscience et de la capacité de prendre des décisions, or il me semble que je ne t'ai pas donné l'autorisation de réfléchir à ma place, si ?

Je l'avais regardé, totalement stoïque. Sa façon de me rembarrer était ce qui me plaisait le plus chez lui. Jeongguk n'avait pas cette notion de respect envers les plus âgés que soi, il ne s'y accommodait pas, pour mon plus grand plaisir.

— Non, mais je-

— Alors, reste là. J'ai besoin que tu sois là, avait-il formulé comme une supplication.

— Pourquoi ?

— Pour que tout soit parfait autour de moi. Mon... mon esprit a besoin d'avoir un équilibre et tu... tu dois être près de moi pour que ce soit le cas, avait-il expliqué, le regard fuyant.

— D'accord Jeonggukie, c'est toi qui décides. 

J'avais donc pris place à ses côtés, là où la lumière lui était toujours accessible et là où je pouvais le contempler sans le gêner. Au bout d'un certain moment, j'avais cessé de regarder ses figurines et avais dévié mes yeux sur son visage.

Jeongguk avait un profil si gracieux et si masculin en même temps. Je pouvais passer des heures à le dessiner dans ma tête. Mettant de côté un premier colibri, Jeongguk avait tourné son regard vers moi. Mon cœur s'était mis à battre comme un fou en remarquant la soudaine proximité entre nous.

— Hyung, est-ce que tu veux bien me donner ton téléphone ? avait-il dit sans être nullement gêné par le peu de distance qu'il y avait entre nous.

— Pou-pourquoi faire ?

— Hyung, tu rougis ? T'as chaud ? 

J'avais écarquillé les yeux lorsque j'avais – enfin – réalisé le nom respectueux qu'il avait utilisé pour s'adresser à moi. J'avais même failli frôler l'arrêt cardiaque lorsqu'il avait posé ses mains sur mes joues.

—Namjoon hyung, tu es brûlant, ça va ? avait-il demandé, l'air vraisemblablement inquiet.

— O-o-oui, p-pardon, je dois y aller, j'ai oublié que je devais voir mes amis, avais-je menti pour me défiler.

— Attends, tu peux me donner ton téléphone ?

Je m'étais empressé de le lui passer, priant pour qu'il ne tombe pas sur un message qu'il ne fallait pas. Jeongguk me l'avait rendu et je m'étais de nouveau excusé avant de partir de la bibliothèque. Ce ne fut qu'une fois à la sortie de cette dernière, que j'avais repris ma respiration. Ce garçon me faisait trop d'effet, ce n'était pas juste.

Retrouvant un peu de contenance, j'avais finalement décidé de rejoindre Yoongi et Hoseok, et sur le chemin, alors que j'allais envoyer un SMS à mon couple d'amis, j'avais reçu une notification de ma messagerie.

De: Jeonggukie
Salut hyung, je me disais que ce serait pratique si on se parlait par messages lorsqu'on ne pouvait pas être ensemble.
Si ça te dérange, je suis désolé.
Reçu à 14 :34

**

Depuis ce jour, je discutais presque constamment avec mon benjamin par SMS et c'était bien plus intéressant de le faire avec lui qu'avec mes amis, pour être honnête. De ce fait, je lui avais envoyé un message pour savoir si cela le branchait d'aller à la fête d'Hoseok avec moi. Je m'étais préparé à tout refus de sa part, il fallait dire que Jeongguk n'était certainement pas le genre de personne à aimer ce type de mondanités.

Tandis que j'étais en train de me ronger les ongles, mon portable avait vibré contre ma cuisse. Le cœur battant à vive allure, les yeux fermés avec force, j'avais retourné l'écran de mon téléphone pour faire face à ce qui m'attendait. Après avoir eu la visite de mon côté ange et de mon côté diable, l'un me disant de ne pas le faire au risque d'essuyer de la déception, et l'autre m'incitant à regarder parce que je n'avais qu'une vie, j'avais fini par ouvrir les paupières.

De: Jeonggukie♡
Si c'est avec toi, je veux bien faire un effort...
Reçu à 10 :27

Je m'étais retenu de sauter de joie devant mes amis, mais mon cœur l'avait fait à ma place dans ma cage thoracique. Un grand sourire sur les lèvres, j'avais envoyé rapidement une réponse à Jeongguk en le remerciant d'envisager de sortir de sa zone de confort pour moi. Aussitôt, il m'avait expliqué que scientifiquement parlant, personne n'avait une « zone de confort », juste un comportement bien à soi qui se définissait par les différents capteurs qui agissaient avec nous, enfin bref, une grande morale à la Gukkie.

J'avais donc réussi à obtenir l'accord de Jeongguk pour qu'il vienne avec moi à la fête de mon ami. Cependant, je ne savais pas que j'allais amèrement le regretter par la suite.

**

La semaine était passée à une vitesse folle, les résultats avait été affichés et désormais, tout le monde avait le loisir de faire ce qu'il voulait. En ce qui nous concernait, Yoongi, Hoseok et moi, c'était la préparation de la soirée pour la fête d'anniversaire de Mister Jung.

Aidés de Seokjin, nous avions vite fini de disposer la maison pour accueillir les invités, ce qui nous avait laissé le temps de nous apprêter avant l'heure fatidique. Hoseok et Yoongi semblaient de bonne humeur, ce qui faisait qu'ils se galochaient comme s'ils étaient tout seuls dans la pièce. Pour ma part, c'était autre chose. Je savais que Jeongguk allait venir et j'avais comme cette impression de vivre un premier rendez-vous.

Les premiers convives étaient arrivés vers vingt heures, apportant des cadeaux pour celui qui était à l'origine de cette fête. Au fil du temps, la maison de Jin était presque remplie, mais il n'y avait encore aucune trace de mon petit intello. Alors je lui avais envoyé un message pour savoir s'il était toujours décidé à venir, mais je n'avais reçu aucune réponse. À la place, Yoongi était venu me voir pour me dire que quelqu'un m'attendait à l'entrée.

Sur le chemin, mon cœur avait failli me lâcher plusieurs fois. Je m'étais imaginé tellement de scénarios que ça m'avait donné le tournis. Seulement, quand j'étais arrivé au seuil de la porte d'entrée, tout avait disparu.

Jeongguk se tenait devant moi, un sourire maladroit sur le visage. Je me rappelle encore de la Lune qui avait glissé ses rayons sur sa peau en porcelaine, pour ensuite faire scintiller sa chemise bleu satin. Il était magnifique, j'en avais eu le souffle coupé quand mes yeux avaient croisé les siens.

Je ne savais toujours pas s'il était au courant de l'effet qu'il pouvait provoquer chez certaines personnes, s'il se rendait compte de son charme envoûtant. S'il savait ce que mon cœur ressentait pour lui.

— Je suis en retard ? avait-il demandé, légèrement gêné.

— Non. Viens, entre, l'avais-je invité en me décalant pour lui libérer le passage.

Lorsqu'il était passé devant moi, j'avais senti son parfum. Il y avait des notes florales un peu boisées et bon sang, si je ne savais pas qu'il n'était au courant de rien concernant les normes de séduction, j'aurais juré qu'il l'avait fait exprès. Après avoir retrouvé une contenance, je l'avais amené dans la cuisine, là où seuls les préparateurs de la soirée avaient le droit de s'y rendre. Seokjin et Yoongi étaient présents.

— Les gars, voici Jeongguk, mon...

— Ami, avait-il répondu à ma place.

— Enchanté, Seokjin.

— Salut Gukkie, tu sais que t'es grave sexy dans cette tenue ? avait lancé Yoongi en venant faire glisser le bout de son index sur la texture satinée de la chemise du plus jeune.

— M-merci, enfin je crois.

J'avais vite dégagé Yoongi loin de lui, ce petit matou avait peut-être le cœur déjà pris, il n'en restait pas moins un gros dragueur, au grand dam de son petit-ami. Saisissant le malaise, Jin l'avait embarqué avec lui, nous laissant ainsi, Jeongguk et moi, seuls dans la cuisine.

— Il est bizarre ton ami, avait lancé le brunet d'un air détaché.

— Qui ça, Yoon'? Ne t'inquiète pas pour lui. Il a l'air un peu chiant comme ça mais c'est un gars super au fond, avais-je dit pour défendre un minimum mon camarade.

— Non, ce n'est pas ça. Il est bizarre parce qu'il me complimente alors que je ne le connais pas.

— Trop mignon...

— Quoi ? avait demandé Jeongguk, surpris.

— Hein ? Rien du tout.

Oui, j'étais un très grand imbécile, mais encore plus quand j'étais avec lui. J'avais pensé à voix haute sans m'en rendre compte. Le joli petit brun qui était face à moi avait le QI le plus élevé de mon institut, qui donc pensais-je pouvoir berner avec cette excuse ridicule ? Cependant, Jeongguk n'avait fait aucune remarque et nous avions été submergés par un silence plutôt gênant. Est-ce qu'il avait entendu les battements affolés de mon cœur ? Est-ce qu'il avait compris l'effet qu'il me faisait ? Je m'étais posé un tas de questions durant ce calme insoutenable.

— Jeongguk ? avait lancé une voix venant de l'entrée de la cuisine.

Nous nous étions retournés pour faire face à l'individu qui venait d'arriver et je n'avais pas compris immédiatement ce que représentait cette personne pour mon cadet, mais j'avais eu le temps de saisir que ce garçon mettait mal à l'aise Jeongguk lorsque ce dernier avait agi plus étrangement que d'habitude.

— Gukkie, tu le connais ? avais-je demandé en voyant les marques de stress du plus jeune.

— Bien sûr qu'il sait qui je suis, avait rétorqué l'autre personne.

— Excuse-moi, mais ce n'était pas à toi que je posais la question. Alors laisse-le répondre, merci bien, avais-je claqué bien plus froidement que je ne l'avais voulu. Jeonggukie ?

Mais au lieu de me répondre, mon joli petit brun s'était enfui de la cuisine en courant comme s'il ne voulait pas faire face à ses responsabilités. Intrigué, j'étais parti à sa recherche pour savoir s'il allait bien, et l'avais rattrapé à l'entrée du grand portail. Jeongguk allait partir de la fête sans que je n'eusse le temps d'en profiter. Cependant, j'avais mis ça de côté pour me concentrer pleinement sur mon vis-à-vis, qui pleurait sans que je ne sache pourquoi.

— Lâche-moi, avait-il murmuré.

— Non. Pas tant que tu ne m'auras pas dit ce qu'il se passe.

— Lâche-moi, s'il te plaît, avait-il insisté en essayant de se défaire de mon emprise.

— Jeongguk, tu peux tout me dire, l'avais-je rassuré.

— Je ne veux pas que tu me vois comme ça, que lui me voit comme ça surtout. Je ne veux pas, hyung. Lâche-moi, s'il te plaît.

J'avais fini par le laisser tranquille en comprenant que c'était sans espoir. Jeongguk était parti en pleurs, tandis que moi, j'avais un milliard de questions en tête. J'étais retourné à l'intérieur sans adresser la parole à quelqu'un.

Au bout d'un moment, pour faire plaisir à Yoongi et Hoseok, j'avais quand même dansé pour célébrer les dix-huit ans de mon ami. Sauf que je n'arrivais plus à faire semblant après plusieurs minutes, je ne pouvais plus faire comme si le départ soudain de Jeongguk ne m'avait pas atteint.

Tandis que les invités et les hôtes étaient en train de s'amuser, moi j'avais regagné l'extérieur, espérant un quelconque signe de la part de mon génie préféré. Je me demandais pourquoi Jeongguk avait réagi de la sorte. Que représentait ce garçon à ses yeux ? Alors que je jouais avec un caillou au sol, une dispute avait éclaté dans la rue, attirant mon attention. J'avais donc quitté mon recoin de tranquillité pour jeter un œil.

Et ce que j'avais vu m'avait brisé le cœur, au point de m'en tétaniser sur place. Jeongguk pleurait à chaudes larmes, poussant la personne de tout à l'heure loin de lui, le frappant sur le torse par moment. J'avais pu entendre les cris désespérés de son âme détruite. La jolie voix d'ordinaire douce de mon cadet s'éleva dans les airs comme un tonnerre zébrant le ciel :

— T'es qu'une putain d'ordure ! De quel droit tu te permets de revenir dans ma vie après autant de temps hein ? Je n'ai pas assez morflé ?

— C'est toi qui m'as quitté ! avait répondu l'autre garçon.

— Pourquoi à ton avis ? Tu as cru que j'allais rester avec toi après ce que tu m'as fait ? avait rétorqué mon ami, serrant les poings.

— Merde Jeongguk, j'étais bourré ! Ça ne comptait pas.

— J'en n'ai rien à foutre ! Je pensais que tu m'aimais, que tu attendrais que je sois prêt, que je le veuille. Tu me l'avais promis... 

Je savais que je ne devais pas rester là. Que cette histoire ne me regardait pas. Pourtant, en voyant les larmes dévaler les joues de Jeongguk, je ne pouvais aller nulle part. C'était bien trop compliqué pour moi de faire comme si je n'entendais rien. Mais je ne voulais pas qu'il me voit et qu'il ne me fasse plus confiance. Alors, à contrecœur, j'avais regagné la maison.

Je n'avais plus envie de m'amuser après ça, je cogitais beaucoup trop. Tandis que je me posais plusieurs questions, le garçon avec qui Jeongguk se disputait était venu s'asseoir à mes côtés sur la balancelle de la terrasse.

— Qui es-tu pour Jeongguk ?

— S'il ne t'a pas parlé de moi, alors je ne le ferai pas.

— Pourquoi ça ? C'est un secret ? avais-je riposté sous le ton de l'humour, bien que je n'avais aucune envie de rire.

— On peut dire que oui. Écoute, tu sembles être attaché à lui alors ne fais pas la même erreur que moi, avait conseillé l'autre garçon, d'un air soudainement nostalgique.

— Qui es-tu ? avais-je insisté.

— Demande-le lui et tu auras tes réponses. 

Et sous cette réplique, il était reparti à l'intérieur pour se réchauffer. Cet idiot m'avait laissé dans l'incompréhension la plus totale. Je ne savais pas son identité et j'avais toujours aucune idée du rôle qu'il avait joué dans la vie de Jeongguk.

J'avais regretté d'avoir invité le plus beau des garçons à mes yeux, par ma faute, il avait revu cette personne. J'avais eu peur des conséquences. J'avais eu peur que par mon égoïsme, j'eusse tout gâché avec mon sculpteur d'origami.

⏹️

Quelque temps après la fête d'anniversaire d'Hoseok, je n'avais pas eu de nouvelles de mon dongsaeng. Comme l'institut était fermé, je n'avais pas non plus le moyen de le voir en cours. En somme, si Jeongguk ne me répondait pas par messages, je n'avais que mon imagination pour me rassurer.

Cependant, l'orage semblait avoir tourné lorsque j'avais reçu un message de la part de mon intello, pile au moment où j'allais retenter un énième appel.

⏮️

De: Jeonggukie♡
Salut hyung, excuse-moi de t'avoir laissé sans nouvelle depuis un moment, c'était impoli de ma part. Est-ce que ça te dirait de venir manger du jjajangmyeon avec moi ? J'invite !
Reçu à 11 :15

À: Jeonggukie♡
Avec plaisir ! Dis-moi où et je te rejoins.
Envoyé à 11 :16

Je n'avais pas perdu de temps pour me préparer. J'étais tellement impatient de les revoir, lui et son précieux visage de poupon. Quand il m'avait dit à quel restaurant il m'attendait, je m'étais dépêché de gagner l'arrêt de bus.

Si on m'avait dit que j'allais terminer cette journée en ayant l'envie d'haïr le monde entier, je ne l'aurais jamais cru.

**

Lorsque j'étais arrivé au lieu du rendez-vous, j'avais directement remarqué la tension qui émanait de Jeongguk. Pour la première fois depuis que je le côtoyais, il m'avait l'air perturbé et angoissé. Je ne savais pas trop ce qui le rendait comme ça, était-ce à cause de ce qu'il s'était passé à la fête d'Hobi ?

— Assieds-toi, m'avait-il indiqué en montrant d'un coup de menton la chaise face à lui.

— Ça va Gukkie ? Tu m'as l'air anxieux, lui avais-je fait remarquer en m'installant.

Une minute, ou peut-être deux, s'était écoulée avant qu'il ne se mette à parler.

— Je suis désolé pour la dernière fois, c'était impoli, avait-il commencé d'une voix peu certaine. Mais je ne pouvais pas rester.

— Tu n'es pas obligé de t'expliquer Jeongguk.

— Bien sûr que si ! Je t'en aurais voulu si les rôles avaient été inversés, avait-il répliqué, l'air vachement sérieux. Je vais tout te dire, mais il se peut que par la suite tu ne veuilles plus de moi.

— Hey monsieur Jeon, j'ai un cerveau, une conscience et la capacité de penser, alors j'estime être capable de prendre mes propres décisions, avais-je rétorqué, reprenant approximativement ce qu'il m'avait dit.

Cela avait eu au moins le mérite de le faire sourire.

— Ce garçon s'appelle Kim Taehyung. Il est... Il a été mon premier petit copain, avait commencé Jeongguk fébrilement. C'est la première personne pour qui j'ai développé des sentiments. Je ne savais pas que c'en étaient au départ, mais Taehyung me l'a fait comprendre. 

Je ne m'y attendais pas. Pour moi, le joli brunet était maladroit avec les émotions, jamais je n'aurais pu penser qu'il avait déjà eu une expérience amoureuse.

— Oh, rassure-toi, ce n'était pas une relation digne d'un drama coréen. Taehyung était beaucoup trop social pour moi, je n'arrivais pas à décoder le fonctionnement de sa personnalité, avait-il continué d'expliquer. Être amoureux d'une personne, c'était un concept abstrait à mes yeux, mais je savais que coucher avec quelqu'un d'autre n'était pas une chose à faire dans un couple. 

J'avais senti mon sang bouillonner dans mes veines. Mais les paroles de ce fameux ex m'étaient revenues en mémoire. J'avais finalement compris ce qu'il s'était passé à la soirée d'Hoseok. Jeongguk avait fait face à son premier amour et n'avait pas pu gérer les émotions que ce Taehyung avait fait remonter.

— Le revoir m'a chamboulé, tu sais ? J'ai beau être capable de résoudre une équation à deux inconnues en trois minutes, il m'arrive d'être faible d'esprit quand mes sentiments prennent le dessus, avait-il déclamé. Alors, excuse-moi si j'ai laissé ces parasites me contrôler une seconde fois.

— Tu n'as pas à te justifier, Jeonggukie. Pourquoi t'en voudrais-je pour quelque chose que personne ne peut dominer ? avais-je réfuté d'un ton catégorique. Tu es un génie certes, mais tu es avant tout un humain. Si tu savais le nombre de fois où mes émois m'ont fait tourner en ridicule, tu serais étonné. 

Le joli brunet avait émis un léger sourire, apaisant quelque peu la colère qui se déchaînait dans ma poitrine. Je n'aimais pas le voir comme ça. Le fait qu'il se dénigrait parce qu'il avait une partie humaine qui avait été blessée, ça me révulsait.

— Et si on mangeait ?  avais-je proposé pour alléger l'atmosphère.

C'était ce jour-là où j'avais réalisé les conséquences de mon acte égoïste. Et mes regrets ne s'en étaient que décuplés. Par ma bêtise, tout ce qu'avait réussi à construire Jeongguk pour oublier cet individu s'était écroulé comme un château de cartes. Je l'avais sorti de son havre de stabilité pour cette maudite soirée. Jeongguk était redevenu la proie de ses émotions et peut-être que cela allait apporter quelque chose de nouveau. J'avais hésité à aller retrouver cet abruti pour lui faire entendre mon point de vue, mais quand mon ami avait croisé mon regard de ses yeux brillants, presque implorants, j'avais décidé d'abandonner cette idée et étais resté avec lui le reste du repas avant que l'on ne se quitte.

**

Le cerveau de Jeongguk était comparable à un puzzle aux pièces multicolores qui s'imbriquaient dans un ordre bien précis. Les couleurs étaient l'incarnation de ses émotions. Lorsque tout était clair et ordonné, aussi bien dans son esprit que dans son cœur, le puzzle restait intact, synonyme de stabilité chez lui. Cependant, si ses émotions prenaient le dessus, tout s'embrouillait, les pièces ne s'emboîtaient plus harmonieusement et là, Jeongguk était incapable de retrouver la paix s'il ne remettait pas les éclats de bois à la bonne place. Mon joli brunet me l'avait expliqué plus amplement suite à ses révélations concernant son ex, soi-disant pour que je comprenne plus clairement sa personnalité.

Même si entre nous, je persiste à croire qu'il avait besoin de mettre des mots sur ce qu'il ressentait sur le moment présent.

Malgré les précédents événements, Jeongguk et moi avions retrouvé notre relation : lui faisant ses volatiles et moi, le regardant. Tout avait repris sa place et c'était tant mieux. J'avais nettement saisi que l'équilibre des choses avait son importance pour mon benjamin. Il avait en horreur tout ce qui n'allait pas dans son sens, pourtant il lui arrivait d'être plus humain que n'importe qui et je l'avais appris à mes dépens lors d'un après-midi au parc naturel de notre ville.

Le parc de Hangang n'était pas le plus visité, mais à mes yeux il était le plus beau. Sûrement parce que j'y avais vécu mes derniers moments avec mon père avant qu'il ne reparte en mission et qu'il y reste. Après avoir appris la nouvelle fatidique de son décès, je m'étais promené souvent dans cet endroit afin d'entretenir mes souvenirs de lui.

Mais un jour où le soleil régnait en maître sur le ciel, j'avais décidé d'y aller avec Jeongguk. Je voulais pouvoir lui rendre la pareille au niveau des confidences. C'était l'une des principales raisons de ce rendez-vous, mais c'était surtout parce qu'il me manquait. Sauf que ça, il ne l'avait pas su ce jour là. Bien qu'il m'avait questionné sur le motif de cette entrevue plusieurs fois, je ne lui avais pas répondu avant que l'on ne fût arrivés au coin que je préférais du square.

Le brunet ne m'avait pas lâché du regard durant toute notre avancée jusqu'ici. Ça m'avait quelque peu perturbé, mais j'étais parvenu à ne pas flancher avant le moment voulu. Je lui avais indiqué un banc pour qu'on profite de la vue qui s'étendait devant nous et en s'asseyant, il me fixait toujours de ses yeux sombres, curieux et frustré. L'envie de le faire mariner encore un peu m'avait traversé l'esprit, mais sa réaction m'avait pris de court :

— Yah ! Kim Namjoon ! J'ai fait l'impasse sur l'un des événements les plus importants du monde de la physique pour venir avec toi, alors quand est-ce que tu décides de me dire la raison de ce rendez-vous ?

Au début, je m'étais senti coupable de lui faire rater cette occasion, mais quand il avait prononcé le mot « rendez-vous », mon cœur avait vite remplacé la culpabilité par de la joie. J'étais en train de sourire comme un idiot et Jeongguk ne s'était pas empêché de me le faire remarquer à sa manière :

— Hyung, ton apophyse zygomatique doit être déréglé. Je n'ai dit aucune blague et je ne suis pas un clown aux dernières nouvelles, alors pourquoi tu souris comme si ton cerveau avait annihilé un peu trop d'hélium ?

— Jeongguk, si je t'ai fait venir ici c'est parce que je voulais te parler de quelqu'un, avais-je commencé à dire, ne prenant pas la peine de répondre à sa question.

— Et tu ne pouvais pas le faire par message ? avait-il ronchonné, l'air blasé.

— Ça n'aurait pas eu le même impact, avais-je dit pour défendre mon envie de ce tête-à-tête.

— Si tu t'attends à ce que ça se passe comme dans ces stupides dramas, tu vas vite déchanter. Je ne sais pas comment il faut réagir et tu le sais.

— Bon, t'arrête de faire ton bougon cinq minutes ? Je veux te partager un bout important de ma vie, si tu n'as toujours rien compris.

— Oh, avait-il murmuré du bout des lèvres. Je t'écoute.

Son joli visage candide m'avait ensorcelé. Je l'avais trouvé tellement beau sous ce temps radieux. Les fleurs étaient sans aucun doute jalouses de lui et il donnait sûrement envie aux oiseaux de s'arrêter pour le contempler, c'était bien ce que je faisais à longueur de temps moi.

Après m'avoir raclé la gorge, j'avais repris la parole :

— Tu ne le sais sûrement pas, mais je suis fils de militaire, au même titre que Yoongi, mon meilleur ami. Celui qui t'a légèrement fait de la drague à la soirée d'Hobi.

— Ah, le gars bizarre ?

— Oui, celui-là, avais-je ri. Enfin voilà, mon père était un haut gradé dans son unité. Tout le monde l'appréciait. En même temps, c'était le grand Kim Seungwan, qui le détestait ?

J'avais arrêté de parler, me remémorant très faiblement le visage avenant de mon géniteur. Puis, essayant de retenir mes larmes, j'avais repris la parole :

— Un jour, on lui a donné la permission de revenir de sa base pour passer un moment avec nous. Je devais avoir treize ou quatorze ans.

J'avais jeté un regard vers mon vis-à-vis pour voir s'il m'écoutait toujours et Jeongguk était en train de me dévisager avec la plus grande attention, ce qui m'avait un peu chamboulé. J'avais souri une seconde fois comme un imbécile, causant sans soupçon l'incompréhension chez le plus jeune.

— Durant sa permission, mon père a eu le temps de profiter de mon petit-frère, encore bébé à ce moment-là, puis on s'est beaucoup amusés dans ce parc. Quelques jours après, on l'a rappelé plus tôt que la date prévue parce qu'on avait besoin de lui, avais-je continué d'expliquer. Ma mère et moi ne savions pas encore qu'il s'agissait de la dernière fois qu'on le voyait.

— Il est mort sur le terrain ? avait subitement demandé Jeongguk.

— Oui. Le directeur de l'institut est venu me chercher en personne pour me l'annoncer dans son bureau. Quand j'ai mis un pied dans cette pièce et que ma mère était déjà là, Monsieur Do n'a pas eu besoin de me le dire que je l'ai directement compris. J'ai pris ma mère dans mes bras et on est repartis tous les deux à la maison. 

Un silence de plomb s'était installé entre nous. Seuls les petits gazouillis des volatiles emplissaient l'atmosphère. Je pensais avoir jeté un froid, que Jeongguk allait regretter d'être venu, alors quand le son de sa voix s'était élevée, un nœud s'était tout doucement formé dans le creux de mon estomac.

— Tu le vis bien ?

— Pardon ? avais-je demandé, interloqué.

— Ta mère a pratiquement vécu seule toute sa vie. Elle a donc un mental bien plus fort que tu ne le penses. Mais, ce n'est peut-être pas ton cas. 

Je l'avais regardé dans le blanc des yeux. Ce qu'il m'avait dit, personne n'avait osé me le souffler de cette façon. Les gens me donnaient souvent une petite tape sur l'épaule pour m'encourager à soutenir ma génitrice. Mais Jeongguk avait agi différemment des autres, et peut-être qu'il n'avait pas eu le tact pour le dire de manière moins brusque, mais il avait compris la situation bien mieux que tout le monde. Ma mère était la plus forte de nous deux ; c'était moi qui pleurait la nuit et elle qui me consolait.

—Je tiens le coup, lui avais-je dit après un moment de latence.

— D'accord. C'était tout ce que tu avais à me dire ?

— Euh, oui, avais-je répondu, déconcerté. Tu peux retourner chez toi et assister au live de ce physicien, avais-je proposé d'une voix basse.

— Cool. 

Je ne pouvais pas empêcher ce pincement de prendre possession de mon cœur. Il m'avait pourtant précisé que son quotient émotionnel ne lui donnait pas les clefs nécessaires pour agir dans certaines situations, mais j'avais pensé qu'il aurait pu au moins avoir la gentillesse de rester avec moi. Mais je ne pouvais pas le retenir, qui étais-je pour faire ça ? Personne. Je ne signifiais pas grand chose pour Jeon Jeongguk et cette constatation m'avait fait mal à l'âme.

Le plus jeune s'était levé du banc et s'était mis à marcher en direction de la sortie. Je n'avais pas eu le courage de le regarder s'en aller, alors j'avais dérivé les yeux sur le sol. Mes larmes avaient commencé à me brûler la rétine et mes sanglots, m'obstruer la gorge. Alors que je m'étais préparé à partir de mon côté, une main douce comme de la laine s'était glissée dans la mienne, me forçant à me retourner. Jeongguk était revenu vers moi, le visage confus, comme s'il semblait incertain de ce qu'il faisait.

— Est-ce que... est-ce que tu voudrais venir la regarder avec moi ? Mes grands-parents ne sont pas à la maison et... je voudrais que tu viennes. S'il te plaît ? 

Je l'avais regardé, subjugué, durant un laps de temps. Je l'avais fixé dans les yeux ; les siens avaient essayé de me délivrer un message. Ce fut à ce moment que je compris la signification de son geste : c'était sa façon à lui de me tendre la main et par elle, son soutien. Comment aurais-je pu lui dire non lorsqu'il avait franchi une barrière énorme en me touchant de son plein gré ? Je ne pouvais pas refuser et je n'avais pas eu envie. Alors, au lieu de nous séparer, nous étions partis en destination de la maison de ses grands-parents.

**

La demeure des Jeon, les aïeux de mon ami, avait cette architecture que j'aimais tout particulièrement : celle des Hanok, ces maisons en bois au charme si singulier et si attractif. J'avais analysé chaque détail de la construction, chaque matériau, chaque design. J'étais tombé amoureux de ce que j'avais vu, à tel point que ça m'avait donné envie d'étudier l'Art des Édifices. Jeongguk m'avait fait entrer après avoir tapé le numéro du digicode et avait refermé la porte derrière nous.

— Assieds-toi, je vais aller chercher mon PC, m'avait-il dit avant de se diriger vers je ne savais où.

Je m'étais donc exécuté en faisant attention à mon environnement. Il y avait une grande télé dans le salon, elle-même posée sur un meuble en bois ancien. Je n'avais pas eu le temps de zieuter autre chose que Jeongguk était réapparu avec son ordinateur portable dans les mains, ainsi qu'un câble et le chargeur du PC. Il avait fait des branchements au niveau de l'arrière de la télévision, puis il avait traficoté quelque chose sur son ordi avant de venir me rejoindre sur les petits coussins disposés en guise de fauteuil. Fallait dire qu'il y avait le mélange de modernité et de l'ancienneté, ce qui m'aidait à comprendre que la nouveauté venait principalement du jeune brun. Mais pourquoi ? Telle était la question.

La conférence du physicien se jouait sous nos yeux. Elle avait accaparé la concentration de mon benjamin, tandis que moi, c'était son épanouissement devant ce genre d'événement qui m'avait obnubilé. Je ne comprenais pas trop de quoi ça parlait, de ce que j'entendais, c'était à propos d'une théorie sur l'action d'un agent truc qui agissait en tant que machin révolutionnaire.

Jeongguk avait fait la moue lorsque la conférence avait touché à sa fin. J'avais trouvé ça mignon et attendrissant. On aurait cru assister à la réaction d'un gamin qui venait de voir le Père Noël s'en aller. Je m'étais empêché de sourire lorsque mon jeune ami avait tourné le regard vers moi.

— Je sais que ça ne t'intéresse pas ce genre de choses, mais merci d'être venu.

— Merci à toi de m'avoir invité, lui avais-je souri.

— Tu veux quelque chose à boire ?

— Je veux bien un jus de fruit, s'il te plaît.

— D'accord, je te ramène ça.

Il s'était levé, me laissant seul que très peu de temps avant de rappliquer avec deux verres remplis dans les mains. Jeongguk m'avait tendu celui au jus d'orange et avait gardé celui au lait à la banane. Le silence avait désormais pris son seuil au sein de la pièce, mais ce dernier n'était pas pesant comme celui du parc. Cependant, j'avais ressenti le besoin de lui poser une question. Je risquais de me prendre une veste, mais j'avais tenté le coup :

— Au fait, pourquoi tu vis chez tes grands-parents ?

— Parce que mes géniteurs ne m'aiment pas, avait-il répondu du tac au tac.

— Quoi ? Je veux dire, comment c'est possible ? avais-je demandé, confus.

— Avoir un génie pour enfant, ça peut être une malédiction pour certains parents. J'avais à peine trois ans lorsque j'ai commencé à utiliser mes capacités intellectuelles. Grand-mère dit que ma mère me tapait sur les doigts quand je jouais avec des cubes faits pour les gamins âgés de six ans, avait-il commencé à m'expliquer, le regard ailleurs. Et plus je grandissais, plus mes parents étaient dépassés par la situation. À l'âge de sept ans, j'étais capable de résoudre une équation du premier degré sans grande difficulté.

— Et alors ? À sept ans, j'avais encore du mal à ne pas me fracasser la gueule dans les escaliers. Ma mère aurait tout donné pour avoir un fils bien plus perspicace, crois-moi ! avais-je assuré, lui provoquant un petit sourire.

— Quoi qu'il en soit, mes parents ont décidé de m'envoyer ici, en pensant que je serais bien mieux entouré à Séoul. Grand-père les a incendiés au téléphone, en leur promettant que si je devenais riche grâce à mon génie, ils n'auraient pas un sou. Voilà pourquoi je vis chez eux.

— Tes parents ont sans doute eu raison de te faire venir ici, avais-je lancé d'une voix presque inaudible.

— Pourquoi ?

— Je n'aurais peut-être pas eu la chance de te rencontrer sinon.

Et là, pile à ce moment, ses joues avaient viré au rouge. J'avais voulu lui faire la remarque, mais je savais que ça allait le brusquer et il m'aurait congédié plus vite qu'un train à grande vitesse. Jeongguk n'avait plus su quoi dire par la suite, chamboulé par ce que j'avais répliqué. Mais heureusement pour lui, la porte d'entrée s'était ouverte sur le vieux couple qui détenait cette magnifique maison.

À leur vue, je m'étais levé rapidement et je leur avais présenté mes salutations en me courbant respectueusement. La grand-mère de Jeongguk m'avait souri, tandis que monsieur Jeon s'était empressé d'aller ranger les courses.

— Vous êtes donc le jeune Kim Namjoon dont notre petit Gukkie parle tout le temps ? avait demandé la vieille femme.

— Halmeoni, ne commence pas, s'il te plaît... avait rétorqué ledit Gukkie en roulant des yeux.

— Oui, oui ! Vous resterez manger à la maison, n'est-ce pas ? Mon mari fait le meilleur japchae de la ville.

— Je ne veux pas m'imposer halmeoni, avais-je tenté de refuser.

— Techniquement, tu ne t'imposes pas puisque c'est elle qui t'invite, était intervenu Jeongguk.

— Exactement, restez donc manger ici. C'est la première fois que notre Gukkie amène quelqu'un à la maison, avait-elle précisé dans un sourire avenant.

— Yah ! Jeon Seolhyun ! Laisse donc les jeunes tranquille et viens m'aider à préparer le repas.

La vieille femme m'avait souri une dernière fois avant de rejoindre son mari dans la cuisine, nous laissant seuls, Jeongguk et moi dans le salon. Je l'avais regardé, j'avais pu voir sa gêne : il se balançait comme un enfant sur ses deux pieds. De ce fait, j'avais fait style de ne pas avoir compris ce que voulait dire sa grand-mère et lui avais proposé de faire des origamis ensemble le temps d'attendre.

⏹️

Cela faisait plus de trois mois que je côtoyais Jeongguk. Plus le temps passait, plus je tombais amoureux, et plus j'avais l'impression que ça devenait hyper compliqué pour moi de rester de marbre chaque fois qu'il lui prenait l'envie de me toucher. Parce que oui, après avoir franchi ce cap assez important, mon cadet avait pris plaisir à faire bondir mon cœur hors de sa cage thoracique.

Nous étions un mois après la rentrée des classes, et si on m'avait dit que durant ce premier semestre, ma relation avec Jeongguk allait subir un tournant inattendu, je n'y aurais jamais cru. Pourtant, ça avait été le cas.

Il faisait beau – du moins, il ne pleuvait pas –, alors Jeongguk m'avait demandé si l'on pouvait se rejoindre dans le parc après les cours. J'ai oublié de mentionner qu'après notre rendez-vous à Hangang, il avait voulu y retourner plusieurs fois et cet après-midi là n'y avait pas manqué.

J'avais lancé une playlist de musique que m'avait recommandée Jeongguk tout en me rendant au parc Hangang. J'espérais ne pas être en retard, je n'avais hélas pas pu quitter en avance ma fac. Étant en première année, je me devais de respecter le règlement. Puis bon, je n'avais pas pu faire autrement, Jimin, le cher ami de mon brunet favori, ne m'avait pas quitté des yeux. Autant dire que j'étais surveillé au moindre mouvement.

J'avais été plutôt surpris de retrouver le deuxième génie de l'institut à mon université, j'avais oublié – encore une fois – qu'il était plus intelligent que moi. Ce qui avait été cocasse, je dois dire, c'était notre rencontre sur les lieux de la fac. Jimin observait son monde, comme d'habitude, et lorsque nos regards s'étaient croisés, il s'était avancé vers moi et m'avait dit :

— Fais un seul faux pas et je te dénonce à Jeongguk. Je t'interdis de jouer avec lui, cet incapable de Kim Taehyung en a déjà fait assez. 

Puis il avait rebroussé chemin comme si de rien n'était. J'avais été ébahi, tellement que j'en avais parlé avec mon brunet. Ce dernier avait décrété que c'était tout à fait normal, Jimin étant son meilleur ami. J'avais alors fermé ma bouche, comprenant que c'était là une marque d'affection de Jeongguk.

En parlant de lui, je le voyais assis à même le sol contre son nouvel arbre favori. J'avais appuyé sur stop pour arrêter la chanson qui se jouait avant de retirer mes écouteurs pour le rejoindre à terre.

—Tu en as mis du temps ! m'avait-il reproché.

— Je suis désolé, mais ton chien de garde ne me quittait pas des yeux. Je n'ai pas pu m'éclipser avant la fin de l'heure, avais-je répliqué pour me défendre.

— Mon chien de garde ?

— Jimin.

— C'est mon meilleur ami, pas mon chien de garde ! Cesse de comparer Jimin à un animal, c'est un être humain comme nous, je te signale.

— Oui, d'accord. Je ne le ferai plus. Alors, pourquoi voulais-tu qu'on se voit ici ? avais-je finalement demandé.

— Parce que je voulais te voir. Je n'en ai pas le droit ?

— Bien sûr que si, avais-je répondu avec un sourire.

— Donc tais-toi alors. 

J'avais légèrement gloussé sous sa réaction. Il était si mignon et pourtant, il changeait de jour en jour. Il avait abandonné sa coupe de cheveux toute simple pour une plus sophistiquée, mais gardant une certaine sobriété. Ses mèches étaient ondulées et s'il se positionnait au soleil, on pouvait voir sa nouvelle teinte caramel ressortir.

— Hyung ?

— Oui ?

— Est-ce que je peux faire quelque chose sans que tu me poses une question ?

— Euh... Oui, si tu veux, avais-je accepté non sans une pointe de méfiance.

Sans que je n'eusse compris exactement ce qu'il se passait, Jeongguk s'était allongé sur l'herbe sèche, avant de poser sa tête sur mon ventre. Il avait également pris ma main dans la sienne.

— Qu'est-ce que-

— Rappelle-toi hyung, pas de question. 

Alors j'avais été contraint de me taire, et bon sang, ce n'était pas l'envie qui me manquait de déroger à sa demande. Sauf que je savais que Jeongguk avait ses raisons, ainsi j'étais resté muet. J'avais donc apprécié la chaleur de son corps, la douceur de ses mains et son souffle qui se répercutait contre mon épiderme.

Cela faisait plus d'une quinzaine de minutes que nous étions comme ça et rien ne nous perturbait. Le soleil nous plongeait dans une tiédeur agréable. J'étais si heureux que je voulais voir ce moment durer. Toutefois, la jolie mélodie qu'était la voix de Jeongguk s'était élevée dans les airs :

— Namjoon hyung ?

— Oui Gukkie ?

— Est-ce que tu m'aimes ? 

Étant pris au dépourvu, je n'avais pas su quoi lui répondre sur l'instant. Alors Jeongguk s'était redressé, laissant un vide sur moi, pour me regarder plus amplement.

— Tu m'aimes ?

— C'est-à-dire ?

— Est-ce que je compte pour toi ? avait-il répliqué avec une pointe d'agacement.

— Bien sûr que oui. Pourquoi cette question ?

— Parce que si ce n'était pas le cas, alors je ne te pardonnerais pas.

— Comment ça ?

Et avant même qu'il pût me répondre, son téléphone l'avait coupé dans son élan. C'était sa grand-mère qui avait appelé pour qu'il la rejoigne au plus vite. Jeongguk s'était excusé auprès de moi, puis il m'avait laissé seul avec mes pensées.

Est-ce qu'il allait me dire quelque chose d'important ? Quelque chose qui allait me rendre heureux ? Je n'en savais rien, et pour cet après-midi là, je ne le saurai jamais.

⏹️

Le premier semestre s'était achevé en douceur. Jeongguk et moi nous étions souvent vus : au parc Hangang, chez ses grands-parents, dans le nouveau café qui venait d'ouvrir sur Itaewon. Seulement, cela faisait un bon bout de temps que nos entrevues avaient cessé, et pour cause : nos examens.

Jeongguk m'avait dit qu'il ne pouvait pas se libérer tant qu'il n'aurait pas terminé ses épreuves, alors un mois s'était passé avant que je ne le revois. Il m'avait manqué. Terriblement. Mais je ne lui avais pas dit, de peur qu'il me refasse une de ses morales et peut-être aussi parce que je ne savais pas comment il pourrait réagir. J'avais alors profité de notre rendez-vous du mieux que je pouvais, calmant les battements de mon cœur un peu trop effrénés ces temps-ci.

Puis, durant l'un nos appels réguliers, lorsque j'avais annoncé au plus jeune que ma série de partiels allait débuter, tandis que les siennes se terminaient, il m'avait répondu :

— Hyung, tu es un humain qui a des capacités moins surprenantes que les miennes, alors tu dois travailler pour avoir de bons résultats. Je t'aurais bien aidé pour tes révisions, mais je n'aime pas les études d'architecture. 

J'avais tellement été ahuri de sa réponse que je n'avais pas remarqué qu'il m'avait raccroché au nez. Et un message s'en était suivi :

De: Jeonggukie♡
Désolé de t'avoir raccroché au nez, mais si je ne le faisais pas, je n'aurais pas réussi à le faire plus tard. Mets-toi au travail hyung, s'il te plaît... Réussis. Fais-le pour moi.
Reçu à 18h45

Ce qu'il m'avait écrit m'avait quelque peu retourné. Avait-il commencé, lui aussi, à devenir accro à nos appels du soir ? Je n'en savais rien et peut-être que d'un côté, je n'avais pas voulu le savoir par peur de me tromper. J'avais donc répondu que pour lui, j'allais essayer d'obtenir de bons résultats.

Ainsi, deux mois s'étaient écoulés et Jeongguk me manquait atrocement. J'avais été tenté plusieurs fois de le contacter, mais je me rappelais à chaque fois les mots qu'il m'avait envoyés. La période des vacances était enfin là et grâce à Jimin, j'avais su que c'était aussi le cas pour mon joli cadet.

Alors, je l'avais réquisitionné dès le premier jour de nos vacances bien méritées, parce que je ne pouvais plus attendre.

Et ce lundi-là restera à jamais gravé dans mon cœur.

Il était onze heures dix-neuf lorsque j'étais arrivé devant la porte des Jeon avec l'irrépressible envie de revoir mon ami. De revoir la beauté de son visage, la tendresse de son sourire et sa capacité à me sortir les choses les plus intelligentes d'une façon sexy et attirante. J'avais sonné chez eux, attendant alors que quelqu'un apparaisse devant moi.

Et quelle n'avait pas été ma joie quand des yeux de biche s'étaient posés sur moi, l'air franchement surpris.

— Hyung ? Mais qu'est-ce que tu fais ici ?

— On est en vacances et j'ai décidé de les passer avec toi. 

Parce que tu me manques, avais-je pensé.

—Mais tu ne m'as pas prévenu que t'allais venir ! J'aurais au moins pu me préparer ! Pourquoi tu ne l'as pas fait, hein ? avait-il rétorqué, foncièrement fâché contre moi.

— Parce que je n'avais pas jugé ça... utile ? Et puis d'ailleurs, depuis quand dois-je te prévenir de ma venue ?

— P-parce que ! Rah ! Attends-moi là, j'en ai pour quinze minutes. 

Il était alors parti, les sourcils froncés, me laissant dans l'incompréhension la plus totale. Pourquoi était-il fâché de me voir arriver à l'improviste ? Ça ne l'avait jamais dérangé auparavant. Bon, peut-être qu'il me rouspétait en disant que la politesse était d'avertir les personnes avant de venir, mais jamais il n'avait réagi de la sorte. Je m'étais posé un millier de questions, j'avais même été sur internet pour comprendre la réaction du plus jeune, mais je n'avais trouvé aucune réponse pertinente.

Alors Jeongguk était revenu vers moi, habillé de vêtements que je ne lui connaissais pas : un jean bleu déchiré aux genoux, un t-shirt blanc rentré à l'intérieur et une veste en cuir sur ses épaules. Même sa coupe de cheveux avait trouvé un nouveau style, ses mèches étaient plaquées en arrière sur son crâne à l'exception de deux ou trois rebelles. Il n'y avait pas à dire, il était foutrement sexy.

— T-tu es sûr de vouloir sortir comme ça ? avais-je bredouillé en le détaillant toujours du regard.

Pourquoi ? Tu n'aimes pas ?

— Oh si ! Si, ça te va super bien. C'est juste que je ne suis pas habitué à te voir ainsi. 

Jeongguk avait haussé les épaules, puis s'était mis en marche avant de se stopper pour m'attendre. Je m'étais réveillé et l'avais rejoint rapidement, avant de lui indiquer de prendre le chemin en direction de l'arrêt de bus le plus proche.

— Tu m'emmènes où ? m'avait-il demandé.

— Tu verras, avais-je simplement répondu.

Ainsi, notre trajet s'était passé dans le plus grand des silences. Nous apprécions la chaleur qui se posait sur la ville, le soleil illuminant les feuilles des arbres que nous rencontrions. Dans le bus, Jeongguk avait fait quelque chose de nouveau : il avait partagé ses écouteurs avec moi en me disant qu'il avait des chansons à me faire découvrir. Je n'avais pas posé plus de questions que ça et avais glissé l'un des embouts dans mon oreille.

À contrario de sa personnalité intelligente et droite, les chansons de mon ami avaient l'air plus frivole, plus libre, un peu comme ses origamis qu'il faisait encore, du moins je l'espérais. Je ne lui avais pas demandé, pensant que ce n'était pas une information qu'il voudrait partager avec moi. Durant notre scolarité ensemble, j'avais remarqué que sa passion des sculptures en papier était une chose personnelle, une sorte de boîte à secret qu'il ne voulait dévoiler quand il jugeait nécessaire de le faire.

Ça avait donc été après quatre chansons que nous étions arrivés sur le lieu qui nous attendait. C'était un musée, je ne savais pas s'il allait aimer mon initiative, mais lorsque nous avions franchi le seuil du bâtiment, plus précisément celui de la première galerie, les yeux ébahis de Jeongguk m'avaient rassuré quant à mon choix de venir ici. Il y avait une exposition de sculpture en tout genre et mon brunet avait l'air d'aimer toutes les choses qu'il voyait.

Puis, nous étions enfin parvenus à la salle tant attendue : celle des origamis. Il y en avait des petits et des grands, allant des couleurs les plus ternes jusqu'aux plus éclatantes. Il y avait plusieurs animaux, mais aussi des formes que je ne pourrais pas décrire. Et comme je m'y attendais, la partie qui avait happé mon brunet était celle des oiseaux. Jeongguk les couvait du regard, il y avait tellement de douceur, de respect, d'admiration, c'était incroyable.

— Tu aimes ?

— Beaucoup. 

Alors nous étions restés devant à les contempler dans leurs formes et leurs coloris. Deux minutes, peut-être trois, s'étaient écoulées avant que Jeongguk ne prenne ma main dans la sienne et nous emmène à l'extérieur du bâtiment. Je n'avais pas compris pourquoi il voulait partir de là, pendant un instant je m'étais demandé si je n'avais pas fait une bêtise, mais rien ne pouvait justifier notre départ précipité.

Finalement dehors, Jeongguk nous avait éloignés encore plus des gens, peut-être avait-il souhaité que l'on soit seuls, je n'en savais rien. Cependant, une fois à une bonne distance de la population, le brun nous avait arrêtés.

—Tout va bien ? avais-je demandé, inquiet.

— Oui, c'est juste que j'ai vu quelqu'un que j'aurais préféré ne pas voir.

— C'est ton ex ?

— Hyung, ne parlons pas de lui s'il te plaît.

— D'accord.

J'avais accepté parce que je ne savais pas quoi dire de plus. À quel moment l'avait-il vu ? Je pensais qu'en étant émerveillé par les origamis, il n'aurait pas fait attention au monde extérieur, et pourtant. Jeongguk semblait renfrogné, son air doux avait disparu, laissant place à de la confusion.

— Qu'est-ce qu'il y a ? avais-je dit d'une voix calme, mêlant mes doigts aux siens.

— Je... Je ne sais pas pourquoi ça m'affecte autant de le revoir. Je ne l'aime plus hyung, je n'ai plus aucun sentiment ! Mais... Mais quand je le revois, j'ai mal ici, avait-il déclaré en pointant son cœur.

— Je ne sais pas Gukkie, c'est ton ex. Il reste une personne que tu as aimée, pour qui tu as développé des émotions, des sentiments et même si à l'heure d'aujourd'hui, tu n'en as plus aucun, ça ne veut pas dire que ton cœur a oublié la peine qu'il lui a fait. Parfois, ça met du temps à cicatriser, les blessures amoureuses.

— T'es au courant que ce genre de blessures ne sont qu'imaginaires hein ?

— J'sais pas. Pourquoi t'as mal alors ?

Jeongguk n'avait pas su quoi me répondre et avait laissé tomber le sujet. J'avais bien vu que ça l'avait tourmenté, cette rencontre fortuite, alors je lui avais proposé d'aller au parc juste à côté afin d'aller se poser et profiter de la chaleur. Tout en marchant, mon brunet avait resserré sa prise autour de ma main pour mon plus grand bonheur, avant de faire accélérer mon rythme cardiaque :

— Si je dois tomber amoureux, je veux que ce soit de toi, hyung. Parce que toi, tu ne me feras jamais de mal. 

Je n'avais rien répondu, si ce n'était que par mes gestes. J'avais souri comme un idiot et avais claqué un léger baiser sur le dessus de sa dextre, créant la surprise chez lui et de la joie chez moi. Jeongguk avait ri de ma réaction, sans savoir qu'à l'intérieur de moi, un million d'espoirs étaient en train d'éclore.

⏹️

La fin de l'année arrivait enfin, et ma relation avec Jeongguk continuait de fleurir comme au premier jour. Ce qui changeait de nos débuts, c'était bien le comportement de mon brunet. Il n'était plus réservé avec moi, plus aussi timide et parfois, il me faisait rougir avec ses légers bisous sur ma mâchoire ou encore sur l'une de mes joues. Ça aussi, ça avait été un grand changement nous concernant : il y avait bien plus de touchers et ce n'était pas pour me déplaire.

Enfin voilà, nous étions arrivés au mois de Juillet et avec lui, le voyage vers Paris s'annonçait.

Ma branche universitaire, ainsi que celle de Jeongguk, avaient décidé d'organiser un voyage en direction de la capitale française. Je n'avais jamais quitté la Corée du Sud, mais la France était sans aucun doute un des pays que j'avais toujours voulu visiter. Cependant, si je comprenais le motif de cette excursion concernant ma section, c'était bien plus flou à mes yeux pour celle de Guk, surtout qu'il étudiait dans une autre université. Mais finalement, je ne m'en étais pas plaint, accueillant la nouvelle de sa venue avec plaisir.

En arrivant sur le point de rendez-vous que nos professeurs nous avaient indiqué deux jours plus tôt, j'avais constaté qu'il y avait pas mal de bus, mais aussi pas mal d'étudiants que ce soit du côté de l'architecture ou de l'ingénierie. Passant en revue les têtes des personnes présentes, j'avais fini par trouver celle de Jeongguk. Tout en m'avançant vers lui,  j'avais pensé à lui demander si je pouvais me mettre à ses côtés durant le voyage, sauf qu'en relevant la tête, j'avais vite compris que j'avais été évincé par ce traître de Park. Voyant sans doute mon air décomposé, le garçon aux cheveux devenus récemment bleus s'était avancé vers moi, puis avait posé sa main sur mon épaule pour me dire :

— Tire pas la tronche hyung, je te l'ai laissé pendant toute une année, j'peux bien profiter de ces minutes pour être avec mon meilleur ami, non ?

— Oui, bien sûr, je me mettrai avec Hyungwon alors, avais-je lancé avec un léger sourire.

— Hyungwon ? C'est qui ? avait demandé Jeongguk, les sourcils froncés.

— C'est moi !

Mon ami était apparu et avait placé son bras sur mes épaules. J'avais souri bêtement, mais mes lèvres s'étaient abaissées lorsque j'avais vu l'air confus et en colère de Jeongguk, était-il jaloux ?

—Et vous ? Vous êtes qui ? avait interrogé Hyungwon.

— Park Jimin, s'était introduit le bleuâtre.

— Et toi, monsieur qui est en train de me tuer dans sa tête ?

— Hyungwon, fiche lui la paix, avais-je ordonné en voyant la mine renfrognée de mon génie.

— Quoi ? On ne peut pas s'amuser avec lui, c'est ça ?

— La ferme Won et dégage !  avais-je grogné, remarquant que son comportement blessait Jeongguk.

Après son départ, j'avais soupiré, puis j'avais pris la main de mon brun dans la mienne afin d'attirer son regard. J'avais vu sa bouille toute triste et ça m'avait fendu le cœur. Mon pouce avait caressé tendrement le dessus de ses phalanges et cela avait eu le don de l'apaiser, enfin je pensais.

— Guk, regarde-moi s'il te plaît, avais-je murmuré rien que pour lui.

Le plus jeune s'était exécuté et avait plongé ses deux orbes dans les miens, semblant totalement perdu dans ce qu'il pouvait ressentir. Jimin nous avait abandonnés, comprenant sans doute que cette conversation ne concernait que nous deux, alors j'avais rapproché nos deux corps, effaçant ainsi cette distance.

— Il n'y a personne d'autre que toi avec qui je voudrais être le plus en ce moment, mais tu manques à ton meilleur ami et je ne peux que comprendre ce qu'il doit ressentir, ton absence peut paraître une éternité, tu sais ?

— Hyung, c'est pas possible. L'éternité n'est qu'une vaste divagation-

— Jeongguk, s'il te plaît, ne m'oblige pas à t'embrasser sans ta permission juste pour te faire taire.

Mon cadet avait fait les gros yeux, certainement décontenancé par ma réponse ambigüe. Mais je n'avais pas non plus manqué les rougissements sur ses joues, ce qui l'avait rendu totalement mignon et attirant.

— Que tout le monde monte dans les bus ! 

Ainsi, j'avais dû le laisser partir à contrecœur et peut-être que lui aussi, n'avait pas voulu me quitter. Je l'avais regardé s'éloigner et Jimin le rejoindre, puis lorsqu'ils n'étaient plus visibles, je m'étais dirigé vers mon bus et avais pris finalement place aux côtés de Bae Suji, la fille un peu recluse de ma classe, mais clairement la plus belle.

— Ça te dérange si je me mets là ? avais-je quand même demandé, me préparant à m'installer autre part.

— Non, tu peux rester ici.

Elle m'avait souri et je le lui avais rendu. Le trajet jusqu'à l'aéroport s'était passé tranquillement, Suji dessinait dans son carnet de croquis et moi, j'écoutais de la musique pour faire passer le temps. Peut-être quatre minutes après notre départ, j'avais reçu une notification de message :

De: Jeonggukie♡
Hyung... Tu pensais ce que tu disais tout à l'heure ?
Reçu à 22:10

À: Jeonggukie♡
À propos de quoi ?
Envoyé à 22:11

De: Jeonggukie♡
De m'embrasser. Hyung, est-ce que tu... tu aimes les garçons ?
Reçu à 22:11

À: Jeonggukie♡
Les garçons, non. Toi, en revanche...
Envoyé à 22:12

De: Jeonggukie♡
Hyung, qu'est-ce que tu veux dire par là ?
Reçu à 22:12

À: Jeonggukie♡
Tu le sauras en temps voulu ;)
Envoyé à 22:14

Nous étions arrivés à l'aéroport d'Incheon plus rapidement que je ne l'avais pensé, alors j'avais verrouillé mon téléphone, puis l'avais rangé avant de me lever afin de ne pas faire attendre Suji.

**

Trois jours que nous étions sur le territoire français et jamais de ma vie je n'avais vu de bâtiment plus beau que le château de Versailles. Entre ses grands jardins et ses pièces faisant les louanges à la royauté, j'avais été subjugué. Enfin bref, pour le quatrième jour, nous avions eu quartier libre pour l'après-midi, à condition de revenir pour vingt heures à l'hôtel, et automatiquement, mes pensées s'étaient tournées vers une seule et même personne : Jeongguk.

Il me manquait. Terriblement. Et encore plus lorsque je savais qu'il ne se trouvait pas loin de moi, mais que je ne pouvais pas l'approcher parce que les règles nous l'interdisaient. Ainsi, j'avais passé les jours précédents avec Suji et Jimin qui – contre toute attente – s'étaient entendus à merveille. Ils rigolaient beaucoup ensemble et je suspectais la belle brune d'avoir un coup de cœur pour le bleuté.

J'avais donc envoyé un message à mon brunet pour lui demander de me rejoindre dans le hall de l'hôtel et je l'avais attendu patiemment. Il avait débarqué dans un pull blanc en coton qui rehaussait sa couleur de cheveux, ainsi que ses yeux de biche qui, à l'instant même, étaient en train de briller pour je ne savais quelle raison particulière. Je le trouvais adorable, tellement mignon que je n'avais subitement plus les mots pour engager une simple conversation.

— Où est-ce que l'on va, hyung ? avait-il demandé pour me faire réagir.

— J-je t'emmène quelque part, promis, on ne se perdra pas.

Jeongguk avait simplement hoché la tête et m'avait laissé prendre sa main pour le tirer à ma suite. J'aimais son contact, j'aimais lorsqu'il me donnait la permission de le toucher même si c'était dans le silence. Il m'apportait une douceur que je n'avais pas envie d'abandonner, que j'avais envie de chérir encore longtemps, du moins autant qu'il m'en donnerait l'occasion.

J'avais décidé de tout lui avouer, de tout lui dire afin d'alléger mon cœur et peut-être faire face à une déception. Je ne savais pas si ce que j'allais faire allait tout détruire entre nous, allait détruire cette amitié que nous avions créée au fil des jours passés ensemble. Mais j'avais bien réfléchi et j'avais pris ma décision avec l'espoir d'une possible histoire amoureuse avec lui.

Avant d'arriver à ce fameux lieu dont m'avait parlé Suji lors de nos excursions avec notre filière, j'avais invité Jeongguk à manger une glace étant donné la chaleur qui régnait dans la capitale de la mode. J'étais à l'aise en anglais et cela avait été facile pour moi de me dépatouiller auprès des parisiens, même si beaucoup me faisaient répéter pour être sûrs d'avoir bien compris ce que je demandais.

Jeongguk dévorait sa glace à la menthe et aux pépites de chocolat, tandis que moi je savourais la mienne aux goûts de vanille bourbon et aux noisettes caramélisées. Nous ne parlions pas, on essayait de ne perdre aucune miette de nos mets sucrés que les rayons du soleil s'amusaient à faire fondre. Heureusement, nous avions des serviettes en papier à disposition pour nous essuyer en cas de problème.

Après avoir dégusté nos glaces, nous avions déambulé dans les rues pour digérer et apprécier la légère brise fraîche qui caressait nos peaux. Je me sentais tellement bien avec lui, main dans la main, sans avoir peur des regards des gens. Ce que j'avais remarqué en arrivant en France, c'était le comportement globalement indifférent des français, il y en avait bien quelques uns pour embêter le monde, mais principalement on nous avait laissés tranquille, comme si nous faisions partie du décor.

Nous étions en train de discuter sur les visites que Jeongguk avait faites lorsque mes yeux avaient happé un petit stand où un japonais semblait vendre des petites babioles. Alors, j'avais emmené le brunet avec moi par pure curiosité vers l'emplacement. Mes pupilles se posaient un peu partout jusqu'à ce que mon regard se bloque sur un cadenas, où deux oiseaux en origami plastifiés pendouillaient. Sans réfléchir plus longtemps, je l'avais pris et payé sans que Jeongguk ne remarque quoi que ce soit. J'avais le symbole idéal pour marquer cette journée si j'avais une réponse favorable à ma déclaration, dans le cas contraire, j'aurais eu un beau souvenir de lui.

— Tu n'es pas trop fatigué ? avais-je demandé, malgré l'heure avancée de l'après-midi.

— Non, ça va hyung. Tu l'es ?

— Jamais quand je suis avec toi.

Jeongguk avait baissé la tête et si ma vue ne m'avait pas joué des tours, alors les joues de mon génie avaient bien viré au rouge. J'avais souri en me rendant compte de l'effet que mes mots avaient sur lui et cela ravissait mon cœur, cependant, ce dernier avait commencé à vibrer dans ma poitrine lorsque nous avions atteint l'endroit que je voulais : le pont des amoureux.

Suji m'avait raconté que les couples venaient sceller leur union à travers un cadenas. J'avais trouvé ça un peu cliché, mais à présent que j'avais un de ces objets dans ma poche de manteau, je comprenais le réel sens de ce geste, aussi niais qu'il pouvait l'être. J'avais recherché un coin où il n'y avait pas trop de cadenas, puis lorsque j'avais fini par le dénicher, j'avais accéléré notre marche par peur qu'on nous prenne la place.

— Où est-ce que l'on est ? avait demandé Guk, les yeux admiratifs.

— Suji m'a dit que ça s'appelait le pont des amoureux. 

Jeongguk s'était arrêté net, ne souhaitant pas faire un pas de plus.

— Pourquoi on est ici ?

Je les voyais, ses émotions qui l'assaillaient. Je percevais son trouble, ses pensées qui s'emmêlaient. Était-il prêt à entendre ce que j'avais à lui dire ? Est-ce qu'il le voulait seulement ? Je n'en savais rien, mais je devais tenter le coup. Alors, tendrement et sans le brusquer, j'avais glissé mes mains dans les siennes afin de les serrer. Jeongguk avait relevé le regard vers moi, me toisant de ses yeux noirs à faire défaillir tout un monde.

—Je sais que tu n'aimes pas les émotions, que tu n'aimes pas lorsque tu n'as pas le contrôle, mais il faut que je te dise quelque chose, Gukkie, avais-je commencé d'une voix basse, pour que seul lui puisse m'entendre. Tu dois certainement te poser mille et une questions et je comprends tout à fait. Alors, je ne vais pas te faire attendre plus longtemps et te dire ce que j'ai sur le cœur depuis un long moment.

— Hyung...

— Non Gukkie, laisse-moi finir sinon je n'en aurais plus le courage. Voilà, je... tu me plais. Tu me plais au point de faire battre mon cœur comme un fou. Tu me plais au point que tu me manques terriblement lorsque je ne te vois pas pendant une semaine. J'ai envie d'être avec toi à chaque seconde de chaque minute que le temps me permet. Je t'aime Jeon Jeongguk, je t'aime toi et ta passion des origamis, je t'aime, et même si toi, tu ne m'aimes pas, alors ce n'est pas gr- 

Sa bouche s'était plaquée sur la mienne sans crier gare. Il était en train de faire ce que je lui avais dit trois jours auparavant, lorsque nous étions encore à Séoul. Ses lèvres douces comme une pluie d'été s'étaient emmêlées à mes lippes à l'image de nos doigts. Et quand mon cœur avait menacé de quitter ma cage thoracique, Jeongguk s'était écarté pour me faire face.

— Hyung, tu parles trop. J'ai compris que tu m'aimais.

— Et toi Gukkie ? Si ce n'est pas le cas, je ne t'en voudrais pas, avais-je promis en souriant.

— Joonie hyung, si je t'embrasse ce n'est pas que pour te faire taire, c'est aussi pour te dire que moi aussi, je t'aime. 

J'avais ouvert la bouche, m'apprêtant à répondre lorsque mon brunet avait scellé de nouveau nos lèvres dans un baiser tendre et plein de promesses. Quand il avait décollé sa bouche de la mienne, je l'avais un peu repoussé et avais sorti le cadenas sur lequel les deux oiseaux en origami nous épiaient.

— Tu l'accroches ? avais-je proposé à mon vis-à-vis.

— Quand est-ce que tu l'as pris ?

— Au stand du japonais. Alors, tu le fais ou je m'en charge ?

— Je le fais. Sans vouloir te vexer, hyung, t'as deux mains gauches.

Outré, j'avais feint une mine vexée qui n'avait reçu aucune réaction de la part de mon génie. Abandonnant alors mon jeu pourri d'acteur, j'avais donné le cadenas à Jeongguk et celui-ci l'avait refermé sur le grillage en fer du pont.

— Et maintenant ? On fait quoi ? Il nous reste encore du temps avant le retour à l'hôtel.

— Bah je ne pensais pas que t'allais retourner mes sentiments, du coup j'avais prévu d'aller me saouler. Mais, comme ce n'est pas le cas, on peut faire ce que tu as envie.

— C'est vrai ? Parce que j'ai vu qu'il y avait une expo sur l'ère scientifique de la France !

— Alors allons-y ! 

⏹️

Mon histoire d'amour avec Jeon Jeongguk a duré deux ans. Deux ans de pur bonheur, de pur plaisir et de purs souvenirs mémorables. Nous nous sommes quittés pour nos divergences professionnelles, lui étant parti s'installer à Los Angeles, tandis que moi j'étais retourné vers mes racines à Ilsan. Et jusqu'à maintenant, ce petit brun fou d'origami est ma plus belle histoire d'amour. Parfois, lorsque la pluie tombe dehors, lorsque l'orage éclate, je me souviens de lui et de notre première rencontre officielle.

Nos sentiments amoureux se sont envolés, notre relation s'est effacée avec le temps, mais quelque part en France, se trouve un petit cadenas avec deux oiseaux en papier plastifié, cet objet est le dernier vestige de notre aventure et peut-être qu'un jour, on finira par se retrouver à ce même endroit.

FIN


꒰ 𓅫 ꒱

Je voulais écrire un dernier petit mot pour mon joli rayon de soleil surnommé Forlasass.

Tu m'as beaucoup inspirée et tu continues encore de le faire. Tu n'as pas idée à quel point c'est un bonheur pour moi de t'avoir rencontrée, de t'avoir pour amie et si un jour, on nous le permet, j'espère pouvoir te rencontrer et te serrer fort dans mes bras. Tu es une personne géniale et foncièrement gentille, tu mérites tellement d'être heureuse et je te souhaite que le meilleur.

you're like a dream to me
because when I read your words
it's like I'm reading the story of the stars.

Merci à tous d'avoir lu jusqu'ici. Merci encore au plus merveilleux des oursons Astelya0o1 de m'avoir aidée à corriger cet écrit ❤️

© 𝒕𝒂𝒆𝒎𝒐𝒕𝒔

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