JOUR 5 : MONTAGNES RUSSES (ou : ça marche aussi émotionnellement parlant)

    PETIT A petit, je sentais le jour de mon départ se rapprocher. Mes parents avaient insisté pour prendre un petit-déjeuner commun et je ne pouvais pas leur reprocher ça. Pour une fois, ils ne se montraient pas trop intrusifs, je pouvais donc leur accorder un peu de temps.

     Ma mère avait bien bronzé : elle avait les bras orange et les épaules blanches. Mon père ne s'était pas rasé; ils avaient tout les deux l'air plus détendus. Peut-être que ces vacances en amoureux improvisées leur faisaient du bien.

    Ma mère avait insisté pour nous emmener au café, un peu plus chic que celui où je rejoignais ma bande habituellement.

    "Alors, Jade, comment se passent tes vacances ? demanda-t-elle avec un ton de reproches."

     Elle m'accusait clairement de ne pas passer assez de temps avec eux malgré tout. Je ne pouvais pas lui en vouloir : moi qui avait toujours passé mon temps fourrée dans les plis de sa jupe, voilà que je m'émancipais d'un seul coup.

     "Plutôt bien.

      - Tu t'es fait des amis, non ? Il y a des garçons ?

     - Oui, soupirais-je."

     J'avais beau essayer de changer de sujet comme je le pourrais, elle reviendrait inlassablement sur ce mot. Garçon.

     C'était épuisant. Déjà que Raphaëlle et Violette n'avaient que ce mot à la bouche, je n'avais pas besoin de ma mère.

    "Ils ont quinze ans, ajoutais-je en me mâchouillant mon pancake. C'est comme si j'avais des petits frères.

    - Ah-hin, répondit ma mère en haussant le sourcil.

     - On est contents que tu t'amuses, Jadou, renchérit mon père. N'oublie pas de faire tes valises, quand même, on part demain soir."

     Ca me frappa d'un coup : parce que le lendemain sera le jour des adieux larmoyants. Ou alors ils allaient s'en moquer, happer une autre touriste et s'y attacher pendant une semaine avant de la lâcher, tout comme ils l'avaient fait avec moi.

    Mon pancake se coinça dans ma gorge et je commençais à m'étouffer avec.

    Décidément, je n'étais pas très douée.

    Je bus une grande gorgée de jus de fruit pour apaiser ma gorge en feu pendant que mes parents riaient.

     Je passais le reste de la matinée avec eux, à flâner dans les rues, traîner dans les boutiques souvenirs un peu niaises et j'eus même la chance d'acquérir un magnet "à coller sur le frigo de mon appart' à Toulouse".

    Puis, je laissais mes parents qui allaient faire un mini-golf pour rejoindre la petite bande qui pique-niquait dans les parcs. Violette et Antonin squattaient les balançoires en dévorant leurs sandwichs à pleines dents, Raphaëlle décidait de la musique à mettre et Victor décrétait qu'il n'allait rien manger parce qu'il allait tout vomir dans les grands huit.

    "En espérant pas croiser trop de gens, se plaignit Raphaëlle."

     Tout le monde - même moi - avait compris que par gens elle entendait Mathilda. Il y eut quelques petits sourires gênés.

      "Espère pas trop, Raph, c'est l'attraction de l'été ce parc, l'informa Siméon.

     - Déjà, c'est un miracle qu'on ai pas vu trop de monde en ce moment.

     - Peut-être qu'elle est en vacances, rêvassa Raphaëlle, le nez planté vers les nuages.

     - Nop, elle met des photos de Saint-Palais en story sur insta, l'informa Violette.

     - Depuis quand tu la suis sur Insta ? lui reprocha Raphaëlle."

     Violette esquissa une moue désolée.

      "Elle n'a jamais été méchante avec moi."

     Raphaëlle leva les yeux au ciel mais ne put rien lui reprocher. Après tout, Violette pouvait bien faire ce qu'elle voulait.

    Nous nous dirigeâmes vers le parc d'attraction; tout le monde était content d'y aller. Tous souriaient, un peu fébriles.

     Il y avait cette ambiance propre aux fêtes foraines : les odeurs de friture, les cris, la musique, les couleurs. J'étais contente d'y retourner, de replonger dans cet atmosphère joyeux.

    Antonin et Siméon insistèrent pour nous traîner au train fantôme. Le prix à payer pour voir quelques bouts de cartons peints en espérant ressembler à un squelette me fit sérieusement tiquer. Finalement, les deux garçons entrèrent tout seuls, protestant que nous n'étions pas drôles.

    "T'as changée depuis que t'es majeure, Jade, me héla Siméon avant d'entrer dans l'attraction."

    Raphaëlle fit la moue et se paya une barbe à papa en contrepartie.

    Ils revinrent, pas effrayés pour un sou, assurant que c'était génial et qu'on avait loupé quelque chose de terrible.

     Le principe d'une maison hantée étant de faire peur, à voir leurs mines réjouies, je doutais de la véracité de leurs propos.

     Nous fîmes quelques attractions avant de tourner dans le parc à la recherche de quoi faire. Violette voulait nous prendre en photo sous le miroir déformant, Antonin voulait gagner une peluche pour son amie et Raphaëlle s'était cachée derrière un poteau.

     Je tournais les yeux en direction de son regard apeuré.

     Une grande blonde marchait, accompagnée de deux autres filles. Elle avait coincé une paire de lunettes de soleil dans ses cheveux parfaits et marchait avec confiance, le menton levé. Elle dégageait un véritable charisme et je reconnus immédiatement son visage que je n'avais vu qu'en photo. C'était Mathilda.

    Evidemment.

    La blonde sentit qu'un regard pesait lourdement sur elle et se dirigea vers nous. Raphaëlle, pour garder la face, sortit de sa cachette et passa les bras autour des épaules de Victor, comme si son copain avait finalement de l'intérêt.

    "Salut, Violette, chantonna une voix."

    Elle avait un timbre enjoué presque trop faux.

    Mathilda s'était arrêtée vers nous et nous regardait, le menton haut, plein de mépris. Ses yeux se posèrent sur Raphaëlle et ses sourcils se haussèrent instantanément de dédain.

     "Alors, Raph, on sort son gigolo ?"

    Les deux filles derrière Mathilda avaient l'air gênées. Il y avait de quoi. La situation était embarrassante pour tout le monde, sauf pour la blonde, visiblement.

    "On reste pas plus longtemps, voir ta tête m'a pas manqué, Cronemberg."

    Elle ponctua sa remarque d'un petit sourire moqueur pendant que Raphaëlle virait au rouge chapiteau.

    Pourtant, quand Mathilda s'éloigna et que tout les regards se détournèrent d'elle, je ne pus m'empêcher de remarquer que la blonde se retourna pour couler un regard en douce à Raphaëlle.

    "Quel poison, grommela Raphaëlle, les joues en feu.

     - T'inquiète, elle est juste jalouse de te voir t'amuser, la rassura Victor. Elle veut te gâcher ton aprem parce qu'elle s'ennuie à mort.

    - Bin c'est réussi, s'énerva la brune. Putain quelle garce."

     Son copain passa la main autour de son épaule et lui embrassa la joue. Ses traits énervés se décrispèrent un peu pour faire place à un regard triste.

    "Venez, on fait un tour de ce super grand huit, proposa Antonin pour détendre l'atmosphère. Il a l'air génial.

    - Je te suis ! approuva illico Violette."

    Ils poussèrent tous Raphaëlle vers les grandes montagnes russes qui la terrorisaient. Elle n'eut même pas le courage de protester. En revanche, je n'en menais pas large et fut tentée de disparaître derrière la foule. Ou m'inviter avec des gens. Par exemple ce duo d'amis en sweat malgré la chaleur. Le garçon avait l'air gentil. Et la blonde qui l'accompagnait, au jean qui tombait en pièces, n'avait pas l'air méchante non plus.

    Siméon m'attrapa le bras en me fixant :

    "Hop hop hop tu viens avec moi.

     - Où ça ? demandais-je sans comprendre.

    - Bah, faire l'attraction. Je vais m'asseoir à côté de toi pour être sûr que tu t'échappes pas.

    - Tu me fais pas confiance ? protestais-je, vexée.

    - Non."

    Il éclata de rire face à ma mine boudeuse.

    "T'as bien raison, capitulais-je. Je me serais enfuie.

    - Ah, tu vois !"

    Je soupirais à outrance et il ne lâcha pas mon bras tant que nous n'étions pas ratatinés sur ce siège. La ceinture était beaucoup trop serrée et j'avais l'impression d'étouffer. Siméon semblait se moquer de la tête que je tirais.

    "T'as jamais été à Disneyland ou quoi?

    - Si mais j'aime pas ce truc est trop serré j'ai l'impression que mon corps va se casser en deux.

     - Dis toi que tu vas mourir un jour d'été avec tes potes dans un parc d'attraction et qu'il y a pire comme circonstance de mort, ça ira mieux."

    Je le regardai gravement.

    "Ca t'arrive de dire des trucs positifs dans la vie ?

    - Euh...ça va être fun ?"

    Et, en effet, ce le fut. Même si j'avais passé mon temps à vider mes poumons tant je criais, j'avais énormément ri en sortant.

    Nous nous étions ensuite posés dans le parc, avec des chips et des sandwichs et deux packs de bières que je pouvais à présent acheter. Antonin s'occupait à râler de la musique que Raphaëlle mettait, Violette le regardait méchamment et Victor tentait un "on pourrait pas mettre un truc un peu plus...je sais pas..." pour qu'Antonin intervienne "moins Einaudi, merde, on est pas dans un film".

    Violette traînait sur les réseaux en commentant "eh, vous savez que Joséphine est en soirée avec Mathilda. Y'a même Anne !" ce qui me fit hausser un sourcil. Comment voulaient-elles que je suive leurs histoires si elles ajoutaient des nouveaux noms chaque jour.

    "Anne ? Tu veux dire la fille dont on a jamais entendu la voix ? Genre ?

    - Ouais, elle est pote avec Jo'. C'est fou."

    Elles continuèrent à parler un peu, puis les sujets varièrent. Siméon regardait des vidéos drôles que je lorgnais par dessus son épaule. Des fois je riais, des fois je ne les trouvais pas vraiment drôles.

    Cela dit, la bière les rendait plus drôles.

    Ce qui était moins drôle, c'était le message qu'il avait reçu. Maëlys. Je ne pus pas tout lire parce qu'il avait repoussé la notification, mais Violette vit la tête que je tirais et chipa le téléphone de Siméon.

    "C'est Maë ? demanda-t-elle, grinçante.

    - Oui ?

    - Mais rompez, bon sang !"

    Il se mordit la lèvre. Une part de lui en avait envie, sûrement.

    "Va-y, si tu veux, capitula-t-il, fatigué de toutes ces remarques."

    Il se servit une autre bière pendant que Violette pianotait sur le téléphone de son ami, un sourire satisfait aux lèvres.

    "Et de rien ! J'y ai été tout en douceur."

    Connaissant Violette, tout en douceur signifiait simplement "je ne l'ai pas insultée".

    Mais ça semblait convenir.

    Lorsqu'il fut temps de rentrer pour que je puisse faire mes affaires, Siméon, comme d'habitude, s'attela à la tâche de me raccompagner.

    Je le regardai, les bras croisés, un peu gênée. Il avait les mains dans les poches et l'air embarrassé.

    "Dis, Jade..."

    J'haussais un sourcil en le voyant passer une mèche de ses cheveux derrière son oreille.

     "Est-ce que ça te dérange si je t'embrasse ou... c'est pas parce que j'ai rompu ou quoi c'est juste que t'es mignonne et j'ai envie de t'embrasser mais si tu veux pas...

    - Tu peux."

    Il a souri et il m'a embrassée. Ca ne promettait rien : ni future relation, ni d'autres baisers. Simplement que dans l'instant, je lui plaisait assez pour qu'il veuille m'embrasser.

    Et quand je fermais les yeux, la chaleur de ses lèvres sur les miennes et la chaleur de l'air sur ma peau, je me sentais bien.

that's why i didn't like the book.

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