JOUR 3 : DES GARCONS (ou : des commérages ordinaires)

LORSQUE JE me levais ce matin, ce fut comme les autres matins. Pas de personne attendant devant ma porte pour me souhaiter mon anniversaire. Ma mère avait bien pointé le bout de son nez, me demandant si j'avais besoin de crème solaire. Avant de repartir, elle s'était écriée "oh, et joyeux anniversaire chérie. Restau' ensembles, ce soir ?" que j'avais décliné.

Mon reflet n'avait pas changé. J'avais toujours ces cheveux plats, ces tâches de rousseur qui rendaient l'action de bronzage dramatique et même un coup de soleil sur l'épaule. Mes traits n'avaient pas vieilli en une nuit.

Pour l'occasion, je maquillais mes paupières, chose que je ne faisais jamais d'habitude.

Violette m'avait envoyé un message, me proposant de la retrouver au parc.

Lorsque je retrouvais péniblement ce parc, je trouvais la brune, assise sur une balançoire, un Tupperware sur les genoux.

"Joyeux anniversaire Jade, s'exclama-t-elle en souriant. Alors, ça fait quoi d'être majeure ?"

J'haussais les épaules. A part ce vague sentiment que quelque chose allait se produire ce soir, cette ridicule excitation qui me faisaient frissonner à l'idée d'être enfin libre et de pouvoir me délivrer du joug de ma mère, pas grand chose.

"Tu comptes te faire tatouer ?"

Je m'assis sur la balançoire voisine tandis qu'elle me tendit le Tupperware et une cuillère.

"Cadeau. J'espère que t'as pas pris le petit dej'."

La tornade brune était intarissable de questions : qu'est-ce que je comptais faire à Toulouse ? est-ce que je voulais à boire ce soir ? les tatouages, ma mère, ma relation avec l'alcool, tout ce qui intéressait les jeunes y passa.

"Tu sais, confessa Violette, au fond, je suis plutôt jalouse de Raph'.

- Mmh ?

- On sortait toutes les deux avec des mecs pas mal, qu'on aimait beaucoup. Tu veux une photo ? J'en ai sur mon téléphone, des photos de groupe.

- T'en as pas mise une sur Insta ?"

Elle me fixa avant d'éclater de rire.

"Toi aussi tu as stalké, je suppose."

Violette me tendit son téléphone pour me montrer la photo. Elle embrassait la joue d'un brun ni beau ni laid, avec un sourire plutôt mignon, pendant que Raphaëlle avait la hanche tenue par un garçon aux charmantes boucles brunes, qui semblait être une version plus canon de Victor.

"Sauf que Raph est passée à l'acte avec son copain. Et pas moi. Je veux dire, c'est pas sur ça que je complexe et que je suis jalouse, c'est juste que...elle, y'a toujours quelqu'un qui l'aime. Victor l'aime, Alex l'aimait. Et moi, je suis pas grand chose pour les garçons. Sûrement une fille un peu jolie et un peu conne."

Elle eut un faux sourire, de ceux qu'on se forçait à faire et qui ressemblaient à une grimace.

"Voilà. Donc en conclusion, Raph est cette fille géniale que tout le monde adore et qui a l'impression qu'elle n'est rien ni personne."

Je posais la main sur le genou de Violette.

"Si tu veux mon vécu, personne n'a jamais voulu sortir avec moi et mon premier baiser était à un jeu de la bouteille. Il avait les lèvres sèches, alors vraiment, c'était pas la meilleure expérience de ma vie.

- Et c'était quoi la meilleure expérience de ta vie ?

- Quand ma mère m'a laissé partir à Disney juste avec mes potes. Rigole pas, c'est très sérieux, ma mère est très protectrice. Et là, je me suis sentie libre, j'avais le droit d'acheter ce que je voulais, de dormir quand je voulais, de marcher où je voulais, je pouvais même embrasser qui je voulais sans qu'elle soit là pour pincer les lèvres."

Violette éclata de rire. Son rire était rafraîchissant : plus qu'une démonstration de mon humour, il était preuve que la jeune fille m'appréciait. Et c'était très agréable.

"Mes parents sont d'accord pour me laisser organiser une petite soirée ce soir. Quand je dis petite, c'est qu'on sera tout les six. Le frère de Raph peut éventuellement ramener des potes à lui, si tu veux choper des gens de ton âge.

- Non merci.

- De toute façon, je pense pas que le frère de l'ex de Raph soit bienvenu à cette soirée."

Elle me fit un clin d'oeil.

"Mais il faudrait quand même que t'expérimentes le baiser d'une autre manière que le jeu de la bouteille, tu penses pas ?

- J'ai tout mon temps pour embrasser les gens.

- Oooh, allez, ça peut être marrant ! Je vais trouver un mec, ce sera ton cavalier de la soirée, fais moi confiance.

- Violette je-."

L'adolescente posa son index sur les lèvres en m'intimant de me taire. Je n'osais rien ajouter.

Nous parlâmes encore un peu avant de rejoindre les autres. Siméon et Antonin discutaient dans leur coin, pendant que Raphaëlle et Victor roucoulaient.

"Ca sent les excuses, constata Violette, l'air satisfaite."

Elle s'installa à côté d'Antonin, me laissant une place près de Siméon. Ce dernier était en train de fumer une cigarette - je ne savais pas qu'il fumait. C'était loin de me surprendre, ou même de me décevoir. Pas qu'elle m'enthousiasme non plus. A dire vrai, elle me laissait pratiquement neutre.

"Tu t'es excusé, Anto ? demanda Violette en tournant la tête vers le blondinet.

- Bien obligé. Même si j'viens d'apprendre que si je m'étais pas excusé, c'était la fin de leur couple, donc je regrette un peu."

Violette éclata de rire.

"Bon, les gars, ce soir c'est la fête à la maison.

- Joyeux anniversaire ! s'exclamèrent les deux garçons qui venaient de se rappeler de l'heureux évènement.

- Je compte sur toi pour ne pas t'énerver, Anto."

Le blond leva les yeux au ciel, passablement énervé d'être le 'souffre-douleur' du groupe.

Nous nous installâmes à la plage dans la bonne humeur. Raphaëlle était partie patauger avec les garçons qui s'amusaient à la noyer et Violette restait étendue sur sa serviette à bronzer. Je bouquinais un peu, passionnée par la marquise de Merteuil. Siméon revint vers nous, dégoulinant d'eau, nous arrosant du bout des doigts.

"Je dormais ! protesta Violette en levant la tête. T'es con!"

Il esquissa un sourire moqueur avant d'essuyer vigoureusement sa tête avec sa serviette. Ses cheveux se dressaient sur sa tête comme s'il venait tout juste de sortir des Enfers.

"Vous faites les commères ?

- Pas du tout, je lis.

- T'es reloue, Jade, on est pas en fac de littérature.

- Excuse moi de vouloir avoir un minimum de culture, monsieur. Tu verras quand tu seras majeur.

- En attendant, on est là pour s'amuser. Et ce bouquin a pas l'air très amusant, rétorqua Siméon."

La voix de Violette s'éleva, un peu étouffée. La jeune fille avait enfoui sa tête entre ses bras avec la ferme intention de dormir.

"La ferme SimSim, bougonna-t-elle. Y'en a qui dorment.

- Viens te baigner avec nous !

- Qu'est-ce que tu comprends pas dans "j'ai mes règles et j'ai plus de tampons" ? grogna-t-elle."

Il n'eut même pas l'air dégoûté que je lui attendais.

"On va te jeter dans la mer à minuit. Le sacrifice de la vierge. Avec un peu de chance tu vas attirer les requins !

- Enfoiré."

Elle daigna leva la tête de ses bras et lui rabattit un petit coup sur le mollet.

"Et toi, Jade, tu viens pas te baigner ?

- Vi' et moi on est soeurs de sang.

- De vraies meilleures amies, vous avez vos règles en même temps, super goal, s'égosilla-t-il d'une voix aiguë.

- De quoi ? demanda Raphaëlle qui venait d'arriver."

Je me sentis gênée pour elle. J'avais une légère impression de lui voler sa meilleure amie.

"Et si on allait manger ? Je crève de faim ! intervint Antonin en s'enveloppant dans sa serviette Donald Duck."

Ils se séchèrent en pépiant et je dus me résoudre à ranger mon livre dans mon sac. Violette et Siméon s'assénaient des petits coups de serviette pendant que Raphaëlle s'efforçait de me faire la conversation.

La jeune fille avait l'air douce et attentionnée, le genre de personne heureuse qui ne ferait pas de mal à une mouche. Le genre de fille avec qui je m'entendais d'ordinaire.

Nous commandâmes des hamburgers et nuggets au fast-food du coin avant de nous asseoir à une table. Raphaëlle s'était installée à côté de moi, comptant poursuivre sa discussion sur le lycée, malgré le peu d'intérêt que j'y portais.

"Tu vas étudier quoi à Toulouse ? Je crois pas te l'avoir déjà demandé.

- Une licence de droit.

- Mais il doit y en avoir à Paris, non ? La Sorbonne ? T'as pas été prise ?

- J'ai une mère beaucoup trop protectrice pour ma vie étudiante. Je lui ait dit que c'était très bon pour moi de m'épanouir, elle a accepté. Je pensais jamais qu'elle le ferait, mais comme quoi..."

Raphaëlle fit la moue, l'air de comprendre ce qu'il se passait.

"M'en parle pas, soupira-t-elle. Ma mère était un peu surprotectrice quand mon frère est parti de chez moi. C'est passé, mais toi, ça doit être tendu.

- Pourquoi je pars, à ton avis ? Et puis, je déteste Paris. Toulouse va me faire du bien.

- J'en doute pas, sourit Raphaëlle en mordant à pleine dents dans son nugget plein de ketchup.

- Ew, Raph, tu sais qu'ils fabriquent ça avec des tendons de poulet et autres trucs pourris ?

- Oui, Violette, tu me l'as déjà dit quinze fois.

- Comment tu peux toujours manger un truc pareil ?"

Raphaëlle haussa les épaules et acheva d'engloutir son précieux nugget.

"Espèce de monstre ! protesta Violette."

Le reste du repas se passa dans la bonne humeur ambiante. A ma grande déception, les filles parlaient dans leurs coins, tout comme les garçons : après tout, c'était peut-être aussi une question d'âge et d'affinités.

Mais tout le monde semblait s'amuser et ne se sentait pas de côté.

A la fin du repas, Violette nous accapara Raphaëlle et moi, chacune par un bras. La brune souriait à pleines dents.

"Maintenant, je propose un après-midi shopping ! En plus, c'est encore les soldes.

- J'avais justement besoin d'une palette.

- Mais qu'est-ce que vous êtes clichées, intervint Siméon avec un rire.

- Excuse moi, monsieur, mais nous on a un minimum de goût vestimentaire et on met pas des bermudas à longueur de temps, riposta Violette, vexée.

- Et tu veux qu'on mette quoi, un pantalon, sous cette chaleur ?

- Tout sauf ton immonde bermuda kaki, Simsim."

Raphaëlle les fixait argumenter avec un sourire en coin. Siméon leva les yeux vers nous et déclara avec un clin d'oeil :

"Amusez vous bien les filles."

Je lui souris et Violette nous emporta, dans un tourbillon de bonne humeur. La jeune fille riait, dans une envolée de cheveux et ses boucles d'oreilles s'entrechoquaient.

"Ca drague fort entre toi et Simsim, remarqua Raphaëlle avant d'entrer dans une boutique.

- Tu parles. Il se passera rien entre lui et moi, rétorqua Violette.

- T'es sûre ? T'as l'air de bien lui plaire quand même, appuya la benjamine. Tiens, essaye ça.

- Non, c'est sûrement pas moi qui lui plaît le plus.

- Oui, je sais, c'est Maëlys. Oh !"

Raphaëlle s'arrêta net en me fixant.

"Mais tu ressembles un peu à Maë, Jade ! s'exclama Raphaëlle.

- Mais oui !

- Euh, je ne sais pas à quoi ressemble Maëlys.

- Un canon, soutint Raphaëlle. Bon, t'es plus châtain que blonde mais oui, ça me frappe maintenant. C'est clair que t'es le goût de SimSim.

- Comme si j'avais envie de me caser avec un mec."

Raphaëlle fit comme si elle n'avait rien entendu et chercha dans les cintres avec précipitation jusqu'à en tirer une robe à sequins.

"Tiens, je suis sûre que ça t'ira ! Oh, et on qu'à mettre un slow ce soir, on verra ce que ça donne.

- Euh, objection. J'ai aucune envie de danser avec Antonin, protesta Violette.

- On a qu'à inviter sa future copine ?

- Et moi alors ?

- Invite ton crush, écoute, soupira Raphaëlle en baissant littéralement les bras.

- Mon crush à savoir mon ex.

- De toute façon les slows c'est dépassé, intervins-je."

Les deux filles me regardèrent.

"Ouais, c'est pas faux.

- Mais t'as pas envie de sortir avec un mec, Jade ? insista Raphaëlle.

- Pas un 2001."

Violette haussa les épaules et l'harmonie qui régnait s'effrita. 2062

Cet atmosphère léger que je n'avais jamais ressenti avec mes amies auparavant. Ca nous arrivait de parler de garçons, mais je n'avais jamais eu de réelles amies. Juste des partenaires d'étude.

"J'aurais tout le temps pour pouvoir sortir avec un garçon, c'est pas une amourette de vacances qui me plaira, vous savez.

- Mais qu'elle est sage, commenta Violette. Tiens, je vais essayer ça. Vous partez pas sans moi, hein !"

Je passais l'après-midi dans les boutiques avec les filles. Nous avions fini par acheter des boissons que nous buvions en nous promenant sur le port, discutant de ma vie à Paris, leur vie à Saint-Palais, de parents et de danse. Raphaëlle expliquait tout avec une telle passion, des étoiles dans les yeux qu'elle me donnait presque envie d'enfiler une paire de pointes et de me produire sur scène.

Violette avait suivi Raphaëlle dans le mouvement mais semblait moins aimer ça que son amie.

Elles vinrent à aborder un point sensible, qui ternissait de nuages le regard étoilé de Raphaëlle.

"Je crois que Mathilda continue.

- Ce serait pas étonnant, c'est une des plus douées. Avec toi, ajouta Violette. Vous deux, vous êtes les meilleures du cours.

- Evidemment, grogna Raphaëlle, mécontente."

Elle crispa le poing, détruisant son verre en plastique, qu'elle jeta dans la première poubelle venue.

"C'est qui Mathilda ?

- La meilleure amie de Maëlys, tu sais, la copine de Siméon. Elle déteste Raphaëlle et arrête pas de se foutre de sa gueule.

- Pas qu'avec moi, ajouta Raphaëlle. Elle persécute une fille depuis qu'elles se connaissent. C'est vraiment une sale personne."

Violette approuva d'un coup de tête et je laissais perdurer la discussion sur cette blonde longiligne aux airs d'anges.

"Imaginez on la croise.

- Bah, elle peut rien nous faire, répondit Violette avec flegme. C'est dommage, son frère est super mignon.

- T'as déjà vu Anthony ?

- En photo."

Et les voilà reparties pour un tour, à jacasser d'un mec blond et mignon.

Garçon, comme si on n'avait que ce mot à la bouche.

"Je veux pas faire la rabat-joie mais je vais rentrer me préparer, intervins-je.

- Tu rigoles ? Venez vous préparer chez moi !

- Je..."

Violette m'attrapa le bras comme pour m'empêcher de m'échapper.

"J'ai une super palette, crois moi tu seras la belle gosse de la soirée grâce à moi.

- Oh, tu m'en vois ravie, grognais-je.

- Jade ! S'teuplaît ! supplia-t-elle, répétant en boucle le s'teuplaît comme un enfant capricieux.

- Je sais faire le meilleur trait de liner de cette ville, ajouta Raphaëlle en éclatant de rire. Allez, viens avec nous.

- Sans offense, Raph, le liner de Mathilda est cent fois meilleur que le tien."

Raphaëlle fit semblant de s'offusquer et se mit à chatouiller Violette, qui se tordit, gigotant comme un ver au bout d'un fil de pêche. Elle finit les joues trempées de larmes de rire, tassée sur elle même, à la supplier de s'arrêter. Je regardais la scène avec un sourire, sans participer.

C'était donc à ça que ça ressemblait, une vraie amitié.

Violette se releva, passa son bras autour de mon épaule et me guida jusqu'à chez elle, en continuant de pépier sur des multitudes de choses de la vie, accompagnée par Raphaëlle.

encore un chapitre non satisfaisant bref jvais arrêter de me plaindre 🤠🤠
bon début de semaine à vous <33

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