JOUR 1 : SAINT PALAIS (ou : les meilleures vacances de sa vie)

   DURANT L'ETE, j'avais l'habitude de partir loin, m'enfoncer quelques heures dans le siège de l'avion, pelotonnée dans le duvet à pinailler le plateau repas.

   Pas cette année là.

   Mes parents m'avaient prévenu : le changement de travail de ma mère allait nous faire changer de budget.

   Mais de là à s'isoler à Royan...c'était ça ou la lourde pollution de Paris. Je préférais Royan, mais d'un chouïa.

   Je chassais ces pensées de mon esprit et me tournais sur le ventre pour lire plus confortablement. A cet instant, une bande passa à côté de moi en piaillant. L'un d'eux pavanait si bien qu'il trébucha sur mes jambes tendues dans le sable.

   "Ca va ? s'affola une fille en se précipitant vers son ami les genoux dans le sable.

   - Moi oui, grogna-t-il en se relevant. Toi, ça va ?"

   Un silence plana.

   "Moi ? demandais-je finalement, me tournant sur le dos.

   - Bin, oui, je t'ai pas fait mal ?

   - Je suis en pleine forme je peux même nager la brasse."

   Une fille sourit en s'asseyant à côté de moi.

   "T'es une touriste ? Je t'ai jamais vue dans le coin.

   - Tu dis ça parce que tu l'as jamais vue ou parce qu'elle est blanche comme les chaussettes de Raphaëlle ?

   - Oui, je suis une touriste.

   - Cool, s'enthousiasma la fille en me tendant la main. Moi c'est Violette. Je ne suis pas une touriste.

   - Jade. De Paris."

   Violette avait des yeux bleus en amande, des cheveux châtains ondulés et un joli collier qui pendait à son cou. Elle avait l'air gentille et avenante. Son amie à côté d'elle, plus discrète, semblait plus douce.

   "Et moi Raphaëlle, ajouta l'amie en question.

   - Victor. Le copain de Raph, se présenta un brun aux cheveux bouclés et au nez légèrement crochu.

   - Antonin, fit à son tour un freluquet aux reflets blonds.

   - Et moi c'est Siméon, conclut celui qui m'était tombé dessus."

   Des mèches châtains en bataille et un regard perçant. Il se mit à sourire d'un petit air narquois avant de demander :

   "Alors, Jade, qu'est-ce que tu viens faire à Saint-Palais sur Mer ? T'as vu le nombre d'activités à faire ici et tu t'es précipitée ?

   - Mes parents, grognais-je. Ils ont dit que c'était très joli.

   - C'est pas faux, concéda Violette en haussant les épaules. Mais y'a vraiment rien à faire ici.

   - T'exagère, Vi, y'a quand même pas mal de cafés et de bars ouverts. Et il va y avoir la fête foraine.

   - Elle vit à Paris, insista la brunette. Une fête foraine, quand on a Disney à côté, sérieusement ? Ah, si, le point positif c'est que tu vas dépenser beaucoup moins cher dans la boisson. Généralement on se fait des petites soirées avec des bières dans le parc. Ca te tente ? Pour que tu te fasses pas trop chier cet été."

   L'adolescente me décocha un joli sourire.

   "De toute façon, c'est pas comme si je pouvais refuser, c'est toujours mieux que ce que j'avais prévu. A savoir, lire l'intégrale des livres que j'avais emmené dans la valise.

   - Super, s'égosilla Violette."

   Les quatre autres me sourirent, l'air de dire qu'ils m'acceptaient dans leur groupe.

   "Du coup, vous avez prévu quoi, là ?

   - On va se baigner et aller prendre un smoothie au bar quand on en aura marre."

   Je hochais la tête et les suivis dans leur trempette : avant de comprendre pourquoi je n'avais pas tenté de me baigner avant.

   Je lâchais un petit cri strident et refusais de faire un pas de plus dans cette eau si froide ; celle-là même dans laquelle ils évoluaient paisiblement comme si c'était un bain.

   "Allez hop la parisienne, pas de chichi."

   Siméon me poussa directement à l'eau. Je sentis le froid rentrer dans chacune de mes pores et me brûler la peau. Aussi me mis-je à glapir comme un pauvre loup sans défense.

   "C'est beaucoup trop froid, geignis-je. Vous vous baigniez dans des glaçons quand vous étiez petits ?

   - J'ai fréquenté Mathilda, c'est pareil, commenta Raphaëlle."

   Les autres éclatèrent de rire pendant que je restais à l'écart de la blague. A dire vrai, ça ne me dérangeait pas : je me gelais terriblement dans cette eau glacée et restais concentrée sur ça.

   Après quelques minutes, je m'étais habituée au froid de la mer et nous pûmes barboter dans les vagues comme si de rien n'était. Lorsque le sel commença à nous coller à la peau et que nos muscles nous tirâmes, nous sortîmes de l'eau.

   "Au fait, Jade, on t'a pas demandé quel âge t'avais, constata Antonin en s'enveloppant dans une serviette Donald.

   - Bientôt dix huit, et vous ?"

   Tous échangèrent un regard ébahi.

   "Moi j'ai seize, répondit Violette. Les autres ont quinze, sauf Antonin qui a quatorze.

   - Gênant, constatais-je, embarrassée.

   - Bah, on est pas plus gamins qu'un autre, si ? Raph, ton frère est pas là ?

   - Non, il est avec ses potes, soupira Raphaëlle en se blottissant dans sa serviette.

   - Mais non ça va le faire, pas vrai Jade ? Dix sept, quinze, c'est quoi la différence ? assura Siméon."

   Je haussais les épaules. Ca pouvait se tenter.

   "T'es majeure quand ? Ca paraît important comme question.

   - Je suis née le six.

   - Et on est le ?...suspendit Violette en regardant le téléphone dans son sac."

   Elle fronça le nez avant d'ajouter :

   "Le quatre ? Mais c'est dans pas longtemps ! Alors là oui tu restes avec nous on va te faire un super anniversaire. Je suis une pro de l'organisation des anniversaires.

- C'est super faux, elle est nulle.

- Raph! protesta Violette. Tu rages parce que l'anniversaire surprise de Maëlys était mieux.

- Qui est Maëlys ?

- Une pote. Elle est partie en Thaïlande, je la déteste.

- Je croyais que c'était New-York ?

- Je la déteste quoi qu'il arrive, lança dramatiquement Violette. Sérieusement, partir dans un endroit génial pendant qu'on est coincés à Saint-Palais et même pas nous emmener.

- Sa famille dépense tout dans les voyages. Ils ont une petite maison et achètent des choses juste par nécessité mais partent dès qu'ils peuvent, précisa Siméon à mon intention."

Ce qui était, pour moi, la meilleure manière de dépenser son argent ; à part dans l'investissement de livres. Livres et voyages. Et cocktails.

"Moi, l'été de mes dix huit ans, j'aimerais bien aller en Australie, rêva Raphaëlle.

- Et moi à Amsterdam, dit Siméon.

- Moi à Saint Palais, commentais-je amèrement."

Ils éclatèrent de rire.

"J'aimerais bien aller au Brésil, moi, pour mes dix huit ans, continua Violette.

- Moi aussi, m'étonnais-je. Ca a l'air tellement beau.

- On ira toutes les deux, alors, fit-elle avec un petit clin d'oeil."

Je lui serrais la main pour conclure notre faux accord. Je savais très bien que je ne reverrais jamais la petite bande une fois partie de Saint Palais. Autant en profiter.

*

La nuit, j'enfilais mon jean préféré avec un sweat du Hard Rock et une paire de baskets basses. Je ne savais pas où nous allions, mais Violette m'avait envoyé un message pour me dire que les températures de nuits étaient assez fraîches.

La jeune fille m'avait proposé de me retrouver devant ma chambre d'hôtel. Je la retrouvais facilement : ses longs cheveux châtains volaient au vent. Elle portait une jupe longue, une veste en jean et supposément des talons puisqu'elle était à deux doigts de poser son menton sur mon crâne.

"Désolée de t'avoir inclue comme ça mais je t'avoue que ma bande d'amis est pas au top en ce moment. Genre ma meilleure amie est avec son copain, du coup on traîne avec les potes de son copain mais je m'entends pas trop avec eux.

- T'inquiète pas, je peux pas me faire plus chier que si j'étais seule.

- Si tu veux le topo, Raph est un amour, Victor est gentil mais il pue la défaite, Antonin est chiant et Siméon est marrant mais...mais il est jeune quoi! Comme les autres."

Avec son maquillage sur les yeux on aurait pu lui donner dix-sept ans facilement.

"Je sais que je suis jeune pour toi, et j'imagine pas ce que tu ressens avec les autres."

Son téléphone vibra dans ses mains.

"Allô ? Oui je suis avec Jade. Oui. Ok. D'accord on se retrouve là-bas. Oui j'ai bien entendu! Ta gueule Siméon. Oui j'arrive. A tout de suite. Non ! Putain il a raccroché.

- Qu'est-ce qu'il y a ?

- Il dit qu'on est de corvée bières. J'aime même pas boire avec eux. Je veux dire, est-ce que ça sert de boire des bières dans le parc ? Avec Victor qui tient à peine une demie-bière."

Plus je parlais avec la brune, plus je sentais qu'elle pouvait me plaire, amicalement parlant. L'air sans réelle prise de tête, marrant et un peu plus mature que les autres. Même physiquement, elle faisait plus âgée.

"Tant pis, je lui dirais qu'on a pas pu. Tu ne m'en veux pas ?

A dire vrai, pas spécialement. A Paris, je n'avais jamais été la plus invitée aux soirées. J'en avais fait quelques unes mais ma mère m'avait bien menacée : elle me ferait souffler un éthylotest pour savoir si j'avais bu. Je me contentais donc de jus de fruit dans mon coin. Parce que, bien évidemment, elle refusait que je dorme là-bas.

"Non, c'est bon, de toute façon je suis pas une grande buveuse.

- Mais tu vis à Paris! T'es sensée grandir avant tout le monde, là.

- C'est à cause de ma mère."

Elle crut comprendre que c'était un sujet épineux et n'ajouta rien.

"De toute façon, on est pas grands buveurs non plus. A part Siméon qui aime se mettre des caisses, on est plus esprit bon enfant. Sauf pour les occasions spéciales.

- Et toi, tu es en seconde, c'est ça?

- Ouais. Enfin, non. Je vais passer en première là. Première ES. J'espère que je vais être dans la même classe que Raph.

- J'espère aussi, alors."

Violette me sourit et commença à marcher. Les crissements du gravier sous son talon et l'atmosphère de la nuit d'été pesait sur nous. L'eau brillait, les adolescents et étudiants se réunissaient dans les bars et sur le port pour profiter de leur soirée ensembles. L'ambiance était douce, presque chaleureuse et réconfortante.

"Je déteste Saint-Palais. Mais là, dans ces moments là, j'adore vivre ici. L'ambiance est apaisante."

Elle retrouva la petite bande au parc : des canettes de soda et des boîtes à pizzas étaient posées sur l'herbe. Raphaëlle, appuyée à Victor, mangeait sa part à pleines dents. Antonin racontait des blagues et rigolait en crachant presque son coca pendant que Siméon mangeait avec appétit.

"Il en reste pour nous ? demanda Violette en se laissant tomber sur l'herbe.

- Je vous en ai gardé. Heureusement parce que Sim' allait vous la voler, soutint Victor en nous tendant une boîte.

- J'ai faim ! Je suis en pleine croissance, se justifia le garçon.

- Et Raph en mange pas mal aussi. T'as pris combien de parts, Raphaëlle ? appuya Antonin."

La jeune fille lui montra son majeur.

"Quatrième.

- Vous avez rien ? s'étonna Siméon en nous regardant, Violette et moi.

- Non, ils nous ont demandé notre carte d'identité, mentit la jeune brune. Déso SimSim, tu vas pas pouvoir te saouler à la bière."

Je crus déceler une pointe d'ironie dans ses propos. Sous le regard insistant de Siméon qui avait le visage luisant de gras et de chorizo, je réalisais que je n'avais pas encore commencé à manger.

"T'es pas anorexique, hein ?

- Comme si c'était le genre de trucs qui s'avouaient, ça, idiot, soupira Raphaëlle.

- Une chose est sûre c'est que toi tu seras jamais anorexique, Raph, vu comme tu manges!"

La jeune fille se mit à rire et ouvrit une canette pleine de calories, buvant dedans comme si c'était une fontaine de Jouvence.

En effet, on pouvait difficilement l'imaginer anorexique. Elle avait un peu de cuisses, un peu de hanches, un peu de tout, mais ça ne l'empêchait pas d'être jolie.

Mais l'anorexie, avant d'être physique, était surtout une maladie mentale et on ne pouvait jamais savoir.

"Bon, Jade, parle nous de toi!

- Arrête, Sim, c'est flippant ça, me défendit Violette."

La jeune fille me sourit. Décidément, je l'aimais bien.

"Comment ça se fait que t'aie bientôt dix huit ans ? T'as l'air tellement jeune.

- Je bois de l'eau de Jouvence.

- Et elle est drôle en plus, commenta Siméon. Antonin on t'a trouvé une nouvelle copine.

- Très drôle."

Le blondinet qui mâchouillait sa croûte faisait une tête de six pieds de long.

"Je suis bientôt en couple je te rappelle.

- Bientôt ne veut pas dire tout de suite. Tu peux encore te faire charmer par les blagues de Jade.

- Les blagues de Flo' sont aussi drôles."

Raphaëlle fit la moue.

"C'est même pas sûr qu'elle veuille sortir avec toi, Anto, ne prend pas trop la confiance.

- Est-ce que je t'ai parlé, toi, soupira-t-il."

Je haussais un sourcil : était-ce vraiment une façon de parler à un ami ? Certes, les amis se critiquaient, se charriaient et se dévalorisaient : mais ils ne se manquaient pas de respect.

Le reste du repas se finit dans la bonne humeur. Comme je ne faisais que bailler, je décidais de rentrer chez moi pour me dormir un bon coup et être en forme pour le lendemain.

"Je te raccompagne, s'imposa Siméon en se levant.

- C'est bon, je sais rentrer toute seule.

- On sait jamais qui tu peux croiser. Et puis c'est pas avec ces deux cons que tu vas pouvoir te défendre."

Je ne niais pas plus longtemps : ça partait d'un bon sentiment et ça pouvait m'aider.

Il se leva et fourra les mains dans la poche de son sweat, pendant que je serrais les bras autour de mon corps.

"Alors, t'as passé une bonne journée ?

- Plutôt, oui.

- T'inquiète, ils sont tous cools. Tu vas t'y faire.

- Y'a juste quelque chose qui m'a choqué."

La commissure de Siméon se leva, creusant une fossette.

"Laisse moi deviner. Comment Antonin a parlé à Raphaëlle. C'est pas compliqué, il la déteste.

- Super, quelle bonne ambiance.

- Honnêtement, on s'y fait. Antonin n'explosera jamais."

J'hochais la tête sans savoir quoi répondre. Le reste du trajet se fit dans le silence et les chants des insectes.

"Bon, on est arrivés. Je te laisse là. Bonne nuit.

- Bonne nuit, à demain, répondit Siméon gentiment en me faisant un petit signe de la main."

Une fois dans ma chambre, je me démaquillais et me débarrassais de mon jean pour me laisser tomber sur mon lit et fixer le plafond.

La semaine commençait bien.

jvous avoue que j'aime pas beaucoup ce chapitre (et même cette histoire en général lol lol lol) mais bon inspiré de faits réels (un peu)
sinon j'ai passé la journée à bosser vous pensiez me voir dire ça un jour oui moi non plus et le mieux c'est que j'y retourne haha

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