- XIX.

Statufié par la peur, TaeHyung sent la main froide de JungKook se poser dans la sienne et son corps se pencher vers le sien. Il murmure dans son oreille sans lâcher Jimin du regard, qui s'agite en face d'eux, le dos tourné :
« - Je vais l'immobiliser. Toi, tu cours dans les escaliers, tu ouvres la porte, tu t'échappes. Compris ? »

TaeHyung frémit, ravale sa nausée et tourne la tête. Le regard de l'autre est luisant d'adrénaline. Alors, il pose sa main sur son bras, la remonte sur son torse et sent dans sa paume les vibrations de son cœur. Il lui dit, de sa voix brisée qui ne veut pas le perdre :
« - JungKook, ne fais pas ça. On va trouver une autre solution. Il va te tuer si tu essayes de l'attaquer.
- C'est notre seule chance. Un de nous deux survivra.
- Mais je ne peux pas vivre sans toi. »

Il geint et le supplie, mais il sait. Il a compris, quelques temps après leur première rencontre, que JungKook était nourri de grandes valeurs et d'illusions, et que se sacrifier pour quelqu'un lui apportera la satisfaction de ne pas mourir en vain. Mais TaeHyung n'accepte pas qu'il meurt pour lui.

Parce qu'il l'aime. Et il lui dit, dans l'horreur d'une fin, dans les ténèbres, dans le désespoir et la peur, dans la honte aussi, celle de ne pas avoir su l'aimer avant. Il lui dit parce qu'il veut qu'il leur reste ça, à eux deux, ensemble.
Et sa main enlace son cou, et sa bouche effleure la sienne, et leurs lèvres s'unissent une seule fois, maladroites et apeurées, mais brûlantes et passionnées. C'est un baiser hors d'haleine, hors du temps, hors de tout sauf de l'amour qu'ils se portent.

Mais la réalité les rattrape, meurtrière et vorace.
Jimin s'est tourné et une lame luit dans la pénombre.

Dehors, le tonnerre semble vouloir déraciner la terre et l'emporter avec lui, tandis que les éclairs foudroient la mer et que le vent ravage le village. Les vitres claquent, frémissent, tremblent et se craquèlent ; elles semblent prêtes à exploser à la moindre secousse.
L'homme sourit, caresse sa joue avec la lame, crève sa peau tendre et récolte le sang. Il le boit, en recouvre ses lèvres, les observe de son regard de dément et hurle en crachant sa salive rougeâtre. Il court vers eux, le couteau dans sa main sanglante, et JungKook lui adresse un regard éloquent. Ses doigts tremblent. Sa peau pâlit. Il pousse TaeHyung dans les escaliers en pierre, lui crie de courir et frappe Jimin à la tempe.
Alors il court, il dévale les marches de granit, tentant d'être rapide malgré son corps de bois et sent la larme qui glisse sur sa peau de marbre. Un cri strident retentit, puis il est étouffé par les hurlements du vent. Son cœur roule hors de sa poitrine, et il l'écrase, le transperce, l'anéantit.

La porte est devant lui. Plus que quelques marches, et il sera dehors.

Pris d'un espoir fou qui perce à travers sa terreur, il saute jusqu'au sol et se précipite sur la porte en bois. Mais à l'instant où ses mains tremblantes attrapent la poignée de fer rouillée, quelqu'un se jette sur lui et plante une lame dans sa cuisse. Il s'effondre, hagard de douleur, et relève des yeux noyés de larmes dans ceux de Jimin.

Son visage est lacéré et couvert de sang, tandis que ses vêtements déchirés dévoilent son torse perforé par endroits, d'où s'exhibent des morceaux de chair en lambeaux. Le tonnerre résonne, un éclair illumine le ciel. Son corps est souligné par la brève lumière blanche, et TaeHyung se demande, dans une pensée futile, comment il peut encore tenir debout.
Jimin ne prend pas le temps d'essuyer le sang qui jonche sa peau que déjà il le force à se relever, usant d'une force inquiétante pour l'obliger à remonter les marches. Il enfonce dans son cou la pointe de sa lame, créant des sillons rougeâtres où l'hémoglobine se mélange à la chair. 

Lorsqu'ils arrivent au sommet, TaeHyung voit JungKook étendu au sol, une plaie béante sur le ventre. Ses yeux s'entrouvrent de quelques millièmes de centimètres quand il les entend monter. Puis, sa bouche tente de dire quelque chose, mais seul du sang coagulé en sort et il manque de s'étouffer.

Quand TaeHyung tente un mouvement vers lui, la lame de Jimin se fait plus insistante. Alors, tétanisé par la peur, il s'immobilise et contemple le corps de l'autre, allongé sur la pierre comme dans un cercueil. Jimin s'écarte de lui, fait quelques pas, se rapproche des vitres, s'arrête.

Le vent résonne, fracas continu qui emplit l'air et les esprits.

Jimin lève les bras, les maintient au dessus de sa tête pendant quelques secondes, plante le couteau au niveau de ses côtes, ferme les yeux.
Les premiers mots jaillissent de sa bouche en même temps que son sang, et dehors, la tempête grossit encore. Soudain, des oiseaux se jettent contre les vitres, parsèment le verre de tâches rouges et de plumes. Lorsqu'elles explosent, le vent s'engouffre à toute allure dans la petite pièce et Jimin chancelle. Son sang laisse une traînée sur la pierre gelée, au milieu des éclats de verre.

Face à lui, TaeHyung s'est agenouillé près de JungKook et caresse ses cheveux où sont logés des bouts transparents. Son teint est pâle comme la craie, ses yeux se révulsent sous ses paupières et il serre les dents sous la douleur de sa blessure. Les yeux ruisselants de larmes, il implore tout ce qu'il connait pour tenter de le sauver.

Mais lorsque Jimin pose sur eux un regard où brille la mort et que toute humanité a quitté, TaeHyung comprend que ses prières sont vaines. Les rafales de vent soulèvent ses cheveux quand il s'avance, faucon avide plongeant sur sa proie fébrile. Il récite la Bible, chaque verset résonnant encore plus fort que le précédent dans l'apocalypse.

Sa fureur démente est si grande que, d'un coup de talon, il écarte le corps de TaeHyung. Puis, les yeux écarquillés plantés dans les siens, il poignarde JungKook en plein cœur. Son sang chaud et poisseux gicle sur son visage, son cou et son torse, tandis qu'il ravage le corps allongé.

JungKook n'a lâché qu'un seul son étranglé avant de mourir.

Puis, Jimin se relève. Il s'avance, imperturbable, vers TaeHyung.

Rampant au sol, il essaye de s'enfuir dans les escaliers.

Le premier coup de couteau l'atteindra à la cheville.

Le deuxième frappera le muscle de sa cuisse,
presque au même endroit que son autre blessure.

Le troisième perforera l'os de sa hanche.

Le quatrième trouera son bassin, au dessus de son nombril.

Il mourra au cinquième, qui le transpercera juste sous le cœur.


Il ne verra ni son sourire,
ni les larmes dans ses yeux. 

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top