- XII.

Le souffle court, les yeux furieux, les sourcils froncés et le front luisant d'une sueur scintillante, JungKook n'est plus qu'un chaos mélangé de colère et de peur. Ses mains ancrées sur les épaules de TaeHyung le serrent tellement que ses phalanges sont blanches ; mais son angoisse est si noire qu'il fait nuit dans son esprit.

L'obscurité rend ses traits haineux, et dans sa confusion, TaeHyung prend peur. Alors il se débat, tente de fuir, de s'échapper de cet homme qu'il ne reconnait pas. Mais l'autre l'enserre dans ses griffes, le plaque contre son torse pour se soustraire à sa fuite.

Entre ses bras, il inspire son odeur et son étreinte gagne un peu de douceur.
Il dit dans le silence retrouvé :

« - J'ai eu très peur, TaeHyung. Quand je suis passé te voir pour te dire de manger quelque chose, tu n'étais plus là. Je ne savais pas où tu étais, alors que quelques heures avant tu tremblais tellement tu semblais malade. »

TaeHyung a arrêté de tenter de s'arracher à son corps. Il respire calmement, le front appuyé contre la poitrine de JungKook, entendant les battements erratiques de son cœur. Il s'excuse d'une voix faible. Plusieurs fois, pour être sûr que l'autre comprenne.

Quand il sent la main granuleuse caresser doucement ses cheveux humides, il ferme les yeux. Ils restent ainsi, enlacés dans la nuit, jusqu'à ce que l'un se détache, prenne la main de l'autre et le ramène à l'intérieur. La lune les précède quand TaeHyung s'allonge dans son lit et que JungKook refuse de le laisser seul.

« - Tu es beaucoup trop imprévisible  pour ton propre bien. »

TaeHyung ne répond pas, pose sa main sur la sienne sous les draps. Il sent leurs cœurs battre entre leurs paumes collées. Il s'endort quelques minutes après, la tiédeur de l'autre contre son corps engourdi.

En se réveillant, le lendemain matin, il est seul. Sa fièvre a baissé, et garde des souvenirs flous de sa soirée. Il note mentalement de voir JungKook pour éclaircir certains mystères qui subsistent. Il se souvient par bribes des éléments de la soirée, et sans qu'il ne parvienne à se rappeler, deux yeux luisant dans les ténèbres le hantent.

Après s'être habillé, il descend de son étage, cherche Jimin pendant de longues minutes puis finit par le trouver dehors face à l'équipe de tournage. Il lui sourit d'un regard et lui fait signe de l'attendre. Alors TaeHyung patiente, adossé à un arbre.
Frissonnant dans sa veste bleue, son ami le rejoint en trottinant et l'inspecte d'un œil attentif.

« - T'as meilleure mine, aujourd'hui.

- Je pense que je suis guéri.

- Tant mieux, t'avais l'air d'un cadavre hier. »

Une femme marche et elle tient un briquet dans ses mains et  ses yeux le regardent et ses yeux ses grands yeux vides et ouverts sur la mort et ses yeux blancs le voient.

Les doigts de Jimin s'agitent devant son visage et il se tourne vers lui en secouant la tête.

« - Excuse-moi, j'ai eu une petite nuit. »

Son ami lui lance un sourire complice et chuchote, bien qu'ils soient à l'écart :

« - J'ai vu JungKook sortir de ta chambre, à l'aube.

- Ne me regarde pas comme ça, Jimin, y'a rien entre nous.

- A d'autres. »

TaeHyung hausse les épaules, il connait sa persévérance. Peut-être qu'au fond, ça ne le dérangerait pas tant que ça qu'il se passe quelque chose avec le plus jeune. Jimin attire son attention en désignant le groupe qui s'active à quelques mètres d'eux.

« - On a tourné la scène de la forêt hier, pendant ta convalescence. Il nous reste celle du phare que je voudrais avoir absolument, mais ça risque de prendre encore un peu de temps. J'essaye de convaincre les habitants, mais ils sont encore réfractaires.

- Peut-être qu'on devrait abandonner l'idée du phare, tu ne crois pas ? »

Le bruit des vagues est étouffé par des yeux brillants dans la nuit. Le métal est froid contre sa paume.

Jimin le regarde, ahuri.

« - Qu'est-ce qui te prend ? On ne lâche rien. J'y suis presque ! »

TaeHyung soupire, inspire, contemple les yeux écarquillés de l'autre, répond :

« - Tu n'y es pas presque, Jimin. Ses gens ne vont pas nous laisser tourner à l'intérieur. On peut trouver un substitut, je ne sais pas, une autre scène dans les montagnes.

- Le phare est indispensable. Le film repose sur lui.»

Il hausse encore les épaules, se détache du tronc, fixe les pupilles convaincues de son ami, renonce.

« Il était la parole de Dieu. »

Un regard perce son dos lorsqu'il marche jusqu'à l'équipe de tournage et demande à voir les nouvelles scènes.

Le lendemain, après avoir tout regardé, il reste figé sur une scène au détour d'un sentier. C'était une erreur de tournage, la caméra s'était surement déclenchée toute seule. On y voyait les arbres sous la voute couverte de nuages, quelques membres de l'équipe qui marchent, le visage de quelqu'un qui voit que la caméra s'est activée, et une main qui l'éteint.

La scène se finit à ce moment, mais juste avant, une seule seconde, il a vu quelque chose entre les arbres resserrés. Il contemple l'écran de son ordinateur sur pause.

Au fond, à côté d'un rocher grisâtre, une silhouette sombre d'homme se détache dans l'ombre.

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