Chapitre I : La Faille
Les légendes circulaient sur la Mort ; elle serait une simple étape que tout mortel franchissait un jour ou l'autre ; un fléau des dieux ou une entité à part entière... Personne ne savait vraiment qui elle était, ni où elle se trouvait, ni quelle apparence elle revêtait.
Un tas d'os, squelette sans chair, sans organes, aux couleurs délavées ? Ou, après tout, pourquoi pas un Spectre ?
Le visage de la Mort, orné d'un sourire triste, se dessinait sur la surface lisse d'un immense lac. Elle était allongée sur un rocher de cristal, son nez touchant presque l'eau, sa chevelure tel le plumage d'un corbeau s'éparpillant sur la surface. Et ses yeux, cœur de toutes âmes trépassées, parcouraient les milliards de cristaux qui scintillaient au fond ; ils reflétaient le mince filet de lumière qui venait du dehors.
Ces pierres, aux éclats surréalistes qui surpassaient ceux de toutes divinités, étaient des larmes ; celles des enfants, décédés avant l'heure.
La Mort ferma ses yeux, résignés au sort inéluctable qu'il se devait de donner aux mourants quand leur heure sonnait. Il posa ensuite son doigt sur l'eau, ce qui la troubla et permit la formation d'autres images que celles des pierreries.
Il vit alors l'impossible. L'impensable devenu réalité.
Ce qu'il voyait dans le lac était un ciel sans couleurs, sans lumière ni noirceur ; une partie de la toile qui surplombait le monde - qui désignait habituellement le jour ou la nuit - était vide de toutes lueurs indicatives par l'absence des Forgeurs.
Il semblait que cet endroit se divisait en deux, telle une déchirure ; et ce ne fut que quelques instants à peine après son apparition qu'une forme en sortit pour chuter vers la surface planétaire.
La Mort resta pantoise plusieurs secondes face à cette scène, perplexe quant à sa signification. Toutes visions transmises par la surface des eaux concernaient ceux qui allaient mourir dans la minute et qui appartenaient à une temporalité. Or, cette silhouette qui était apparue de nulle part était comme... Absente de toutes époques.
Comme si elle était en dehors du Temps lui-même ; ce qui était impossible.
Cependant, quand bien même ce qui était impensable se déroulait, la scène n'était pas censée apparaître dans le lac ! Même s'il était possible qu'elle pousse son dernier soupir à l'impact, il y avait encore d'innombrables données inconnues qui pourraient la sauver !
Si vraiment elle était sur le point de décéder, l'eau ne lui aurait montré la scène que quelques secondes avant l'impact, non pas des minutes avant ! Ou alors, un moment avant son décès, mais où il était possible pour la Mort de savoir ce qui allait causer cette dernière ! Parce que dans chaque projection, elle pouvait savoir la causalité !
Donc, forcément, quelque chose ne tournait pas rond.
Le mot Mort était désigné comme étant féminin ; cependant, elle était non pas une fille, mais un garçon, un démon qu'on croirait avoir huit ans à cause de son physique ; et après avoir cogité durant une panoplie de secondes à cause de cette scène, ce dernier se releva.
Une vague d'adrénaline le traversa de toutes parts, faisant battre son cœur à un rythme soutenu et irrégulier. Tous ses nerfs semblaient à vif et ses muscles contractés attendaient les ordres de son cerveau. Et une seule pensée le traversa alors ; il devait sauver cette personne sortie de la faille !
Le dieu de la Mort, Scorpius, déploya ses ailes. Ses deux pieds comme ancrés sur son rocher cristallin, il mit toutes ses forces dans son saut afin de se projeter vers la sortie de sa grotte.
Une fois dehors, les battements d'ailes de l'entité étaient aussi effrénés que ceux de son cœur.
Il paraissait aller aussi vite que le son, peut-être même qu'il atteignait voir surpassait la vitesse de la lumière.
Ce fut là qu'il l'aperçut, la forme chutant hors de la blessure de l'univers, prisonnière de la gravité planétaire. En un battement de plus, il fut à ses côtés et la saisissait dans ses bras. Ce fut seulement à ce moment-là que ses ailes, son cœur et son souffle se calmèrent ; la tempête qui semblait l'animer jusqu'à alors s'évapora.
Il eut alors tout le temps d'observer la silhouette qu'il avait sauvée.
Il s'agissait d'une petite fille, à la peau et aux cheveux aussi blancs l'un que l'autre, égalisant les cristaux de roches. Et quand Scorpius eut l'occasion de plonger ses yeux dans ceux que l'enfant avait ouverts, ce fut pour avoir le souffle coupé ; ils étaient comme deux sphères contenant tous les Esprits en leurs seins.
Lui avait les Âmes, elle avait les Esprits ; les trépassés n'ayant rejoint aucun autre royaume.
— Mais qui es-tu ?
La question resta suspendue dans le vide alors que les paupières de la petite se refermaient, la plongeant dans un profond sommeil. Et alors que Scorpius comptait partir afin de rejoindre Temporel, dieu du temps, pour lui demander s'il connaissait cette enfant ; il le vit non seulement surgir face à lui, mais aussi fixer la jeune fille avec un mélange de haine et de curiosité.
— Qui est-elle, Scorpius ? Qu'est cette chose sans temporalité ?!
Le dieu de la Mort ne sut quoi répondre ; sauf ouvrir la bouche pour la clore directement après, il ne savait que faire de la nouvelle qu'il venait d'apprendre. Ainsi, même le dieu du Temps ne savait rien de cette gamine venue de nulle part ? Comment était ce ne fut-ce que possible ?!
— Je sais que ta mère est une sadique, mais aux dernières nouvelles, tu n'es pas comme elle, alors réponds-moi !
Scorpius secoua sa tête afin de remettre ses idées en place. Ensuite, il commença à réfléchir à toute allure pour savoir que répondre à son grand-oncle. Il n'était pas connu pour sa gentillesse ni pour sa patience, car il connaissait toujours tout de ce qui allait se produire ou de ce qui s'était déjà produit donc il n'avait pas à tester cette qualité...
Qu'il ne sache rien d'une personne était aussi étonnant que terrifiant de l'avis de Scorpius ; car premièrement, qui était cette fille pour être inconnue même du Temps, et qu'est-ce que Temporel pourrait lui faire à cause de cette particularité atypique ?
— Je ne sais pas... Je pensais que tu saurais quelque chose...
Les yeux du dieu du Temps étaient fous.
Il ne savait rien et ça le plongeait dans une intense folie.
Scorpius déglutit. Qu'était-il censé faire ?
— Elle est hors du temps, comment aurais-je pu savoir quoique ce soit de cette chose !
Le cri de Temporel incarnait son ignorance et la haine que cette dernière engendrait ; il disait cela tout en pointant d'une de ses griffes le corps endormi de la petite fille.
— Donne-la-moi, petit Scorpion ! Je dois savoir ce que c'est !
Le dieu de la Mort avait l'impression que ses yeux étaient deux météorites tant ils avaient atteint la taille de ces dernières. Sa bouche, elle, paraissait être un trou noir tant elle était grande ouverte. Scorpius n'en croyait pas ses oreilles. Il savait que ce dieu était ténébreux, un sociopathe notoire, mais de là a traité une personne de chose !
— Il en hors de question avec les propos que tu viens de tenir ! Cette enfant n'est pas une chose, mais une personne ! Et je ne vais pas la laisser entre les mains d'un sociopathe qui ose la nommer ainsi !
Temporel avait les yeux encore plus fous qu'avant ; ce dieu de pacotille lui refusait ce qu'il voulait ?
Scorpius savait que ce regard était un avertissement et une menace, mais malgré le mauvais augure de son choix, il ne pouvait se résigner ; la Mort était peut-être plus faible que le Temps, mais là où ce dernier était solitaire, lui était soutenu par bon nombre de divinités !
Cependant, quand bien même il aurait lui aussi été solitaire, jamais il n'aurait volontairement placé la vie d'une enfant entre les mains de Temporel !
Il se serait battu jusqu'à l'épuisement total de ses forces, jusqu'à l'oubli même de son nom et des raisons de cette bataille, jusqu'à même sa mort s'il le fallait !
Il en faisait le serment ; lui vivant, le dieu du temps n'aurait jamais cette petite fille !
— Petit scorpion... Il ne me faut qu'une seconde pour te réduire en poussière, même moins... Alors, ne fais pas l'idiot et passe-moi ce truc !
Le dieu de la Mort recula d'un pas. Et malgré l'angoisse qui naissait et faisait vibrer son cœur, il secoua sa tête de droite à gauche afin de montrer son désaccord.
Il n'allait ni revenir sur ses paroles ni sur son serment.
— Tu es encore un enfant, petit scorpion... Un fils de Shaïnël, en plus de ça. Et j'aime plutôt bien ta mère, aussi chaotique que moi... Alors je te laisse une dernière chance...
La Mort serra plus fortement le tout petit corps qu'il tenait dans ses bras. Puis, il invoqua une centaine d'aigles dépourvus de tout sauf de leurs os ; les intimant de mettre en pièces son grand-oncle.
Cela fit rire Temporel qui ne fit que les réduire en un tas de poussières, d'un simple claquement de doigts.
— Donc, tu refuses ? Et tu penses que tu peux me vaincre avec cette attaque des plus minables ? Je suis déçu, petit Scorpion, moi qui te pensais plus puissant ! Sauf ça, que peux-tu faire ? Parce que bien sûr, tu ne peux pas me tuer, je suis hors du temps et donc de la Mort... En faîte, si tu ne sais rien faire de plus, ça ne va même pas être amusant de te réduire en cendres ! Et pourtant... Si tu ne me donnes pas la chose que tu tiens dans tes bras, c'est ce que je ferais !
Alors que Scorpius allait rétorquer qu'il pouvait faire bien plus, par exemple appeler la déesse de l'espace ; jumelle et pire ennemie de Temporel, une autre personne fit son apparition.
Elle avait une chevelure telles les dernières larmes des mourants. Ses yeux étaient un assemblage de derniers soupirs. Sa peau, pâle comme la Mort, ne donnait l'impression de n'abriter aucune once de vie. Et ses ailes, ses immenses ailes d'une envergure titanesque, avaient comme écailles ce qui paraissait être une myriade de cœurs encore battants...
— Temporel, mon cher dieu ténébreux du temps, puis-je savoir pourquoi j'ai senti mon fils effrayé... Alors qu'il était avec toi ?
La voix de la femme qui venait de faire irruption était mielleuse, elle était aussi douce que la surface d'une lame, mais aussi menaçante que ses côtés... Et son regard, il criblait l'entité de la temporalité de menaces.
— Ton fils, Shaïnël, porte dans ses bras une chose qui ne fait partie d'aucune temporalité. Je ne souhaite que savoir de quoi il s'agit.
Temporel observait avec amusement, tout en conservant les lueurs de folies valsant dans ses yeux, la Première Démone. Il n'était pas le moins du monde effrayé par cette dernière.
Shaïnël fit bifurquer son regard vers son septième fils, le Huitième Démon. Scorpius portait effectivement une forme dans ses bras, mais loin d'être une chose, il s'agissait d'une petite fille. Une enfant d'aucun temps... Que le temps lui-même ne connaissait pas.
En effet, c'était assez intrigant.
— Pourquoi es-tu là, Scorpius ? Habituellement, tu admires et analyses la surface de ton lac.
Shaïnël venait de relever un point qui avait toute son importance ; un détail que le dieu de la Mort lui-même avait oublié avant que le souvenir ne ressurgisse grâce à sa mère.
Pourtant, cette remarque pertinente soulevait un élément capital.
— Je l'ai vu dans le lac, justement... J'ai vu la faille et je l'ai vu chuter et être attirée par la gravité de la planète d'Astros... Je ne sais pas pourquoi... Ça me semblait étrange que mon lac me montre cette scène alors que je suis allé voir. De plus, étant la Mort, j'avais senti qu'elle n'était pas comme tout le monde, qu'elle n'appartenait à aucune époque... J'ai senti instinctivement que je n'étais pas censé agir sur elle, la Mort n'est pas censée la frapper pour une raison que j'ignore... C'est comme si elle n'existait pas...
Sa mère haussa un sourcil. Elle était totalement d'accord avec ce qu'il venait de dire ; c'était étrange, même plus.
— Sauf que ce lac n'est-il pas censé te montrer quand tu dois envoyer un Dévorâme chercher une âme pour l'amener à Lacascade ?
Scorpius hocha timidement sa tête. Il ne comprenait pas. Sa mère avait raison, mais... ça n'avait pas été comme de coutume, il n'avait pas vu la causalité de la Mort... Ça n'avait pas de sens !
— On s'en fout de son lac ! Moi, je veux la chose !
À bout de nerfs et de patience, le dieu du Temps avait décidé qu'il avait fini d'attendre. Aussi, utilisa-t-il son domaine de prédilection pour faire avancer le Temps de Shaïnël et de Scorpius. Ce qui fit qu'une bataille se déroula en une seconde à peine, faisant que ce fut comme si elle avait été inexistante ; ensuite, la fille apparut dans les bras de Temporel comme par magie.
Les cerveaux, quels qu'ils soient, étaient trop lents pour réussir à enregistrer quoique ce soit quand le Temps était accéléré de manière tout sauf naturel. Leurs corps, car tout se passait trop vite, étaient intacts ; le Temps trop rapide pour laisser la moindre marque. En faîte, ce fut comme s'ils avaient été téléportés dans le futur, à l'instant où l'enfant était dans les bras de l'ennemi.
Scorpius écarquilla les yeux d'horreur et Shaïnël fusilla le dieu des temporalités, mais pour une tout autre raison que celle de son fils ; elle détestait simplement quand il accélérait les choses de cette manière ; qu'il soit patient et attende la fin de la discussion, ce n'était pas bien compliqué !
Brusquement, sans que personne ne comprenne le comment du pourquoi, sauf Temporel qui émit quelques grognements dissuasifs, la petite disparut des bras de la divinité du Temps ; les prunelles de ce dernier s'agrandir et les grains sableux ne purent plus camoufler l'obscurité derrière leur vive couleur.
Le noir prit toute la place dans chaque œil de Temporel. Sa rage était à son apogée. La colère circulait dans ses veines, son âme et son esprit, d'une manière encore plus fluide et rapide que le sang ou l'éther.
Ce Spectre, il allait le faire disparaître de la réalité.
— Elle est avec moi.
Ce fut les seuls mots que prononça l'Esprit ignescent avant de disparaître, causant le hurlement de fureur du dieu du Temps.
Temporel ne pouvait toucher la dimension des Esprits, car celle-ci se trouvait hors du Temps ; et c'était là que celle qu'il nommait la chose se trouvait, aux côtés de son nouveau protecteur.
Un Forgeur est une sorte d'oiseau qui n'en est pas totalement un, même les habitants de mon univers ne savent pas vraiment ce qu'ils sont. Ils savent juste qu'ils font office de soleil et de lune ; ils se parent d'une lumière solaire ou lunaire en fonction de leur envie. D'après le mythe, ils seraient ceux ayant forgés Soluïn.
***
Bonsoir, j'espère que vous allez bien ! Voilà comme promis le premier chapitre de "Les Murmures de la Mort"!
* Maintenant que vous connaissez un peu plus la personnalité de Temporel, comment le trouvez-vous ? Il y aura bientôt un chapitre focus sur le point de vue de ce personnage !
* Et Scorpius, dieu de la Mort ? Comment le trouvez-vous ?
* Sans oublier l'Esprit ! Avez-vous une idée de qui cela pourrait être ?
* Grâce à ce chapitre, vous savez maintenant ce qui a causé cette blessure à la temporalité ! Vous en pensez-quoi ?
* Surtout, si vous avez d'autres avis, ou des conseils, n'hésitez pas !
QUESTION : Je compte peut-être publier un livre d'échange d'avis, est-ce que cela vous intéresserait-il ?
3 Août prochain chapitre
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