Vous parler de mon fils. Philipe Besson

"Je vous demande de vous mettre à notre place. Un instant. Rien qu'un instant. Votre enfant vient vous raconter l'humiliation, la persécution, le bannissement. C'est votre fils, votre fille, il a douze ans, elle en a huit ou quatorze. C'est la chair de votre chair, ce que vous avez de plus précieux au monde. C'est l'être que vous devez protéger, défendre, soutenir, aider à grandir. Et il vient vous avouer cela. Vous y êtes ? Vous la devinez, votre stupéfaction ? votre culpabilité ? votre douleur ? votre colère ? Ça vous envahit, pas vrai ? ça vous submerge, ça vous dépasse, ça vous anéantit. Et ça, ce n'est que le début. Que les toutes premières minutes. "

-En cette « journée particulière », Vincent et sa femme, Juliette, doivent surmonter leur douleur pour rejoindre des centaines d'inconnus venus honorer la mémoire d'Hugo, leur fils de quatorze ans. Tandis que le cortège endeuillé progresse silencieusement à travers les rues de Saint-Nazaire, Vincent dialogue avec lui-même, remonte le cours du temps. Pourquoi Hugo a-t-il perdu pied face aux persécutions de deux gamins stupides et cruels ? En quoi ont-ils failli, lui et Juliette ? Comment pardonner à ceux qui ont pris leur fils pour cible et déchaîné sur lui leur haine gratuite et à tous les autres, lâches ou complices, qui ont laissé faire ? Suivant un implacable mouvement de balancier, les souvenirs, des plus joyeux aux plus éprouvants, alternent avec le présent de cette « marche blanche » où chacun tente, comme il peut, de tenir debout. Surtout pour Enzo, le fils cadet.-

Comment vivre avec cela ?

Pourquoi ces deux garçons, caïds dans leur collège, s'en sont pris à Hugo ? Pourquoi les autres par lâcheté, pour être bien vus n'ont pas protesté au mieux, ont encouragé, participé pour la plupart. Hugo était bon élève, une tare pour certains, très mince, pas sportif.

Les autres le traitent de pédé, il ne réagit pas la première fois, c'est le début de la descente aux enfers. et l'insulte reviendra et se multipliera et sera accompagnée de biens d'autres attaques, coups, humiliations.

« J'ai été honnête : « Franchement ? J'aimerais mieux que tu le sois pas. Mais pas parce que j'ai un problème avec ça, hein. Non, parce que la vie est plus dure pour eux. Tu en es la preuve. Ils te harcèlent parce qu'ils pensent que tu l'es. Et les parents, ils n'ont pas envie que leurs enfants aient la vie dure, voilà. » Il avait les larmes aux yeux. Il s'est tu un long moment, et je n'ai pas contrarié ce silence. Il a fini par reprendre la parole : « Je sais pas, moi, si je préfère les filles ou les garçons, j'ai que quatorze ans, c'est trop tôt. »

Avec ce roman poignant, douloureux, l'auteur dissèque le processus du harcèlement de multiples points de vue : celui des harceleurs qui ne voient qu'un jeu dans leur cruauté, celui du harcelé qui ne veut pas être considéré comme une victime sous emprise qui a peur, celui des parents qui se cognent à des murs d'indifférence, d'incompréhension.
C'est avec un trou dans le coeur que nous recevons la douleur de cette famille brisée à jamais, que nous entendons l'immense sentiment de culpabilité de Vincent qui se qualifie de "père de merde". 

Nous partageons la colère de Juliette, la mère, face à l'impunité dont vont vraisemblablement bénéficier les harceleurs qui recommenceront probablement leur jeu mortel avec un autre plus faible qu'eux. Nous comprenons l'écoeurement des parents face à la réaction du corps enseignant et en particulier du principal du collège qui ne leur accorde un rendez-vous qu'au bout de quinze jours et qui ne voit que des embrouilles d'adolescents dans les violences subies par Hugo.

C'est bouleversant, beau, puissant et bien écrit.

L'auteur ne nous omet rien, il nous jette à la figure la violence des enfants, les insultes, l'impuissance des parents, le manque de réaction des autres adultes, la douleur, l'absence qui brise à chaque instant un peu plus.

Dans une écriture simple, au plus proche de cet homme qui n'est ni un laissé pour compte, ni un nanti, mais un ouvrier, et aussi un taiseux, nous raconte une histoire bouleversante et révoltante. La raconter par les mots de ce père dévasté nous la rend d'autant plus intime, d'autant plus insupportable.

Ma note : 5/5 

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