9 - Todoroki
Après une longue insistance, Papa a accepté de m'emmener faire un tour sur une planche de surf que Sen lui a prêté. On est partis se changer et nous voilà sur la plage. Je me rends compte maintenant à quel point il est beau mon Papa. C'est vrai qu'en le regardant, on ne croirait jamais qu'il avait un enfant... Sen est plus musclé et plus grand que lui, mais il agit comme un adolescent en soif d'aventure et de bougeotte.
Je me dis chanceuse, j'ai deux mannequins avec moi.
- Mais t'es toute belle Ritsu ! complimente Sen. Ca te va super bien le rose.
- Merci...
Je rougis en jouant avec mes cheveux alors que Papa roule des yeux.
- Garde tes compliments pour toi le pédophile.
- Mais arrête avec ça je suis pas de ce bord là !!
- Dit celui qui m'a séquestré à l'époque.
- C'était pour te soigner ducon et t'arrêtais pas de vouloir me tuer !
- Tu t'enfonces.
Je ris. Papa a toujours le dernier mot, on ne le changera pas. Je grimpe sur la planche de mon père qui la pousse dans la mer. Sen nous suit avec la sienne. Les vagues sont magnifiques ! Mais quand je regarde les profondeurs de l'eau, j'ai comme une montée de stress.
Je ne sais pas nager...
Je recule jusqu'à me blottir contre mon père qui sursaute un peu.
- Quoi ?
- C'est vraiment sans danger...?
- C'est toi qui as insisté demi portion, se moque-t-il.
- T'inquiète pas Ritsu, rassure Sen. On fait qu'un tour d'accord ?
Je ne suis pas rassurée malgré tout...
- Accroche toi à moi sinon, propose Papa en se dressant debout sur la planche.
- Nyu !
Je m'agrippe à sa jambe alors que nos planches sont emportées dans la descente d'une grosse vague. Sen passe devant nous et se laisse entrainer dans un tunnel d'eau. Papa le suit en gardant une main rassurante sur sa tête. Mes yeux s'émerveillent de voir des formes de vie sous marines dans la clarté de l'eau. Je vois des tortues de mer se laisser porter dans la vague et les bancs de poissons nous suivre dans notre course. Au dessus de nous, les rayons du soleil se reflètent, je me croirais presque dans un Seaquarium naturel ! J'ai rapidement oublié ma peur de l'eau.
Je lève la tête vers mon père qui reste concentré sur sa traversée dans le tunnel, et c'est la première fois que je le vois réellement sourire. C'est comme si cette journée était une mise en pause dans tous ses problèmes, où il prend enfin la peine de se faire un peu plaisir.
Je comprends maintenant pourquoi Maman est tombée amoureuse de lui...
Son sourire, son regard, ses yeux en eux mêmes, comment s'en détourner ? Sa main sur ma tête me protège en cas de choc alors que la descente augmente notre vitesse. Puis arrivé à la hauteur de Sen, il me hisse sur sa planche avant de prendre encore plus de vitesse pour faire un grand plongeon par dessus la vague en faisant un salto arrière en plein vol.
- Il n'a rien hein ?
- Nah. Même moi j'arrive pas à lui dévisser la tête.
Je soupire de soulagement quand Papa remonte à la surface juste à côté de la planche de Sen.
- Tu viens ? demande-t-il en rabattant ses cheveux en arrière. Elle est bonne.
- Heu...
Papa tourne la tête une seconde.
- Je peux t'apprendre à nager si tu veux.
- Aww, trop bien papounet~! nargue Sen, accroupi sur sa planche.
- Ta gueule.
Il me prend dans ses bras en m'entrainant dans l'eau après avoir retourné la planche pour faire tomber Sen. Ce dernier remonte en râlant, mais sourit en nous regardant aussi complices en cette magnifique journée. C'était la première fois qu'il voyait mon père m'accorde autant d'attention et m'apprendre autre chose que la rancoeur et l'ignorance à longueur de temps.
Et c'est ce jour là que j'ai réellement appris à nager...
Mon père se comportait enfin comme tel avec moi. Il nage sur le dos en observant mes progrès à la nage, parfois je reste accrochée à ses épaules, le temps de m'habituer à la sensation de légère dans l'eau. Sen nous rejoint en prenant part à mon petit apprentissage, et de loin, on croirait une petite famille, nous trois.
La première fois que je ressens ça...
Que je me sens enfin entourée sans me sentir réellement seule au fond de moi...
Où j'ai presque oublié, pendant une journée, toute la peine et la douleur que j'ai supporté jusqu'à maintenant...
Enfin une journée où j'ai vu mon père sourire sincèrement, l'esprit paisible, et je me suis donné le droit de rire et sourire à mon tour...
***
Sen m'a appris à construire des châteaux de sable, il pourrait presque être mon oncle et je l'aime beaucoup. Papa était fatigué, alors il s'est reposé sous le parasol en gardant tout de même un oeil sur moi.
Et depuis cette journée à la plage, j'ai vraiment l'impression d'être plus complice que jamais avec mon père.
Il me parle beaucoup plus qu'au début et se préoccupe de mes envies, même qu'on fait beaucoup plus d'activités ensemble. Je ne trouve maintenant plus aucune raison de pleurer ou être triste à longueur de journée.
- Nyah ! Papa lâche moi !
Je me torde dans mon fou rire alors qu'il me torture de chatouilles parce que je lui ai volé un biscuit discrètement. Mais décidément, il a l'oeil partout ! On grignotait devant la télé et voilà que je m'étouffe de rire, à essayer d'échapper aux bras de mon père et son sourire victorieux.
- Alors, on dit quoi ? demande-t-il en arrêtant de me chatouiller.
- Pardon je recommencerai plus !
- Vraiment ? J'ai du mal à te croire.
- Je peux pas résister, ils sont trop bons ceux à la noix de coco !
- Tu recommences, marmonne-t-il en recommençant.
- Ah non !!
Je me tortille de nouveau avant de dresser une oreille vers la porte d'entrée. Quelqu'un venait de sonner. Papa reprend son sérieux et se lève pour aller ouvrir, tandis que je m'affale devant le ventilateur, prise de bouffées de chaleur à force de rire.
C'était pourtant une journée où tout allait mieux...
- Todoroki-san ? questionne une femme en tailleur à l'entrée.
- Heu ouais ? se méfie Papa.
Il tourne les yeux vers un couple attendant juste derrière elle. Evidemment qu'il ne comprenait pas la situation. Il avait commencé la démarche d'annulation de la procédure d'adoption, ce n'était qu'une question de temps. Alors pourquoi la conseillère de l'agence d'adoption est présente sur le palier, qui plus est avec des clients ?
Le couple dévisage bien sûr mon père à cause de son apparence, et le mari semble le reconnaitre comme l'ancien criminel d'autrefois. La tension est tout à coup électrique.
- Madame, vous ne nous aviez pas précisé qu'il s'agissait du criminel dont tout le monde parle encore depuis dix ans, suspecte le mari.
- Il n'est plus celui que vous pensez, je peux vous l'assurer. Nous venons voir Ritsu, comme convenu.
- Pardon ? s'indigne mon père. J'ai pourtant annulé la procédure.
- C'est que cela prendre beaucoup de temps et malheureusement la procédure est toujours en cours en attendant.
- C'est d'un merdier votre système...
La conseillère jette un bref coup d'oeil à l'état de la maison et fronce les sourcils.
- En effet, ce n'est pas un endroit approprié pour un enfant. Ce couple voudrait rencontrer Ritsu, je peux vous garantir qu'ils correspondent aux critères que vous recherchez pour elle.
- Nan mais en fait vous avez pas compris, coupe mon père, déjà nerveux. J'ai annulé la démarche, donc en langage simplifié, j'ai changé d'avis.
- J'aimerais dans ce cas une preuve de votre annulation, insiste la conseillère, nerveuse pour le couple qui s'impatiente. Un justificatif, peut être ? Une validation ?
Forcément que mon père n'avait rien pour prouver sa démarche d'annulation, puisque c'est encore en cours de modification. Il se sentait piégé et blêmissait. Pour la première fois, il n'avait pas planifié de plan de secours, car il ne pensait pas que l'agence d'adoption trouverait aussi vite des familles intéressées par moi.
J'ai entendu un bout de conversation où j'ai compris que ça me concernait, alors je me suis levée et me suis approchée. Le couple me regarde et la femme me sourit tendrement, comme une mère. On dirait que je lui plait déjà.
- Bonjour Ritsu, salut-elle en s'abaissant à ma hauteur. Je m'appelle XXX.
- Heu... Bonjour...?
Je ne comprends pas ce qu'il se passe et ça commence à me stresser... Qui sont ces gens et comment ils connaissent mon nom ? Mon père serre les poings en me décalant légèrement.
- Ritsu, va dans ta chambre.
- Nyu ?
- Je dois régler un problème. S'il te plait.
- Au contraire, tout est en règle. Ne t'en fais pas Ritsu, je suis sûre que tu te plairas dans ton nouveau foyer.
...
"Foyer" ?
Comment ça ?
Qu'est-ce qui se passe ??
- Tu verras, il y a un grand jardin à la maison, tu pourras jouer et même construire une cabane dans une arbre si tu veux, sourit la femme en me prenant les mains. J'ai essayé de décorer au mieux ta nouvelle chambre, j'espère que tu aimes le rose.
- ... Quoi...?
- Ritsu monte dans ta ch--
- T-Tu te débarrasses de moi ???
- Quoi ?? Non ! Enfin...!
Le couple perd son sourire en comprenant que mon père ne m'a rien dit à propos de cette adoption et se sent tout à coup mal à l'aise. Je ne sais pas si je suis envahie par la colère ou le chagrin, mais je sais que je suis écoeurée de ce qu'il a pu me faire.
- C'était pour ça, tous tes appels par téléphone ??
- Non et justement je suis en train d'annuler tout ça !
- Donc tu avoues l'avoir fais sans me le dire, puisque tu annules !
- Ritsu écoute--
- En fait tout ce que tu voulais depuis le début c'était que je disparaisse !! Je suis pas idiote Papa !
Je serre les poings alors que ma voix déraille, mais mes larmes refusent de sortir.
- J'avais déjà compris que tu me détestais...! Tu n'as jamais voulu me revoir, alors que pendant dix ans j'ai pas arrêté de demander à Papi et Mami qui était mon père ! Ils me parlaient souvent de Maman, mais jamais de toi ! Et toi ?! Est-ce que tu as posé des questions sur moi ?!
- ... Ritsu...
- Tu t'en fiches de moi, avoues le Papa !! Dis moi la vérité !
- Hé me parle pas sur ce--!
- J'aurais préféré que Maman soit là plutôt que toi !!
Sur ces mots sortis sous la colère, je m'isole dans ma chambre. Mon père reste immobile sur le palier, sans savoir comment réagir. Puis la colère monte quand ses yeux se posent sur la conseillère et le couple.
- Vous attendez quoi au juste, de faire l'aumône ?! agresse-t-il en leur claquant la porte au nez.
***
Je n'ai pas quitté ma chambre de toute la soirée. Cette situation dégoûtante m'a coupé l'appétit et ma colère n'a pas diminué. Papa n'est pas venu frapper à ma porte une seule fois, préférant me laisser me calmer.
Il se fiche vraiment de moi...
J'ai longtemps supporté sa froideur et son silence, mais alors qu'on était enfin proches et qu'on recommençait à vivre, tout vient de s'écrouler si brutalement. Ma mère est morte à cause de moi, Papi et Mami sont morts et m'ont laissé seule...
Mon père ne veut pas de moi...
Parfois je me demande pourquoi je suis née, si c'est pour toujours finir toute seule à la fin. Vers qui est-ce que je peux me raccrocher ? Au moins récolter un peu de chaleur humaine, un peu d'espoir... J'ai mal au coeur à force de retenir mes larmes qui refusent toujours de se libérer, même à la mort de mes grand parents, je n'ai pas su verser une seule larmes alors que j'étais réellement triste.
J'allume une petite lampe en m'installant sur le grand tapis et ouvre ma boite à trésors. Comme j'étais curieuse par rapport à mon père, je me suis trouvée un intérêt pour tous les objets qu'il délaissait, afin d'arriver à mieux le connaitre et enregistrer ses goûts, ses habitudes, etc...
Même sa grosse montre cassée, je l'ai récupéré alors qu'il voulait la jeter.
Je fouille dans le tas et feuillette les photos qu'il cachait dans ses tiroirs, sauf une seule qu'il a épinglé au mur. C'est une vieille photo, brûlée aux quatre coins, où je reconnais mon père à mon âge, entouré de personnes que je ne connais pas.
J'y pense, je ne connais pas la famille de mon père... Est-ce qu'ils savent que j'existe ? Pourquoi je ne les ai jamais vu ? Pourquoi Papa ne me parle pas d'eux ?
En fait, quand j'essaye d'aborder le sujet, il esquive tout le temps.
Je soupire et retourne la photo où je vois une adresse écrite à la main au dos et entourée plusieurs fois au marqueur rouge, comme si cette adresse était une cible. Je regarde de nouveau la photo. Le visage de mon père est barré d'une croix rouge. Par contre, un autre visage est effacé par une brûlure de cigarette. Au vu de la carrure de cet homme, j'en déduis que c'est mon grand père. Papa aurait des problèmes avec sa famille ?
Je soupire en réfléchissant et serre la peluche qu'il m'a offert lors de notre séjour à la plage. J'ai beau lui en vouloir, je n'arrive pas à me séparer de ce cadeau.
J'ai quand même très envie de rencontrer ma deuxième famille...
***
Peut être que j'ai fais un bêtise, mais quelque chose me dit que je peux toujours attendre mon père pour m'emmener les voir.
Alors je suis partie seule...
Je n'ai que dix ans, mais je sais rester prudente. Maggy m'a appris à me débrouiller seule en cas d'imprévu. J'ai même volé la carte de mon père pour porter payer un ticket de train.
Je n'en suis pas vraiment fière...
Au bout de quelques heures de marche, je trouve le quartier de la maison Todoroki. C'est assez chic et tranquille et bien sûr, les maison sont bien mieux entretenues que dans notre quartier. Mon coeur bondit en remarquant la plaque "Todoroki" près du portail de la maison.
Je vais peut être les déranger, il est bientôt sept heures du matin... Oui, je suis partie quand mon père dormait, et je n'en suis pas fière non plus...
Je ne cache pas que j'avais très peur de partir toute seule, mais puisque mon père préfère me faire adopter au lieu de s'occuper de moi, ça revient presque au même.
Je sonne une première fois la cloche, une fois arrivée près de l'entrée. Le stress me monte à la tête, et si jamais il me rejetaient, eux aussi...? Une femme à lunettes vient ouvrir et me dévisage.
- Hum ? Oui ?
Je n'ose plus parler tout à coup. Pourtant, elle a l'air gentille, mais de savoir que c'est peut être ma tante, ça me nerveuse...
- Tu t'es perdue ? demande-t-elle, bienveillante.
- Je...
- C'est qui de bon matin ? grommelle un grand homme aux cheveux blancs.
Il est bien jeune pour être mon grand père... C'est peut être mon oncle. Ils me dévisagent avant de s'échanger un regard. Je baisse la tête en voyant qu'ils ne me reconnaissent pas.
Papa ne leur a jamais parlé de moi...
Je regarde la photo que j'ai gardé dans les mains avant de la leur tendre. La dame fronce les sourcils sans comprendre et analyse l'image, puis ses yeux s'agrandissent.
- Mais... Comment tu as pu avoir cette photo ??
- Qui a-t-il les enfants ? demande une troisième voix arrivant du salon.
Je commence à trembler en voyant enfin ma grand mère arriver vers moi. Elle est exactement comme sur la photo... La dame à lunettes lui donne la vieille image, tandis que mon oncle essaye de deviner dans sa tête qui je peux être.
- Qu'est-ce qu...??
- ... Mon papa la gardait dans sa chambre...
Un silence pèse sur nous alors que le soleil se montrait enfin et nous baignait de lumière. Je me décompose devant les larmes de ma grand mère qui me regarde, les yeux écarquillés et la main sur sa bouche. Elle s'abaisse aussitôt à ma hauteur pour mieux regarder mes yeux.
- Maman ? s'inquiète ma tante.
- ... Ton papa... s'appelle Touya...? tremble ma grand mère, larmoyante.
Mon coeur se serre et je hoche la tête en serrant ma peluche contre ma poitrine. J'ai l'impression d'avoir achevé ma grand mère en l'avouant. Elle m'enveloppe dans ses bras en éclatant en larmes, mais pourquoi elle pleure au juste ? Même mon oncle et ma tante sont sous le choc. Je ne comprends pas... Est-ce qu'ils sont tristes ou heureux ? Je ne sais pas.
- Je suis grand mère...! sanglote-t-elle, émue.
Je suis tout de même soulagée de ne pas m'être trompée, j'avais peur d'avoir tout faux et de penser que j'étais réellement seule. Que je n'avais personne d'autre que mon père. Et je me rends compte du faussée qui séparait la famille de ma mère et de mon père.
Je me retrouve sur un pont suspendue dans ce faussée...
Je suis née sans vraiment être attendue nulle part. Mes parents ont caché mon existence aux yeux de tout le monde, et ce n'est que dix ans plus tard que j'ouvre les yeux pour la première fois.
Quand tout est déjà déchiré...
- Ne reste pas dehors Trésor... se calme ma grand mère en me portant dans ses bras. Quand je pense que tu as voyagé toute seule... Pourquoi ton papa n'est pas là ?
Je me sentais déjà en sécurité auprès d'elle, alors je lui racontais toute l'histoire. Mon oncle et ma tante m'installent dans le petit salon japonais en m'écoutant attentivement. Je vois qu'ils sont curieux de savoir comment vit mon père. Leur frère. Je me doute qu'ils n'ont plus eu de contacts avec lui depuis des années...
***
Au même moment, mon père a remarqué mon absence à son réveil.
- Tu l'as trouvé ??? panique Sen qui est venu en vitesse.
- Elle est pas dans sa chambre putain !
Il a retourne toute la maison, même le quartier, pour me retrouver. L'angoisse lui montait à la tête au point de ne plus savoir comment rester rationnel. Il a pris conscience de son erreur et craignait de ne pas pouvoir la réparer. Sen a cherché de son côté dans les endroits où mon père et moi avions l'habitude d'aller, en vain. Aucun des deux ne pouvait se douter d'où j'aurais pu me diriger.
- T'es sûr qu'elle s'est vraiment barrée ? demande Sen en gardant la tête froide.
- Elle a prit ma carte je l'ai pas inventé quand même ! s'énerve mon père en faisant les cent pas dans le salon, réfléchissant. Et toi, t'as bien fouillé ?
- Je ne l'ai pas trouvé, mais tu devrais te calmer Dabi. Tu l'as dis toi même, elle a dix ans mais elle est loin d'être aussi stupide et craintive, je suis sûre qu'elle n'a--
- Je laisserai pas Riku s'en aller ! hausse-t-il le ton.
Sen se fige devant l'état effrayant de mon père qui réfléchit à voix haute, énumérant tous les endroits où l'on pouvait me trouver.
Tous, sauf un seul...
- Ritsu, corrige Sen.
- Quoi ?
- Tu l'as appelé "Riku"...
Mon père se rend compte de sa gaffe et finit par calmer son stress, alors que Sen l'oblige à s'asseoir un instant. Ma disparition a sans doute remonté des souvenirs douloureux. Il est vrai qu'en me regardant, il voyait beaucoup ma mère se refléter à travers moi. J'ai toujours pensé être sa réincarnation, son miroir. Mon père a enfin comprit l'importance de m'avoir à ses côtés. Il ne pouvait plus endurer seul comme il l'a fait pendant dix ans.
Il avait besoin de moi.
Et ne plus me voir lui a donné le coup de grâce en plein coeur. Ma mère est morte brutalement, sans un dernier au revoir, je suis partie sans un mot, avec la peine et la colère. Me perdre du jour au lendemain n'a fait que blesser mon père encore plus qu'il ne l'était. Ma disparition, pour lui, était un replay de celle de ma mère.
Un retour en arrière...
- Je sais... souffle-t-il, la voix éteinte. Tu m'as prévenu, je sais...
- Mais tu as compris... Ritsu est ta fille. Votre fille, à toi et Riku. Je sais que tu ne veux pas la perdre. Tu as plus besoin d'elle qu'elle n'a besoin de toi. Je comprends aussi... Pour toi, Ritsu n'avait pas sa place près de toi, tu cherchais à te protéger de la souffrance. Mais tu voulais aussi la protéger et te battre tout seul sans l'affecter. Mais pour toi, se battre c'est attendre que la mort te prenne pour revoir Riku ? Endurer en silence jusqu'à ton dernier souffle en abandonnant les forces d'être un père pour ta fille ? Tu es un humain Dabi, pas un surhomme.
- ... Si tu savais combien de fois j'ai voulu abréger mes souffrances... avoue mon père en regardant ses mains. C'est un supplice chaque jour, parce que j'ai goûté à la pureté d'une femme qui m'a rendu cette humanité que j'ai toujours refoulé pour n'avoir aucun remord face à mon père. Ni pour lui, ni pour toute la famille. Mais Riku n'est plus là et j'ai compris de quoi elle me mettait en garde. Elle est partie, et j'ai fini seul. J'avais plus que ma vengeance pour me raccrocher... Je voulais finir ce que j'avais commencé, et je l'ai fais. Buter des héros, ça me fait rien. Mais perdre Riku... C'est comme mourir avec elle.
Sen secoue la tête et caresse la sienne comme un grand frère, ému de ses paroles douloureuses. Il se rendait compte du degré de souffrance et du coeur brisé qu'endurait mon père pendant dix ans, mélangé à sa souffrance du passé lorsqu'il était plus jeune. Mon père, en rencontrant ma mère, il avait trouvé un sens à sa vie. Quelque chose à protéger, une famille bien à lui, un soupçon de douceur qui le guérissait de l'intérieur.
La folie de mon père ne l'avait pas épargné, mais il y avait encore un espoir de le changer.
Ma mère a réussi là où tout le monde a échoué.
- Tu t'es autopuni, reprend Sen. Et ç'a assez duré. Tu es vivant, et si tu ne vis pas pour toi, vis pour Ritsu. Fais le pour elle...
Mon père lève la tête, pensif, avant de s'attarder sur un détail qu'il vient tout juste de remarquer. Il contourne Sen en s'approchant du mur, voyant que quelque chose a disparu. Il regarde les légères traces de brûlures sur la peinture écaillée, et il ne lui a pas fallu longtemps pour deviner où j'ai pu disparaitre.
- Sen. Prête moi ta carte.
À suivre...
---
Le prochain et dixième chapitre sera le dernier.
Et vous êtes pas prêts...
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