2 - Dix ans plus tard

Il s'est passé beaucoup de choses en l'espace de dix longues années. Peu de temps après ma naissance chaotique, mon père a pris la lourde décision de me donner à mes grand parents, qui eux, lui ont beaucoup rejeté la faute d'avoir perdu leur précieuse fille. Ils prenaient mon père pour l'unique responsable, parce qu'il a croisé le chemin de ma mère. Malgré tout, il a accepté ces reproches et la colère de mes grand parents qui m'ont aimé et élevé comme leur propre fille. Comme si ma mère ne les avait jamais quitté...

Ils ne voulaient plus jamais entendre parler de mon père et ne m'ont jamais parlé de lui, alors que j'exigeai souvent de connaitre mes origines. Connaitre mes parents, savoir qui ils sont, pourquoi je n'étais pas avec eux, où sont-ils...

Mon père a disparu de ma vie le jour de l'incinération de ma mère, auquel il n'a apparemment jamais fait acte de présence. Ce qui laissait mes grand parents penser que ma mère n'a jamais compté pour lui.

Alors que c'était tout le contraire...



J'ai alors grandi dans le luxe de mes grand parents, surprotégée et gâtée à chaque pas que je faisais. Les seuls portraits que je voyais dans les couloirs étaient ceux de ma mère. Il n'y avait nulle besoin de poser plus de questions pour comprendre que c'était elle. Notre ressemblance est presque un pur copié collé. Mais alors, j'ai plutôt hérité des yeux de mon père que je n'ai jamais vu.

- Mademoiselle, pas si vite ! s'essouffle Maggy, ma maid personnelle. Vous allez tomber !

J'aurais pu être une petite fille pourrie gâtée qui demanderait à ce qu'on me serve comme une princesse, mais j'étais plutôt une petite pile électrique qui avait besoin de liberté. Je mangeais plus qu'un enfant ordinaire et me dépensais du matin au soir en m'échappant dans le jardin. J'aimais beaucoup passer la majeure partie du temps au soleil à écouter les oiseaux, mais parfois mes grand parents m'obligeaient à rester à l'intérieur, craignant la moindre blessure que je pouvais m'infliger. Même la douleur d'une petite égratignure, je ne l'ai jamais connu.

Cette vie était étouffante, bien que j'aimais beaucoup mes grand parents.




Mais la vie me les a pris aussi...

Ils étaient partis à un gala de charité afin de récolter des fonds pour une association, quand leur voiture est sortie de la route et fait un tonneau. Leur chauffeur a perdu le contrôle du véhicule qui a emporté mes deux grand parents dans cet accident.

J'étudiais avec Maggy dans le grand salon quand un homme est venu lui annoncer la terrible nouvelle. Je n'ai jamais vu Maggy aussi effondrée alors qu'elle tournait la tête vers moi en se demandant ce que j'allais devenir maintenant qu'il n'y avait plus personne pour me recueillir.

C'est alors que le notaire a fouillé dans les testaments, où il y a trouvé un nom plutôt inattendu.

Touya Todoroki

- "Todoroki" ?? s'indigne Maggy. Mais je croyais qu'il était en prison !

- Il a déjà purgé sa peine qui a seulement duré cinq ans pour bonne conduite, répond le notaire. 

- Lui léguer la responsabilité d'une enfant, c'est pourtant un criminel !

- EX criminel. Aujourd'hui c'est un civil isolé. Et puis c'est son père. Le testament est pourtant authentique, la famille Nekomura l'a tout de même inscrit malgré leurs différends. Il est le seul à pouvoir prendre la petite Ritsu en charge.

J'écoutais près de la porte du bureau de mon grand père et d'entendre enfin le nom de mon père, c'est comme si quelque chose en moi s'était envolé. Comme si un mystère beaucoup trop lourd à porter s'était levé. Je connaissais maintenant l'identité de mon père, mais à quoi pouvait-il ressembler ?

***

Au même moment, à la métropole, mon père dormait encore dans un petit appartement miteux qui ressemblerait presque à un chantier encore en construction. Les murs étaient à découvert, sans papier peint, le parquet grinçait à certains endroits, les fenêtres poussiéreuses et les volets délabrés. Même la peinture des portes s'écaillait. Ce n'était clairement pas un endroit pour accueillir un enfant... Seulement les jours sont bien difficiles pour lui depuis la mort de ma mère. Mon père a répondu de ses actes criminels par le passé en faisant de la prison, la famille Todoroki n'ose pas vraiment essayer de le contacter afin de renouer les liens, bien qu'elle ait déjà essayé une première fois, mais mon père ne veut plus entendre parler de personne. Ni des Todoroki, ni des Nekomura.

Ni de moi...

Il est bel et bien tout seul à vivre comme un dépressif, même s'il garde toujours un visage aussi dépourvu d'émotion.

Alors qu'il dormait enfin paisiblement après une semaine difficile, une femme en train de se rhabiller le secouait sans douceur en lui criant dessus de bon matin. Un réveil brutal qui a le don de mettre mon père très en colère.

- T'aurais pu te lever avant moi pour me faire un café ! Je rappelle que c'est toi qui m'a amené ici pour tirer ton coup ! J'ai l'impression de passer pour une pute !

- Parce que c'est pas ce que t'es ? rétorque mon père d'un ton froid en lui tournant le dos. On est pas à l'hôtel, si tu veux ton café t'as qu'à consommer au bar et fous moi la paix.

- Hé ! Franchement je te pensais le genre de gars avec plus de peps que ça, tu me ferais presque pit--!

Contre toute attente, c'est l'une des rares fois où mon père attrape une femme aussi violemment par le cou, jusqu'à presque l'étrangler. Visiblement, ma mère était la seule femme à qui il adressait autant de tendresse.

- Ce genre de "peps" tu veux dire...? menace-t-il en serrant sa poigne autour de son cou. T'es satisfaite ? Dégage.

Puis il lâche cette femme terrifiée par le regard de mon père qui affichait toute sa haine que ma mère a pourtant essayé de purger. L'inconnue s'enfuit alors en laissant mon père seul dans le silence. En réalité, avec les autres femmes comme avec les hommes, il s'autorisait désormais à être beaucoup plus violent afin qu'on le laisse tranquille.

Son téléphone sonne ensuite. Un numéro étrange, mais il décroche avec nonchalance.

- Si c'est pour un service t'es mal tombé mon gars je joue plus au--

- Touya Todoroki, ici XXX de la maison Nekomura, coupe une voix monotone au téléphone.

Mon père écarquille les yeux et s'apprêtait à raccrocher.

- Tu ne demandes pas pourquoi je t'appelle ? poursuis la voix.

- ... J'ai plus rien à voir avec cette famille...

- Ainsi donc tu n'es pas au courant pour l'accident.

- Quel accident ? demande mon père, confus.

L'inconnu lui explique alors le drame et la situation dans laquelle se retrouver le personnel de la riche famille. Au cours de son récit interminable, les nerfs de mon père ont commencé à se crisper et les images de ma mère fusaient violemment dans son esprit. Il éprouvait très peu d'empathie pour le décès de ses ex beaux parents qui ne l'ont jamais accepté de toute façon, mais le problème était plutôt une autre personne.

- Je ne fais que t'énumérer les dernières revendications de leur testament, termine l'inconnu. Ritsu n'a que toi aujourd'hui, et tu es son père. La charge te revient de droit.

Sa fille qu'il n'a jamais revu depuis dix ans...

- ... Et qui a dit que j'allais accepter ? grogne mon père, agacé. Je pense pas être la meilleure personne qualifiée à s'occuper d'une gosse. J'ai rien pour subvenir à ses besoins et j'ai pas tellement envie de la revoir. Inutile de te dire pourquoi, je pense que tu connais la réponse.

- Touya. Que tu le veuilles ou non, Ritsu est ta fille et elle se retrouve sans famille. Le testament est très clair, elle n'ira pas en famille d'accueil. Et si c'est une question financière, sache que tout est déjà prit en charge. Tu recevras un montant chaque mois pour t'aider, le temps que tu te stabilises socialement parlant. Mets ta rancoeur de côté pour une fois et accueille ta fille sur le quai XX à XXXXX. Sois à l'heure.

L'inconnu raccroche et mon père peste en grinçant des dents, jetant son portable sur les draps. Il redoutait cet instant où il allait me revoir. Il s'attendait plutôt à justement ne jamais me revoir et en réalité, dans cet appartement digne d'un film d'horreur, mon père n'attendait que le repos éternel. Il était fatigué de revoir le sourire, le regard, entendre la voix de ma mère dans ses rêves, pour au final revivre chaque nuit le même cauchemar.

L'idée de me retrouver l'effrayait presque. Il ne voulait pas voir ma mère se refléter à travers moi. Hélas, j'ai hérité de ses traits...






À l'heure prévue, une semaine plus tard, mon père attendait mon train sur le quai indiqué, sans conviction. La population autour de lui le reconnaissait par ses cheveux blancs et ses marques au visage, mais mon père n'y prêtait aucune attention. Il se fichait de tout et tout le monde, comme s'il était déjà mort à l'intérieur. Quand son esprit se perdait dans les songes, il revenait toujours à penser à ma mère en se demandant ce qu'elle aurait fait à sa place. Il n'a jamais pu faire son deuil, parce qu'il n'arrivait pas à accepter son départ.

Il avait toujours l'espoir qu'elle revienne, même si c'était impossible...

Ses poings se serrent au fond de ses poches et l'envie de partir poussent par moments ses jambes à tourner les talons. Puis un train s'arrête sur le quai et les portes s'ouvrent une à une, laissant les passagers descendre et inonder le quai. Mon père ne tarde pas très longtemps à me reconnaitre un peu plus loin. Avec mon sac à dos et mon petit chapeau de paille décoré d'un ruban lilas, je le cherchais du regard en ne sachant pas encore à quoi il pouvait bien ressembler. Je commençais même à croire qu'il m'avait oublié.

Mon père reste adossé à son poteau en fixant cette petite fille qui cherchait hâtivement son père, mourant d'envie de le rencontrer, avant d'enfin s'avancer vers moi en gardant sa froideur au visage. En me retournant, je percute sa jambe avant de lever la tête. Evidemment, mon regard est vite captivé par ses cicatrices, avant de capter ses yeux. Il me regardait sans émotion, ni même un sourire. Rien...

- Ritsu.

Mon sang ne fait qu'un tour et mon coeur s'emballe avec la joie de rencontrer mon père pour la première fois. Je recule pour mieux le contempler, j'avouais que je ne l'imaginais pas ainsi. Je ne savais pas si je devais lui sourire ou lui sauter dans les bras, alors je ne faisais rien et restais captivée par son regard malgré tout hautain.

- Papa.

À suivre...

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