- Regarde, c'est pas bien sorcier, montre Oncle Natsu en posant un raisin sur le bout de son nez.
Il donne ensuite un petit à-coup de la tête vers le haut de sorte à faire rebondir le fruit en l'air, puis le mange quand il tombe dans sa bouche.
- Tadam ! rit-il la bouche pleine.
Je l'applaudis en riant. Il s'efforce de faire le clown pour me faire rire, moi et Mami Rei qui est très contente de me connaitre. Tante Fuyumi me porte dans ses bras pour m'asseoir sur ses jambes, elle aime vraiment les enfants pour me câliner autant. Mami Rei dépose pleins de gâteaux sur la table à thé avec du chocolat chaud.
- Sers toi Ritsu, ne te prive pas.
- Arigatou !
- Et même que je te conseille les beignets à la noix de coco, chuchote Tante Fuyumi en rapprochant l'assiette. Natsu, je t'ai vu !
- Roh mais j'ai faim moi !
- C'est pour Ritsu !
Je regarde mon beignet, puis Oncle Natsu qui boude dans son coin et le lui donne. Ses yeux pétillent et je lui souris.
- On partage !
- Attention aux maux de ventre tous les deux, prévient Mami Rei.
- Tadaima.
Je tourne la tête vers l'entrée et voit quelqu'un s'approcher avant de me regarder. Il ressemble au petit garçon sur la vieille photo, sauf qu'il n'avait pas la brûlure à l'oeil gauche. J'en déduis que c'est...
- Shoto ! se réjouit Mami Rei. Je te présente Ritsu. Ritsu, ton oncle Shoto.
- "Oncle" ? s'étonne-t-il, malgré tout neutre. Natsu qu'est-ce que tu as fais ?
- Eh ?? C'est pas moi, de suite ça m'accuse ! Faux frère !
Mami Rei rit nerveusement en baissant la tête.
- C'est la fille de Touya...
Oncle Shoto a un mouvement de recul mais n'est pas plus surpris par la révélation, puis il fronce les sourcils en me toisant du regard. Je regarde ailleurs, intimidée, et le laisse s'asseoir à côté de Tante Fuyumi.
- Il est ici ? demande-t-il, un peu méfiant.
- En fait...
- Je suis venue toute seule...
Il me regarde de nouveau alors que j'avale mon goûter dans le calme. Tante Fuyumi me serre un peu plus contre elle et réajuste mes cheveux en faisant des petites tresses.
- Touya-nii n'est pas là, avoue-t-elle. Mais s'il vient à passer à la maison, ça serait seulement pour récupérer Ritsu alors s'il te plait Shoto. Ne le confronte pas.
- ... Je n'ai juste pas oublié ce qu'il a fait... soupire-t-il en tournant le regard.
- Le passé reste dans le passé, il a payé ses fautes en prison, sévit Tante Fuyumi. Laisse le venir, c'est aussi chez lui ici.
- Comprends nous Shoto, reprend Mami Rei. Ca fait des années que Touya n'est plus réapparu...
Il soupire de nouveau et s'abaisse à la volonté de Mami Rei qui semble fortement désirer revoir son grand fils. Je vois bien que c'est une famille brisée... Mais pour une fois, je n'ai pas l'impression d'être une pièce en trop dans ce décor. J'aimerais rester ici un moment.
Puis une seconde personne vient d'arriver en faisant profil bas. Mami Rei se lève avec un sourire et va l'accueillir.
- Chéri !
- Tadaima.
Je suis d'abord impressionnée par la forte carrure de mon grand père Enji qui entre dans le salon après s'être débarrassé de son manteau. Tante Fuyumi salue son père, mais Oncles Natsu et Shoto ne disent pas grand chose. Je souris en voyant Papi Enji embrasser la main de Mami Rei, avant de s'asseoir au bout de la table.
- Chéri, ça va te paraitre un peu brusque mais...
Mami Rei me regarde avec un sourire tandis que Papi Enji me dévisage étrangement. Je pense qu'il a déjà deviné qui j'étais...
- Tu es grand père... annonce-t-elle.
Le silence pèse dans le salon alors que Papi Enji fixe mes yeux sans oser prendre la parole. Je m'approche de lui comme si j'avais deviné qu'il voulait me regarder de plus près, et je vois son regard plus émotif.
- ... Touya...
À cause de mes yeux, il a reconnu ceux de mon père...
Je lui souris timidement en hochant la tête avant de me retrouver fébrilement dans le creux de ses bras, ce qui me surprend.
- Comment... tremble-t-il. T-Tu as quel âge ??
- Dix ans Papi...
Il regarde ailleurs un seconde, en plein réflexion, puis échange un regard avec Oncle Shoto qui est tout aussi surpris. Je balaye ma tête de Papi à mon oncle et inversement, ils auraient connu ma mère ?
- Ca daterait d'avant la guerre...? réfléchit Oncle Shoto.
- Ce n'est pas impossible que Touya-nii ait fréquenté quelqu'un avant le chaos... suppose Tante Fuyumi.
- Heu ouais, mais... Ritsu, où est ta maman ? demande Natsu. Elle est avec lui ?
C'est vrai que j'ai omis de leur parler de toute l'histoire depuis le début. À cette époque, je n'avais que mon point de vue, pas celui de mon père qui aurait bien plus à répondre pour cette question.
- Maman... est au ciel...
Mami Rei caresse ma joue comme me consoler, mais ça ne sert à rien, mes larmes ne veulent toujours pas sortir alors que j'ai envie de pleurer. Papi Enji me caresse la tête.
- Cessons de parler de ça, conclue-t-il.
***
Plus tard dans la journée alors que le soleil s'incline vers le midi, mon père était déjà arrivé essoufflé aux portes de la maison Todoroki. Il appréhendait beaucoup les retrouvailles. Avec moi mais aussi avec sa famille. La seule raison qui le motivait à passer le portillon de la terrasse, c'était de me retrouver et me ramener à la maison.
Il frappe à la porte en ravalant sa fierté et regarde Mami Rei lui ouvrir avec un sourire et les yeux presque larmoyants. Elle revoyait son fils aîné après dix ans, forcément qu'elle était heureuse.
- Bonjour Touya...
- ... Salut.
- Entre voyons, tu n'as pas besoin de frapper à la porte.
Ce qu'il fait de ce pas en me cherchant du regard. La nostalgie prend le dessus en revoyant le décor de cette maison où il y a passé le premier quart de sa vie. Les bons comme les mauvais souvenirs resurgissent, mais la plaie a été refermée avec le temps. Maintenant que sa vengeance a éclaté il y a des années, mon père vouait encore une haine profonde envers Papi Enji, mais il n'était plus qu'un étranger sans valeur. Alors il se contentait de passer son chemin sans lui accorder une seule attention.
- Où est Ritsu ? demande-t-il, le visage fermé.
- Elle est dans le jardin avec tes frères et ta soeur, répond Mami Rei. Touya... Pourquoi ne pas avoir dis que tu avais un enfant...?
Mais mon père restait silencieux et se dirigeait vers le jardin, quand Mami Rei le retient fébrilement par le bras.
- Touya réponds moi, je t'en prie.
- Oui, Ritsu est ma fille, ça te va ? répond-t-il sèchement. Ce qui s'est passé je peux pas te le dire.
Sans la laisser poursuivre, il sort en trombe dans le jardin avant de se retrouver face à face avec ses frères et soeurs qui le regardaient avec insistance, sûrement impatients de parler avec lui. Mais Papa les ignore également et s'approche de moi.
- Ritsu.
Je lève la tête en silence avec une petite mine, j'ai déchiré l'oreille de ma peluche en jouant avec. Papa s'abaisse à ma hauteur alors que ses frères et soeurs nous laissent seuls.
- Qu'est-ce que tu as ? demande-t-il.
- Je l'ai déchiré...
Il regarde ma peluche où l'oreille manquante m'est resté dans la main.
- C'est réparable tu sais, je comprends pas pourquoi tu es triste. Au pire on ira acheter une autre peluche.
- C'est la seule qu'il y a.
- Hm, non y'en a plein au stand.
- Mais c'est celle là que je veux...
- Pourquoi ? s'étonne-t-il.
- Parce que c'est le premier cadeau de Papa.
Il sursaute et me dévisage, puis regarde la peluche une nouvelle fois. Me l'offrir signifiait beaucoup pour moi... Je serre ce cadeau contre mon coeur en baissant la tête. Puis Papa baisse la tête à son tour, visiblement honteux.
- Ritsu... Tu t'es sentie seule, pas vrai...?
- Oui...
- Mais... Tu as aimé passer la journée à la plage avec moi ?
- Oui...
- ... Je vois... murmure-t-il. Ecoute...
Je le vois serrer les poings et poser un genou à terre alors que c'est la première fois que je vois son regard devenir aussi émotif.
- Tu veux toujours... rester avec moi ?
Je sursaute. Il affiche un sourire triste et un regard empli de remords en me relevant face à lui.
- J'ai été un très mauvais père pendant des années, je sais... Mais à partir d'aujourd'hui si tu le veux bien, je ferai de mon mieux pour ne plus te rendre triste. Sinon je crois que ta mère m'en voudrait. Tu veux bien rester avec moi ?
- ... Oui.
- Vraiment ?
- Je veux rester avec toi Papa.
- Je vois... sourit-il.
Mais je baisse la tête et les oreilles.
- Mais aujourd'hui je suis triste... Ma peluche est déchirée alors que j'y tiens beaucoup, et je suis partie toute seule... J'étais en colère.
- Tu avais des raisons de l'être.
- Papa...
- Oui ?
- Tu sais...
Mes épaules commencent à trembler et ma gorge se noue. Papa se rapproche pour mieux m'entendre.
- Mami Saya m'a toujours dit que les seuls endroits où je pouvais pleurer, c'était dans la salle de bain... et dans les bras de Papa...
Je vois les mains de Papa trembler et il hoche la tête.
- Oui...
Je me réfugie aussitôt dans ses bras qu'il déploie avant de déverser mes larmes que j'ai si longtemps retenu. Mami Rei pleure en silence à l'entrée de la maison, aux côtés de Papi Enji qui pose une main sur son épaule. Papa resserre son étreinte en cachant son visage dans mon cou et caresse mes cheveux en me berçant.
- Je suis désolé... tremble-t-il. Désolé...
Il recueillait mes sanglots et toute la peine que j'ai accumulé depuis tout ce temps, mes angoisses, ma rage, ma culpabilité... Mes larmes laissent tout sortir, jusqu'à mon envie sombre d'échanger ma place avec celle de ma mère dans l'Au Delà.
J'ai convaincu Papa de passer la journée chez les Todoroki qui sont au courant à présent de toute l'histoire, jusqu'à nos jours. On discutait beaucoup autour d'un bon repas de famille, et mon père s'est fait réprimander plusieurs fois pour quelques erreurs commises à mon égard. L'ambiance était malgré tout chaleureuse, qui le crut ?
Même Oncle Shoto s'est rapproché de son grand frère, puisqu'ils ont pratiquement les mêmes goûts gastronomiques.
Et puis je mourais d'envie de connaitre ma famille comme ils avaient envie de me connaitre.
Puis on est rentré à la maison en train, en fin de journée. Je regarde le paysage défiler de mon côté, Papa me regarde, assis en face de moi et pensif. Cette journée était riche en émotion, et elle s'est bien terminée, alors je ne peux que sourire en espérant que le lendemain soit aussi radieux qu'aujourd'hui.
- Ritsu.
- Oui ?
- Tu veux que je te parle de Maman ?
Je hoche la tête, le coeur battant, et il tapote son siège à côté de lui.
- Alors viens t'asseoir.
Je m'exécute aussitôt et porte toute mon attention sur ses paroles. Il lève les yeux un instant pour réfléchir.
- Par où commencer... Ta mère était une vraie pleurnicheuse, se moque-t-il. La moindre gaffe la stressait et elle avait souvent tendance à grossir la situation de façon dramatique. Disons qu'elle était perfectionniste, surtout quand il s'agit d'une vie à deux. Elle voulait être irréprochable et une mère exemplaire. Quand je l'ai rencontré je pensais vraiment qu'elle venait d'un autre univers pour être aussi naïve, mais aussi pour être avoir une telle bonté envers les gens. Elle voulait toujours faire le bien autour d'elle et ne jugeait jamais les gens aussi facilement. C'est d'ailleurs à cause de son imprudence qu'on a commencé à se fréquenter, et plus j'apprenais à la connaitre, plus je me disais qu'elle avait peut être raison. Maman pleurait souvent oui, mais quand elle souriait...
Il marque un arrêt en gardant le sourire nerveusement, comme si son cerveau faisait un bug. Puis il passe sa main dans ses cheveux en regardant ailleurs.
- Elle...
Mon coeur se serre en voyant de vraies larmes couler sur ses joues alors que son sourire reste scotché à ses lèvres pendant quelques instants, le regard perdu dans ses souvenirs.
- Riku... tremble-t-il.
À cet instant, comme si son coeur était libéré du gouffre infini dans lequel mon père s'était laissé tomber pendant dix ans, tous les souvenirs de ma mère où elle souriait radieusement lui remontaient en mémoire. Je ne peux retenir mes larmes en voyant mon père baisser la tête et éclater en sanglots, se cachant sous ses cheveux blancs neige. Puis je tire légèrement sa manche en essayant de me faufiler sous son bras.
Prête moi de ta tristesse Papa... S'il te plait...
- Papa...
- Mais enfin pourquoi tu pleures toi...? sourit-il en séchant mes larmes. Désolé je pensais à ta mère.
Je me blottis à sa main calée contre ma joue et il essuie ses larmes d'un revers de l'épaule contre le coin de son oeil. Puis il reprend son récit en me parlant de Maman, et je sais maintenant qu'elle était admirable, douce et déterminée. Je souris à mon père qui me rend la même tendresse, et je suis sûre de lui avoir offert le même sourire que ma mère. Un sourire qu'il rêvait de revoir après tant d'années.
Notre deuil peut enfin commencer...
L'année de mes dix-huit ans, mon père est mort...
Je venais tout juste d'être diplômée à l'université où il avait rencontré ma mère, pour au final savoir dans les derniers instants qu'il était malade depuis longtemps. Une maladie orpheline qu'il n'a jamais soigné. Même Sen, qui est devenu mon parrain et père à son tour d'un petit garçon, n'a jamais su que mon père était déjà condamné le jour où je suis réapparu dans sa vie.
Oui. Depuis tout ce temps, mon père était malade... Et il n'en a jamais parlé.
Il a tenu pour moi, jusqu'à s'assurer que je sois maintenant autonome pour tracer seule mon chemin. Il n'a jamais montré les symptômes de cette foutue maladie et a su garder la tête haute jusqu'à la fin. Jusqu'à ce que son corps n'ait plus la force de combattre.
À force d'user de ses flammes, son corps perdait des années de vie.
J'ai beaucoup pleuré à ses funérailles que Papi Enji a organisé en personne. Je lui en voulais de partir aussi vite... De ne pas m'avoir laissé le temps de lui montrer ce que sa fille était devenue. De m'avoir caché de nombreuses choses. De ne pas m'avoir laissé le temps de le connaitre un peu plus.
Ni de lui dire un dernier au revoir de son vivant...
Comme la tombe de ma mère était blanche, celle de mon père était noire et implantée juste à côté de sa femme. Chacune portait le symbole du Yin et du Yang.
Leur symbole...
Au final, mon père a eu ce qu'il voulait. Retrouver ma mère qui l'attendait dans une autre vie. Et ça suffit pour moi pour sourire malgré tout. Je sais qu'à présent, ils sont ensemble et heureux. Quand mon tour viendra, il m'attendront aussi. Alors je dois les laisser partir pour le bien de tous.
Personne n'est revenu déjà pour nous dire si c'est vrai ou pas, mais...
Je sais que dans une prochaine vie, ils se retrouveront, et nous nous reverrons...
Alors Papa, Maman... À bientôt...
Je suis le fruit de l'Union de ces deux réalités opposées...
Même le plus cruel des démons peut tomber amoureux...
Même les anges connaissent une fin...
Mais un Amour pur ne meurt jamais...
Et l'âme des promis se réunit toujours...
FIN
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Vous êtes encore là ?
Prenez le temps de respirer, de boire, manger un morceaux.
C'est fini.
Et je veux TOUT savoir, comme d'habitude :
- Vos ressentis dans l'ensemble
- Votre ou vos chapitre(s) préféré(s)
- Autre chose ?
Pour ma part, c'était très dure de l'écrire cette histoire, mais j'avais besoin de l'écrire parce que ce scénario tournait en boucle dans ma tête et j'ai voulu essayer quelque chose qui sorte du "il vécurent heureux pour toujours".
Oui et non...
Ils sont heureux mais dans une autre vie...
Et j'ai eu encore plus mal d'imaginer Dabi mourir, mais je ne voyais pas de fin plus originale et émouvante que celle ci. Je n'arrive pas à le séparer longtemps de Riku, je m'en donne pas le droit.
Je vous rassure c'est la seule histoire que je me permets de faire un contexte aussi triste avec très peu d'ondes positives et c'est pour ça que je vous ai prévenu à l'avance de ne pas lire cette histoire dans un mood dépressif. Mon but n'est pas de vous miner encore plus.
Bref, c'est terminé, on passe à plus de couleurs et de gaieté.
Merci d'avoir lu
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