1 - Ce qu'il s'est passé

Peut être que beaucoup diront que c'est absurde...
Qu'une personne ne peut changer ce qu'elle a toujours été...

Pourtant...

Même un coeur noirci de haine peut entrevoir un rayon de soleil...
Même le pire des démons peut tomber amoureux...
Même les anges connaissent une fin...



Ma mère venait à peine de terminer ses études artistiques le jour où elle a capté le regard d'un homme. Il trainait souvent près de son université, pensant peut être qu'il pouvait passer inaperçu. Mais un homme louche au regard sombre et encapuchonné, en train de fixer les étudiants attentivement comme s'il cherchait quelqu'un, il avait tout pour se faire remarquer. Ses comportements attisaient la curiosité de ma mère qui était bien naïve à cette époque. C'était une jeune femme très belle, une hybride féline qui plus est, venant d'une famille assez aisée. Mais elle était assez naïve concernant les conflits entre les Héros et les Vilains qui faisaient trembler le pays tout entier. Elle était loin de se douter que cet homme pouvait être l'un des plus dangereux...

Comme elle était très loin de se douter qu'elle allait malgré tout avoir un enfant avec lui.

Alors que les jours passaient, pluvieux comme radieux, mon père était toujours à la même place, à la même heure. Au bout de quelques semaines d'appréhension, ma mère s'est enfin décidée à lui adresser la parole, lui demandant d'abord s'il avait besoin d'un renseignement ou autre. Son approche avait surpris mon père, parce qu'elle lui parlait sans jugement ni crainte. C'était la première fois que quelqu'un osait lui parler comme s'il faisait partie de la société, contre toute attente, ce n'était pas déplaisant.

En réalité, mon père ne suivait non pas ma mère à la trace, mais un des étudiants de son cursus qui avait apparemment des informations intéressantes pour un Vilain tel que lui.

Enfin... C'était au début.

Après ce brève premier échange, mon père revenait très souvent voir ma mère sans lui non plus se douter de ce qui les attendait plus tard. Il me disait que cette femme était comme un cadeau. La seule personne à lui apporter l'attention qu'il a toujours espéré recevoir. En général, les gens qualifieraient un diamant comme un objet précieux ou une voiture de luxe, un bijou, l'argent...

Ma mère était son précieux pur.

Ce n'était pas pour autant qu'il la traitait comme un objet, bien au contraire. Comme ma mère était très convoitée pour sa beauté et sa bienveillance, mon père la protégeait au départ par besoin d'attention, une sorte de dépendance affective qu'il commençait à ressentir au point de vouloir tuer pour la garder près de lui. Elle était la seule personne, par ses gestes et ses paroles, à savoir le canaliser. Parfois en oubliant sa nature. Ma mère savait qu'il ne lèverait jamais, ô grand jamais, la main sur elle. Peut être que mon père était quelque peu jaloux de ses rivaux, mais il n'a jamais été violent avec ma mère, ni même avec aucune autre femme.

Puis cette attirance qui les rejoignait toujours s'est transformée en passion.

Sans s'en rendre compte, ma mère est tombée amoureuse d'un criminel. Premièrement par son regard. Un regard turquoise des plus envoutants et clairs. Même si mon père s'efforçait à ne laisser paraitre aucune émotion, devant elle, il n'arrivait jamais à cacher son désarroi, sa souffrance, sa haine profonde pourtant bien ancrée dans son coeur. Ma mère avait ce don de percevoir l'âme véritable d'une personne.

Puis son amour pour lui s'est accentué le jour où il s'est confié à elle pour la toute première fois depuis leur fréquentation, lui dévoilant sa véritable identité qu'elle avait étonnamment deviné, jusqu'à avouer ses sentiments pour elle. Il lui avait pourtant répété maintes fois de s'éloigner de lui comme il devait s'éloigner d'elle pour le bien de tous, mais ma mère n'a jamais été du genre à attendre le "bon moment" et en guise de réponse, sans plus réfléchir...

Elle l'a embrassé.

Au même moment, cette flamme qui brûlait en eux s'est déchainée et c'est à ce moment précis qu'ils ont tourné le dos à la raison. Au diable les conséquences, les bonnes moeurs, les obligations, les jugements, la différence...

Après ce jour, tout est allé très vite. Même si mon père continuait ses crimes, tous les deux se sont mis d'accord pour vivre ensemble. Ma mère ne cautionnait pas même par amour ce que mon père infligeait à la société. Dresser peut être une guerre civile entre les Vilains et le reste du monde. Alors les disputes éclataient souvent entre eux à ce sujet. Ma mère voulait lui faire comprendre sa version du monde beaucoup trop empathique, mon père voulait lui faire ouvrir les yeux sur le vrai visage du monde. Personne n'avait raison, et personne n'avait tort dans les deux camps.

Mes parents étaient la parfaite fusion de deux mondes opposés...

Mais malgré ces disputes qui ont souvent failli les conduire à se séparer, ils réussissaient toujours à s'expliquer calmement et se réconcilier comme si l'ombre et la lumière faisaient la paix.







Tout ce parcours pour au final apprendre quelque chose d'inattendu un beau matin de printemps.

- Qu'est-ce que tu as dis...?? tremble mon père en regardant ma mère larmoyante, sous le choc.

- Je suis enceinte... pleure ma mère sans oser lever la tête.

Mon père m'a dit qu'il avait beaucoup de mal à réaliser. Pour lui, c'était impensable, voire même surréaliste, qu'il soit père un jour. Pourtant ma mère ne plaisantait pas sur une révélation aussi grave et ses larmes étaient bien réelles. Il n'était pas préparé à ça et ne savait pas comment réagir, ni quelle décision prendre. Il s'en voulait d'une part, parce qu'il savait que ma mère était fragile, émotionnellement comme presque physiquement.

- Je... se racle-t-il la gorge en passant sa main dans ses cheveux. Je sais pas quoi dire là...

- Tu n'es pas obligé d'accepter, panique ma mère en prenant son visage entre ses mains frêles. Je sais que l'IVG est très mal interprété dans notre pays, mais je peux avorter ! Je ne t'en voudrais pas si tu me dis que tu ne veux pas de cet enfant, que tu n'es pas prêt--!

- Hé Riku, respire ! coupe mon père en prenant ses mains, encore sonné. J'ai encore rien dis ! Alors calme toi.

Ce que mon père supportait très mal à cette époque, c'était de voir à quel point ma mère était terrifiée à l'idée qu'il pouvait être le fameux "papa (non) courageux" et l'abandonner, enceinte dans ce petit appartement, et fuir ses responsabilités. Il détestait la voir se faire de telles illusions, même s'il comprenait sa peur.

- C'est sûr que... Ca fout un coup... soupire-t-il en baissant la tête vers ses mains. Mais faut pas oublier ce que je suis Riku. Je suis recherché et je t'ai embarqué dans un cercle vicieux, alors un gosse dans ce contexte...

- Mais je m'en fous de ce que tu es aux yeux de cette foutue société, je t'aime toi, pas ce type qu'on nomme Crématorium ! Les gens ne voient pas la personne que je vois en face de moi ! Je te demande juste si tu le veux...!

- J'ai pas fini idiote, rit-il nerveusement. Je le sais tout ça, mais saches une chose c'est que je vais pas t'abandonner juste pour ça. Retire toi cette idée conne de ta tête.

- C'est vrai...? tremble ma mère.

- Je vais pas t'abandonner Riku. La vraie question c'est... Est-ce que toi tu te sens de le vouloir ?

- Mais... Je ne veux pas que tu regrettes à cause de moi...

- Regarde moi dans les yeux, ordonne mon père en lui levant le menton. Rappelle moi un seul moment que j'ai regretté avec toi.

- ... Aucun...

- Tu vois. Je te cache pas que ça me stresse tout ça et que ce sera difficile à l'extérieur. Mais tu me connais maintenant, tu dois savoir que j'assume toujours les conséquences de mes actes.

- Je ne veux te forcer en rien Bébé... Même si... J'ai très envie qu'on soit une famille.

"Famille"... Ce mot laissait apparemment mon père en transe interne, mais venant de la bouche de ma mère, il sonnait presque comme une libération. Un passage à une autre vie, un sens au futur.

Par ailleurs, malgré un début de grossesse un peu maladroit, personne n'aurait pu se douter que mon père pouvait autant s'investir aussi sagement pour recevoir son premier enfant. Il s'est gardé d'annoncer sa paternité à ses contacts Vilains. Ma mère se confiait beaucoup à mes grand parents, alors ils étaient les seuls au courant de sa grossesse. Même s'ils n'ont pas complètement accepté mon père au sein de la famille Nekomura, ils respectaient les choix de leur fille unique. Ma mère allait avoir son premier enfant, fait par amour, alors elle était heureuse.









Mais au cours des derniers mois, rien ne se passait comme prévu...

Ma mère est tombée malade entre temps, ce qui l'a beaucoup affaibli. Elle souriait beaucoup pour rassurer mon père qui gardait malgré le stress intense la tête froide. Il veillait souvent la nuit sur ma mère, quitte à ne pas sortir toute une journée pour s'occuper d'elle, ne voulant jamais la laisser seule. Il lui disait que même s'ils perdaient le bébé, il voulait s'assurer que ma mère reste en bonne santé. Mais même une simple maladie saisonnière peut donner le coup de grâce.

Dans la nuit du 1er au 2 novembre, tout s'est très vite enchainé. Beaucoup trop vite...

L'orage était une tempête, les routes étaient soit inondées, soit bouchées par les embouteillages. Le tonnerre grondait à chaque fois que ma mère hurlait de douleur suite à ses contractions de plus en plus violentes. Elle n'était pas déplaçable jusqu'à l'hôpital qui se situait de l'autre côté de la métropole, le travail de l'accouchement s'est déclenché à la maison.

Mon père m'a raconté qu'il avait très peur pour ma mère cette nuit là, bien qu'il essayait de ne rien laisser paraitre. Comme le médecin ne pouvait pas se déplacer à cette heure à cause des intempéries et de la circulation, il a préféré appeler en urgence un de ses contacts en qui il tenait une grande confiance. Une ancienne médecin militaire d'une cinquantaine d'années du nom de Rosa. C'était une femme forte de caractère, mais compréhensive et à l'écoute. 

- Depuis combien de temps elle souffre ? demande-t-elle en retirant son manteau.

- Environ deux bonnes heures, répond mon père en tenant la main de ma mère.

- Bon. Je veux que tu la rassures et l'encourages, elle en a besoin. Petite, si tu as envie de hurler, ne retiens pas d'accord ? On s'en fout des voisins, n'en fais pas cas.

Ma mère a hoché la tête en serrant très fort la main de mon père. Elle écoutait les conseils de Rosa et la voix de mon père au creux de son oreille. Son angoisse grandissait à chaque fois qu'il voyait ma mère pousser de toutes ses forces, craignant qu'elle n'ait plus assez de forces pour continuer.

- Dabi...! panique ma mère, larmoyante.

- Calme toi et respire...

- J'ai peur...!

- Je sais... Mais je sais que tu peux le faire, encourage mon père en entrelaçant ses doigts aux siens. Tu vois je t'abandonne pas et je te lâcherai pas.

Jusqu'au levé du jour, l'accouchement a paru interminable pour ma mère qui n'a pas ménagé ses efforts jusqu'à entendre mes tous premiers cris. Mon père était fatigué par le stress, mais mes pleurs l'ont bien réveillé. Rosa m'a enveloppé dans un linge propre en me souriant. Apparemment je ne pleurais pas comme un bébé ordinaire, mais plutôt comme un chaton qui venait de naître. Comme les chats, je suis née aveugle.

- C'est une fille, annonce-t-elle.

Mon père me regarde un instant, le temps de réaliser, puis me prend dans ses bras avec un peu d'hésitation. Il me tenait comme si j'étais faite de verre extrêmement fragile sans oser bouger pour éviter de me faire tomber. J'arrive encore à me rappeler de la chaleur de ses bras...

- Tu as fais du très bon travail Riku... félicite-t-il, les mains un peu tremblantes.

Mais ma mère ne répondait pas et gardait les yeux fermés. Le visage de mon père se fait tout à coup plus émotif alors qu'il prenait sa main en la lui caressant avec le pouce.

- Riku ??

Heureusement, ma mère ouvrait enfin les yeux avec difficulté en cherchant mon père du regard. Il soupirait de soulagement en lui faisant poser sa main sur moi. Un sourire faible s'était dessiné sur le visage de ma mère.

- Elle est là... murmure-t-elle. Est-ce qu'elle va bien...?

- Elle va bien t'inquiète... Mais je te retourne la question.

- Je suis si fatiguée... Et j'ai un peu froid...

Mon père l'a alors couvert un peu plus avant de reprendre sa main en attendant Rosa qui bataillait pour appeler un hôpital d'urgence pour s'occuper de ma mère dont l'état restait encore inquiétant.

- Elle en finit jamais de pleurer ma parole... se moque mon père.

- Tu as dis que tu avais choisi un prénom pour elle...

- Ouais... Ritsu, ça te va ?

Ma mère a simplement hoché la tête, incapable de parler par manque de forces.

- Elle te ressemble plus qu'à moi. Je sens déjà qu'elle est forte... Et d'ailleurs Riku, je pense que je peux te faire une promesse.

- ... Laquelle...?

- T'auras plus à te soucier de rien parce que je vais quitter l'Alliance. Ritsu est là maintenant alors... J'ai conscience que ce que je fais va vous mettre en danger à toutes les deux. Alors voilà, j'arrête tout aussi parce que--

Sans avoir eu le temps de finir sa déclaration, la main de ma mère s'est échappée de celle de mon père, retombant lourdement sur le drap.

Au même moment, le cerveau de mon père a disjoncté...

- Riku...?

Il secouait doucement son poignet pour la réveiller, aucune réaction. Puis il palpait dans la hâte son cou pour trouver un pouls, mais il n'y avait plus rien. Alors que je continuais de pleurer, mon père ne m'entendait plus. Ses oreilles bourdonnaient et son coeur s'accélérait de transe. Rosa est revenue me récupérer alors qu'il essayait désespérément de réanimer ma mère en l'appelant, suppliant qu'elle revienne.

Mais c'était trop tard...

Ma mère s'est endormie pour toujours...

Ce qu'il s'est passé ensuite, mon père n'a jamais voulu me le dire, mais je sais qu'il en est devenu fou. Apparemment, Rosa ne l'a jamais vu aussi détruit, ni pleurer pour quelqu'un. Mon père qui d'habitude ne pleure que très rarement, à la mort de ma mère, il était anéanti au point de hurler de rage et de chagrin.

Il l'aimait, et aucun des deux n'a eu le temps se le dire une dernière fois...

Ma mère a donné la vie... Et je lui ai volé la sienne...

À suivre...?

---

À partir de là, la narration sera au présent.

Aussi, est-ce que ça vous convient du point de vue de Ritsu, ou est-ce que je reviens à une narration d'un point de vue externe ?

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top