quatre

Depuis le bastingage, Hector regardait d'un œil grincheux l'équipage s'agiter. Malgré son désaccord pour cette aventure, le Black Pearl avait levé les voiles quelques heures après que Calypso s'en fût retournée à son royaume sous-marin. Tandis que Cotton tenait la barre, Elizabeth et Gibbs étudiaient les cartes derrière lui. Lever l'ancre sans même connaître notre cap. Jaack grimaça bruyamment en sautant sur son épaule et Barbossa l'imita en décidant de rejoindre son roi. Près de lui, Pintel et Ragetti se chamaillaient déjà avec Mullroy et Murtogg sur les nœuds des cordages. Hector les ignora et monta les marches pour atteindre la barre. Elizabeth l'accueillit avec un sourire alors qu'il remarqua la silhouette de Jack dans l'ombre de sa cabine dont les portes étaient grandes ouvertes. Il semblait songeur.

Être choisi par le pandemonien. Hector retint un rire nerveux. Il ne leur manquait plus que ça. Les pirates étaient déjà menacés par la Compagnie des Indes qui grandissait sur les côtes du monde entier et par les humeurs vengeresses de la déesse des mers qui ne leur offrirait plus aucun don. Un monstre mythique, dévoreur d'âmes à ses heures sombres et capable de manipuler Jack Sparrow à ses meilleures, était la dernière chose dont le monde de la piraterie avait besoin. D'où surgissait cette créature après tant d'années de silence ? Que désirait-elle vraiment de Jack ? Et que pouvait bien lui vouloir l'Empire britannique, au point d'avoir réussi à la capturer tandis que la moitié de sa flotte affrontait les pirates du monde entier ? La Compagnie avait toujours eu de lourds secrets et de sombres désirs, mais rien ne pouvait être plus inquiétant que ce qu'ils attendaient du pandemonien. Avec un tel monstre à leurs côtés, ils pourraient anéantir tous leurs ennemis en une seule nuit sans perdre un seul homme. A cette seule idée, Hector s'enragea un peu plus. Ils allaient vraiment devoir libérer la bête s'ils voulaient vaincre la Compagnie.

« Capitaine Barbossa, le salua Elizabeth en se penchant de nouveau sur les cartes. Calypso ne nous a donné aucune coordonnée et Jack et son compas... s'avèrent parfaitement inutiles pour l'instant, soupira-t-elle. Gibbs m'a renseigné à propos du pandemonien. C'est une créature que ne connaissent que les marins, je n'avais entendu à son sujet que des récits pour faire peur aux enfants. Différentes histoires pour le même monstre.

Elle pointa du doigt la Méditerranée sur une carte du monde pour ensuite en observer une autre de l'Afrique de Nord.

− Alester Chamberlain est un chasseur de prime, murmura-t-elle en effleurant les côtes libyennes du doigt. Avant d'être élue leader de la Compagnie des Indes, elle agissait sous l'ordre du roi et ce dès ses quinze ans. Elle est un soldat redoutable, une tueuse sans pitié.

Son index s'arrêta sur Tripoli. Barbossa se pencha en même temps que Gibbs sur la carte.

− L'Empire lui a offert une île, à l'ouest de Tripoli, continua-t-elle. Une île-prison, où elle a l'autorité absolue sans droit de regard du roi lui-même. Sur cette île, elle enchaîne, elle torture, elle tue. Des rumeurs courent depuis des années. Elle aurait capturé plusieurs sirènes, aurait appris à maîtriser un vaudou très noir et aurait ramené une pierre immense, rouge, des confins de Madagascar. Nul ne sait ce qu'elle en fait. Son siège est sur cette île, le pandemonien pourrait s'y trouver.

Avant qu'Hector ne pût râler, Gibbs prit la parole.

− Des sirènes ? répéta-t-il ahuri avant de lever des yeux terrifiés vers Barbossa. Une pierre rouge de Madagascar ?

Barbossa comprit immédiatement son inquiétude.

− Une larme de Huitzilopochtli.

Elizabeth se tourna vers lui.

− Qui ?

− Un dieu aztèque de la guerre, expliqua-t-il tandis que Gibbs tremblait. Il pleura trois fois sur le monde et ses larmes tombèrent sur terre, rouges du sang de tous ceux qui étaient morts pour lui. Ces larmes se nourrissent de magie, leurs alentours sont envahis de créatures dangereuses et étrangères.

− On raconte que ces larmes sont les œufs de créatures monstrueuses qui répandront le chaos dans notre monde, déclara Gibbs.

− Ou le bien, corrigea Barbossa, au service de ceux qui les verront naître.

− Le kraken a été le premier à voir le jour, ajouta Gibbs les yeux fous. Davy Jones et sa malédiction ont lentement nourri l'œuf durant des décennies et lui ont permis d'éclore le moment venu.

Elizabeth contempla les cartes, dubitative.

− Alester Chamberlain voudrait... s'attirer les faveurs d'une de ces créatures en lui donnant naissance ? Dans l'unique but d'anéantir les pirates ?

− Beckett voulait posséder Davy Jones, appuya Gibbs.

− Mais il lui a aussi donné l'ordre de tuer la bête, songea Hector.

− La Compagnie chercherait à détruire les larmes ? suggéra Elizabeth.

− Non, répondit Hector. Non, elles ne sont d'aucun danger sous cette forme et elles sont bien trop précieuses pour ceux qui veulent le pouvoir.

− Ce serait une simple question d'ambitions ? réfléchit Gibbs, perplexe. Un moyen d'étendre leur suprématie sur les pirates et sur les routes commerciales du monde ?

Elizabeth dévisagea le pirate aux ongles noirs. Barbossa gardait le silence.

− Chamberlain est au service de la Couronne, affirma-t-elle, mais elle est libre de faire comme bon lui semble. Je crois que l'argent et le monopole international ne l'intéressent pas. En revanche elle a toujours été fascinée par la magie. Les légendes sur Barbe Noire et ses zombies l'ont toujours obsédée. Elle clamait qu'elle serait aussi puissante que les dieux païens des plus immoraux des hommes, qu'elle est l'envoyée de Dieu pour purifier le monde.

Gibbs haussa les sourcils en posant ses mains sur sa ceinture, peu impressionné. Barbossa s'anima de nouveau.

− Le kraken était un essai, souffla-t-il en réalisant. Ils cherchaient à tester les capacités de la bête et le lien entre la bête et le maître. Ils l'ont faite tuer pour laisser place à la prochaine créature, afin qu'elle soit l'unique monstre des océans, l'unique arme capable d'éradiquer les ennemis de l'Empire.

Le silence s'effondra lourdement entre eux tandis que Cotton se retourna, le visage horrifié par la théorie de Barbossa. Elizabeth voulut lui répondre que c'était insensé, mais elle s'arrêta. Jack était sorti de sa cabine, adossé au bois, les yeux brumeux tandis que le compas dans sa main pointait en direction de l'Afrique.

− Et quel serait le rôle du pandemonien ? murmura Elizabeth.

− Calypso l'a dit, émit faiblement Jack en venant poser le compas sur les cartes. Le pandemonien est la Mort. Il n'a d'humain que l'apparence. Le torturer et le garder près de la pierre nourrirait la créature dans l'œuf pour des siècles d'existence. Alors... cap sur Tripoli, souffla-t-il. »

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