Chapitre 8 : le Don de Jade (non corrigé)
Je tremblais de tous mes membres. Ma mère dut plaquer sa patte contre sa gueule pour étouffer son cri d'horreur.
J'avais en face de moi mon double, qui se dressait pour affronter un Dragon vingt fois plus gros que lui. J'étais vieux. J'avais vingt ans de plus qu'aujourd'hui, et pourtant mon agressivité n'avait pas semblé fondre avec les années.
Le Dragon éclata d'un rire puissant, ce qui secoua les cendres étalées au sol.
-Tu crois pouvoir me battre, misérable Erkaïn ?! sourit-il, méprisant. Tu mens ! Le Dragon de Jade n'existerait pas, apparemment, et tu le sais aussi bien que moi !
A ma plus grande surprise, le moi âgé plaqua les oreilles en arrière, soudain terrifié.
-Je peux te battre sans ! beugla-t-il.
-Non, petit panda naïf ! Tu es le seul à pouvoir en finir, mais seulement si tu te décides à enfin utiliser ton Don !
Le Dragon se pencha vers l'autre Kenfu et eut un sourire méprisant. Il scruta le regard émeraude de ce dernier, les yeux plissés, et se redressa en sussurant :
-Oh, je vois que tu ne sais rien... se moqua-t-il, tournant autour de sa proie.
Tétanisé, je vis le vieux panda-roux feuler : il savait que le Dragon disait vrai. Quant à moi, je n'arrivais pas à réfléchir. Trente ans étaient passés, et pourtant je ne savais toujours pas quel était mon but. D'où venait mon Don. Les larmes me montèrent aux yeux et roulèrent sur mes joues recouvertes de cendre lorsque le Dragon expliqua :
-Je n'ai qu'un but, celui d'accomplir enfin ma vengeance. Mais toi et tes petits amis ne cessez de me freiner !
Il se stoppa, imposant, puis rugit :
-Les Mondes ne doivent pas exister ! Tout ceci n'apporte que guerre et mort !
-Pourquoi tant de haine envers les Mondes ? riposta enfin l'autre moi. Ils sont là pour préserver la paix entre les peuples !
-Faux ! Tu ne comprends donc rien ?! Qu'aurais-tu ressenti si tous tes amis, tes proches, se seraient sacrifiés pour les créer ?! Pour créer des Mondes qui n'enclenchent que de nouvelles guerres, de nouveaux morts !
Le panda-roux ouvrit la gueule. Il avait compris quelque chose.
-Tu... Tu es Enory ?!
-Ne prononce plus ce nom ! hurla le Dragon, et il envoya sa queue hérissée de pic faucher l'autre moi.
Mais ce dernier esquiva et s'égosilla à son tour :
-Alors c'est ainsi ?! Tu veux détruire tout ce qui reste de tes amis ?! C'est comme ça que tu leur rends hommage ?!
L'autre se tut, et moi j'étais pris de vertiges. Enory était l'un des Huit Créateurs des Mondes ! Epouvanté, je me promis qu'en rentrant, je demanderai à Kaï de tout m'expliquer sur ces derniers.
-Ce sont les Mondes qui les ont tués ! Ce sont les Pierres qui ont mis fin à leurs jours !
C'était trop d'informations pour moi. Je ne comprenais plus rien, à vrai dire. Quelles étaient ces Pierres ?! Et de qui parlaient-ils, qui étaient ces "amis" ?!
-Mais il n'y a que deux personnes ici qui possèdent le pouvoir de les détruire, poursuivit le Dragon, plus calme.
Aucune réponse.
-Oui, tu le sais ! s'exclama l'esprit noir, victorieux. Il n'y a que toi qui puisse me tuer ! Car oui, nous ne sommes qu'un ! Tu portes en toi l'esprit d'Enory, tout comme moi !
J'ouvris la gueule, épouvanté, et m'écroulai dans la cendre. Voilà qu'enfin la vérité m'était offerte. Si mon sang s'était figé dans mes veines et que mon cœur s'était arrêté de battre, j'en vins à me demander pourquoi l'autre moi n'était pas au courant s'il était censé l'avoir appris dans son passé, c'est-à-dire dans mon présent.
Je me tournai vers Kaï, les yeux exorbités, et lui répétai mes pensées.
Il plissa les yeux et murmura :
-Comment sais-tu qu'il ne savait pas ?
J'ouvris la gueule, mais aucun son n'en sortit. Avait-il raison ?
Je me secouai, tremblant, en me rappelant soudainement ce qui vivait en moi. L'esprit déchiré d'un des Huit Créateurs. Je possédais en moi autant de magie qu'une des Huit Pierres.
Cette nouvelle me serrait tant le poitrail que je ne parvenais même plus à respirer.
-Alors, commençai-je d'une voix faible, pour tuer ce Dragon, je devrais mourir ? Je devrais me tuer moi même, en quelque sorte ?
A ma plus grande surprise, mais horreur également, Kaï haussa les épaules et grimaça :
-C'est trop loin pour moi. Ça n'est plus mon époque de charge.
Cette fois ci, ce fut au tour de ma mère de pousser un cri d'horreur, épouvantée.
-Kaï... gémit-elle, les yeux ronds. Ça veut dire que dans vingt ans... Tu es mort ?
La vieille tortue hocha lentement la tête, l'expression désolée.
Je fus pris d'un haut-le-cœur : Kaï serait mort. Moi également. Ma mère également. Qui resterait-il, à part Morgan, supposons qu'il survive à la bataille ?
Mais je n'eus pas le temps d'y réfléchir : une pluie de gravats et de cendres nous tomba sur la truffe, éparpillant sur quelques mètres un épais nuage de cendres. Lorsqu'il se dissipa à nos coups de mains et toux rauques qui s'échappaient de nos gorges, nous pûmes apercevoir une forme poilue mal en point étendue sur le flanc, la respiration difficile.
Les yeux plissés, je poussais cette fois ci un véritable hurlement terrifié lorsque je compris qui était ce Erkaïn à la fourrure brûlée et arrachée, souillé de sang.
Sinna.
Ses yeux azurs qui me fixaient, troubles.
Et puis brutalement, l'autre moi surgit par derrière pour faire barrière de son corps, feulant contre nous. Aussitôt, il se pencha sur Sinna et vérifia son état :
-Sinna ! s'étrangla-t-il en voyant son pelage arraché et ses plaies ensanglantées.
Mais alors qu'il cherchait une source d'aide du regard, affolé, ses yeux croisèrent les miens.
-Non d'une salamandre, j'avais oublié...! souffla-t-il, horrifié.
L'instant d'après, le Dragon l'attrapait d'une patte puissante et je vis que les combats avaient repris tout autour de nous.
Je fis un pas vers la vieille Sinna, mais un cri d'alerte m'arrêta.
-Kenfu, on rentre ! s'alarma Kaï, les yeux exorbités, la respiration difficile.
Il était tétanisé, la mine épouvantée.
-Il se passe quoi ? grimaçai-je, inquiet.
Il s'écroulait presque au sol, plus faible que jamais. Il réussit cependant à articuler d'une voix faible :
-L'autre Voyageur est là.
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