Chapitre 6 : Douleur et sentiments (non corrigé)
Dans les heures qui suivirent, notre ridicule assemblée termina d'affiner les petits détails de notre plan. Nous conclurent après un vote interminable que l'assaut aurait lieu dans une semaine ; d'ici là, il faudrait installer le camp, récupérer les armes et les vivres, continuer les recherches des victimes du bombardements qui n'avaient pas été encore retrouvées.
Tous ne tardèrent pas à quitter la tente principale ; Jeane et son copain allèrent à l'infirmerie pour faire soigner leurs blessures, tandis que Aïru et Kaï devaient aider à l'organisation du camp et des recherches.
Ne restait que Sinna, George et moi. Dans les secondes qui suivirent le départ des autres, personne ne parla ; puis, au bout d'un long moment, George toussota, gêné, et se tourna vers moi :
-ça va, tu tiens le coup ?
-A ton avis ?! rétorquai-je, froid et agressif.
L'autre haussa les épaules, et je sentis Sinna se crisper.
Le silence retomba.
-Kaï est un bon Roi, finit par déclarer l'ours.
-C'est ça, et moi je suis un bon citoyen, un bon fils, un bon élève, et un bon ami, crachai-je, dur.
Ne pouvait-il donc pas se taire ? N'avait-il donc aucun respect pour ce que je pouvais ressentir ? Je savais, au fond de moi, que Kaï aurait pu sauver ma mère. Mais il n'en avait rien fait. Pourquoi avais-je dormis durant le bombardement ? Ce n'était sûrement pas non plus une coïncidence.
George préféra se lever et quitter la tente sans un mot. Je reniflai, agacé, et je m'enfonçai sur ma chaise.
Ma gorge se serra ; ma mère aurait su quoi faire. Elle avait toujours su, et c'était sans nul doute la meilleure pour savoir quoi dire et comment agir en fonction de la situation. Mais voilà qu'elle était partie, et que plus jamais elle ne reviendrait. Je sentis les larmes me monter aux yeux, mais je détournai vivement la tête lorsque je me rappelai que Sinna était toujours là, à mes côtés, à me fixer sans bruit.
Elle frotta sa main contre ma joue, mais j'eus un mouvement de recul ; pourquoi montrait-elle soudain autant d'affection ? Je voulais bien qu'elle soit compatissante, mais il y avait des règles à respecter, une limite à ne pas franchir.
-Kenfu... murmura-t-elle. George n'y est pour rien.
Je pivotai brusquement vers elle :
-IL AURAIT PU LA SAUVER ! hurlai-je, en proie à une douleur et à une rage indescriptible, les larmes roulant à présent sur mes joues. MAIS IL N'EN A RIEN FAIT ! COMME TOUT LES AUTRES !
Elle me regarda, les yeux humides, et je baissai les yeux. Le monstre était prêt à jaillir, coincé là, au fond de ma gorge, et j'en avais la nausée. Voilà que lui aussi allait s'y mettre ? Je me surpris alors à espérer qu'il sorte, qu'il me tue, comme Kaï l'avait évité l'autre jour. Cela aurait été bien plus facile...
Soudain, alors que je relevai les yeux, Sinna bondit et colla ses lèvres contre les miennes. Les yeux écarquillés, je restai tétanisé, paniqué. Le monstre fila au plus profond de mes entrailles et je titubai vers l'arrière, trop choqué pour dire quoi que ce soit.
Je me dégageai brusquement et la jeune femme resta plantée là, à deux mètres de moi, l'expression indéchiffrable. Je peinais encore à réaliser ce qu'il venait de ce passer ; Sinna m'avait-elle réellement embrassée ? Je revis la scène, horrifié, et l'hébètement fit place à la rage :
-Mais ça va pas ou quoi ?! L'agressai-je, terriblement frustré et en colère. T'es malade !
Je tournai les talons et quittai la tente principale par la sortie arrière en faisant claquer mes talons sur le sol. A l'extérieur, je ne m'arrêtai pas ; mon pas accéléré devint un saut, puis une course folle jusqu'à l'épuisement. Je me changeai en panda, et bondit sur un toit en ruine, ignorant les débris qui me griffaient les coussinets. Si les larmes coulaient à flots sur mes joues, le vent qui me fouettait la truffe me vidait la tête. Je ne m'arrêtai pas ; bondissant de toit en toit, les membres douloureux, le cœur déchiré en morceaux.
Seule la fin de la rue m'arrêta, et je dérapai sur la pierre grisâtre. Au delà s'étendait une vaste plaine, décorée de quelques arbres à l'horizon. J'ignorai qu'une partie de l'île de Stellarium possédait une partie sauvage. Mon cœur tambourinait contre ma poitrine, mes pattes tremblaient et les larmes m'aveuglaient.
Je peinais à respirer ; la douleur était telle que je finis pas céder, et je hurlai. Mon cri déchirant résonnait dans la plaine, par écho, à ne plus en finir. Pourquoi Sinna m'avait-elle embrassée ? Pourquoi Kaï n'avait-il pas sauvé ma mère ? Pourquoi les Changers attaquaient-ils Phoenix, sinon une soif de pouvoir immensément grande ? Mon hurlement d'agonie se prolongea, et je me pliai en deux. La douleur de mon cœur en mille morceaux m'était insupportable, tout comme l'image de ma mère brûlée, ou encore l'air dépité de Sinna devant mon rejet.
Tout à coup, ma voix se brisa. Je ne pouvais plus crier ; mon cœur sembla s'arrêter de battre, et ma respiration fut coupée.
Sinna...
Pourquoi m'avait-elle embrassée ? J'avais beau me dire qu'il y avait plus urgent à se demander, à comprendre, et pourtant c'était bien là ce qui me tourmentait le plus. Je m'assis sur le bord de l'habitation, alors que les larmes ruisselaient toujours sur mes joues.
-Est-ce qu'elle m'aime ? me demandai-je à voix haute, interdit.
Je restai planté là, et un frisson étrange me parcourut. Cette idée me semblait irréaliste, comme lointaine. Était-ce seulement possible ? Puis je me rappelai, sa main qui tenait la mienne à l'hôpital, quand elle m'avait serré contre elle quelques jours plus tard. Je fronçais les sourcils ; j'avais oublié que pour elle, ce passage n'avait jamais eu lieu ; Kaï en était le responsable. Mais elle l'avait fait lorsque j'étais arrivé au camp des réfugiés. Sa tête posée contre mon épaule, sa main caressant ma joue, et puis ce baiser si soudain...
Je donnais un violent coup de patte dans un débris. Elle était si stupide ! Pourquoi faire cela maintenant, alors même que je venais de perdre ma mère et que la guerre était officiellement déclarée ?
Je me roulai en boule au creux des débris, tremblant : je n'en pouvais plus de réfléchir, de me poser tant de questions, qui tournaient incessamment dans mon esprit comme un poisson rouge dans son bocal. Cela me faisait si mal, et la douleur était insupportable. Un nombre incalculable de choses ne cessaient de me tomber sur la truffe, sans s'arrêter, et arrivait le moment où je ne pouvais plus rien encaisser.
Et même à cet instant, on continuait de s'acharner sur moi. Sinna ne pouvait-elle donc pas comprendre que c'était bien la dernière chose qu'il me fallait ? A présent que j'étais forcé de la rejeter, je me rendis compte, horrifié, que cela me faisait aussi mal que de perdre ma mère.
Si j'aimais aussi Sinna, elle ne devait jamais l'apprendre. Je n'avais pas besoin de ça, et jamais nous ne devrions être ensemble. Elle n'était qu'inconsciente du danger qu'elle courait en étant si proche de moi, de demeurer nullement peureuse devant le Dragon. Non, jamais je ne supporterai de la savoir à mes côtés alors que la créature qui dormait en moi pouvait se réveiller à tout instant.
Je me levai brusquement et titubai jusqu'au bord de l'immeuble. Pris de vertiges, je dégobillai le peu que contenait mon estomac, et un liquide verdâtre s'étala en une petite flaque au pied de l'habitation en ruine.
J'avais si mal. Mon corps entier tremblait, était secoué de soubresauts. Je devais contenir le Dragon, l'empêcher de sortir. Ma colère, ma douleur, ma tristesse, tout surplombait mon sentiment d'impuissance devant tous les événements qui s'enchaînaient devant moi.
Je hurlai de nouveau, sanglotant, et fit volte face, les yeux fous : je repérai un morceau de débris pointu et l'aggripai d'une main tremblante : je voulais en finir, enfin mettre fin à mes tortures intérieures.
Oui, c'était égoïste. Plus de Huit Mondes. Du désespoir et de la guerre, voilà tout ce que je laisserai derrière moi. Mais ce n'était pas à un jeune panda roux arrogant et dangereux de sauver les Mondes. Je n'étais pas apte, pas de taille à affronter tout ceci. La douleur était trop grande.
Tremblant, les larmes roulant sur mes joues, je commençai à entailler mon poignet avec le débris.
-Arrête ! m'ordonna une voix sèche.
Je lâchai la pierre et relevai brusquement la truffe ; mon poignet ne saignait même pas. Les yeux exorbités, tétanisé, je n'osais pas faire un geste. C'était impossible. Non, ce ne pouvait pas être elle.
-Tu n'as pas le droit de faire ça, poursuivit cette voix si familière, qui me manquait tant à présent.
Mais je ne voulais pas me retourner. J'avais bien trop peur de ce que j'allais voir. Je devenais fou, c'était certain.
-Regarde nous, mon ami, souffla une autre voix masculine, et je sursautai.
Je fis volte-face et titubai vers l'arrière, trop choqué pour comprendre ce que je voyais.
Que faisait Kaï avec ma mère ?
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