Chapitre 27 : Puissant Désespoir (non corrigé)

Mon cœur battait au rythme de mes pieds qui foulaient le sol cendreux. J'esquivai et bondissai par dessus les cadavres sans leur accorder un regard : je gardai les yeux rivés devant moi, infaillible. Aïru ne pouvait pas mourir. Les larmes me montèrent aux yeux lorsque le souvenir de ma mère défigurée sous la tente me revint. Ma gorge se serra de douleur et je réprimai un sanglot.

Pas lui. J'avais besoin de mon père.

Je titubai maladroitement aux côtés de Sinna et m'écroulait à ses côtés, penché sur Aïru. Un imposant éclat d'obus se logeait au creux de sa poitrine, qui se soulevait à un faible rythme irrégulier.

Il abaissa ses yeux verts dans ma direction, au creux desquels se logeaient des perles de sang, et un faible sourire s'étira sur ses lèvres :

-Je suis désolé, Kenfu.

Il leva une main tremblante, que j'attrapai d'une poigne faible, sans énergie. Mon esprit se faisait vide, et seul sa vision ainsi meurtrie demeurait face à moi.

-Je dois te dire quelque chose, grimaça-t-il, faible.

Je n'esquissai pas un mouvement. Je vivais un cauchemar, c'était là la vérité. Tout ceci n'était pas réel...

-Si je vous ai abandonné, ta mère et toi, poursuivit-il, ses paroles lui arrachant un sanglot. C'était pour la Prophétie... pour Kaï... Ça devait être ainsi...

Je secouai négativement la tête, les yeux fermés. Les larmes roulèrent sur mes joues, amères, douloureuses, lentes. Et, inévitables, les souvenirs déferlèrent. Son rire, moqueur sous la tente tandis que nous trions les fruits il y a seulement quelques jours. Son visage qui avait fendu la lumière pour me hurler dessus à nos retrouvailles, et le monstre qui avait jailli pour la première fois. Sa mine détruite devant le corps de ma mère.

C'était un homme si bon, si courageux. C'était mon père, mon papa, et on me l'arrachait, à coup d'éclat d'obus et de cendres.

Je finis par rouvrir les yeux, le menton dressé vers le ciel. Ma poitrine convulsait sous les sanglots, et je n'entendais même plus les bruits aux alentours. J'avais si mal. Je l'aimais tant.

Je descendis le regard et vis les larmes de sang qui coulaient sur ses joues. Ainsi étendu, dans la cendre et la poussière, il paraissait si vieux. Si creusé, si faible, si frêle.

Il leva la main et essuya les larmes sur ma joue. Si elles furent très vite remplacées par de nouvelles, mon coeur s'en serra de douleur.

-Je t'aime, mon fils, sourit-il.

Je ne sus pas répondre. J'avais seulement mal. Il était là, et la lueur dans ses yeux faiblissait. Son fantôme me souriait, me réprimandait. Son passé me chantonnait une délicate berceuse.

-Je rêve d'un moment qui ne finit pas, sanglotai-je, le coeur meurtrit.

Il lâcha un pleur, sa main crispé sur la mienne. Il ferma les yeux, secoué de spasmes. Je fermai les yeux à mon tour et laissai la mélodie faire de sa mort un mirage. Je ne voulais pas voir. Je ne voulais pas qu'on m'enlève mon papa. Je ne voulais pas voir ses joues se creuser, sa tête flancher sur le côté, ses yeux vides fixer un point que seul lui pouvait voir.

-Je rêve d'une histoire sans fin, repris-je avec grande peine, Il suffit de croire à l'amour, il ne se cache pas bien loin.

La pression de sa poigne se relâchai.

Son air inquiet à ma sortie de l'hôpital, ces belles fleurs déposées sur ma table de chevet. Ses regrets, ses doutes, son absence qui avait creusé ce vide dans ma vie. Il était à l'origine de toutes mes douleurs, de toutes mes peines. Il était si fort, si courageux. Il était ce qu'il me restait, ce sur quoi je pouvais poser le regard pour me rattraper. Pour me ramener à la réalité. Il s'en allait, il quittait ce monde, emportant avec lui le reste de mon coeur en lambeaux.

-Je rêve de capturer le bonheur, et je rêve d'arrêter le Temps ! L'amour fait battre nos cœurs, depuis longtemps...

Les bruits se turent. Le champ de bataille n'existait plus.

Je rouvris les yeux, tremblant, et ma poitrine se déchira lorsque je vis son regard, vide, éteint, me fixer sans même me voir. Son faible sourire de mourant, d'un père éreinté par les regrets, d'un mari torturé par un amour impossible, gardé secret pour le bien des Huit Mondes.

Ses yeux verts qui n'avaient plus d'éclat, ses mains qui pendaient le long de son corps.

-Papa, gémis-je, secoué de sanglots, longs, douloureux, amères. Papa...

Mes membres étaient secoués de tremblements incontrôlables. Je sentis une main me frotter le dos, une tête se poser sur mon épaule alors que je lâchai un hurlement torturé. Le cri de mon coeur brisé. Le gémissement de mon regard brouillé de larmes devant sa mine pâle, devant le cadavre sanguinolant de mon papa. Je pleurai, je gémissais, torturé par la douleur, oppressé par la souffrance. Les larmes roulaient, me secouaient de spasmes.

Il était parti. A jamais.

Même le monstre se taisait. Plus rien n'existait, seule sa poitrine qui refusait de se soulever à nouveau, ses yeux vides. Son regard si terne. Sa bouche qui ne se rouvrirait jamais, qui ne s'étirerait jamais plus pour esquisser un rire.

Je vis Kaï tomber à mes côtés, mais les sanglots m'empêchaient de dire quoi que ce soit. Le vieil homme finit par flancher, lui aussi, pour gémir à son tour.

Je l'avais tant aimé. Et je n'avais même pas eu le courage de le lui dire, à ses derniers instants.

Je lâchai un énième hurlement, les yeux levés vers le ciel de nacre. La pluie, qui avait cessé, reprit de plus belle, et se joignit à mes larmes.

Elles savaient, le monde savait, tous savaient ce que je niai.

J'étais orphelin.

J'étais seul.

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