Je poussai un hurlement de rage et enfourchai l'ennemi d'un coup d'épée bien placée : à mes côté, la jeune Humaine envoyait son coutelas valser à la tempe d'un Changer :
-Deux de plus, bien joué ! railla-t-elle avant de rouler au sol, percutée de plein fouet par un loup.
Mais je ne me préoccupai pas de Thilfea et fonçai droit sur un Aquass ; serpentant entre cadavres et combattants, je pris appuis sur mes jambes et bondis. Recouvrant mes membres de poils et allongeant le profil de mon crâne, j'étais en quelques secondes transformé en Panda-Roux, l'épée dans la gueule. Je tombai rudement sur les épaules de l'être turquoise et il se secoua avec une force surprenante ; je tentais de planter mes griffes sous sa peau aux reflets d'argent mais elles ricochèrent comme sur de la pierre et je gémis. Elle était bien trop dure à percer !
Le monde chavira et je m'écroulai au sol dans une roulade, la colonne vertébrale durement percutée. Même si je peinais à reprendre ma respiration, je dus me relever précipitamment car l'Aquass tendait son arc dans ma direction, le museau plissé de rage. Il décocha soudain sa flèche et je roulai au sol, les yeux exorbités ; comment abattre une créature aussi grande, dotée d'une peau plus solide qu'un roc ?!
-Tu n'as pas ta place sur Phoenix, Erkaïn ! rugit-il en abattant son arc sur ma truffe.
Violemment projeté en arrière, trente six chandelles se baladant devant mes yeux, je titubai sur le tapis de cendre, le souffle coupé. Je laissai le sang s'écouler de ma gueule ouverte, goutter sur la terre couleur nacre.
Il fallait que je me relève. Je ne pouvais pas déjà tomber, mettre une patte à terre ; je ne pouvais pas laisser l'Aquass m'abattre.
Je lâchai un grognement de douleur, mêlé de rage et de détermination, puis bondis sur mes pattes, esquivant de justesse le coup porté sur ma colonne par mon ennemi. Je roulai au sol, agrippai mon épée entre mes crocs pour de nouveau m'élancer sur le dos de la créature aquatique. Même s'il se démena de plus belle, tentant en vain de m'assoner un coup à l'aide de son arc, je tins bon ; puis, d'un cri rageur, plantai la pointe de métal au creux de son orbite droit. Il lâcha un gémissement aigu, douloureux, avant de tomber mort à genoux, le sang bleu nuit s'écoulant de son œil crevé.
Haletant, ruisselant de sang autant bleu que rouge, je me relevai difficilement, une grimace au visage. Il fallait poursuivre les combats ; et malgré mes pattes endolories et les vertiges qui me prenaient a chaque mouvement trop brusque, il me fallait abattre un ennemi de plus.
-Thiflea ? appelai-je, balayant les alentours d'un regard bref, soudain inquiet de ne plus revoir la jeune humaine.
Je me baissai juste a temps pour esquiver une flèche, les yeux écarquillés, puis me relevai d'un bont lorsqu'un loup dévoila ses crocs a quelques centimètres de ma truffe. Pris d'un violent sursaut, je me arcai pour éviter sa puissante mâchoire qui claqua à mes oreilles.
Il bondit ensuite pour me plaquer au sol, et ses griffes acérées se plantèrent au creux de mes épaules. Je lâchai un hurlement de douleur, et la rage m'envahit ; le Dragon mugissait dans sa grotte, désireux de la quitter. Mais me refusant à ceder à la dangereuse créature, je dégainai mes griffes à mon tour pour lui lacérer le flanc.
Il lâcha un gémissement pitoyable et relâcha subitement la pression qu'il exerçait sur moi. Il bondit un mètre plus loin en glapissant, les crocs dévoilés et dégoulinants de sang.
Je sautai sur mes pattes pour me changer à nouveau en Homme ; je devais empoigner mon épée et lui enfourner en plein cœur.
La rage gagna ma gorge, m'arrachant un cri de guerre. Le Loup courba son échine, et d'un même mouvement brusque nous nous jetâmes l'un sur l'autre. Ses griffes me percèrent le torse, et aveuglé par la douleur, j'enfonçai férocement mon arme sous son épaisse fourrure. Il lâcha un râle rauque avant de s'écrouler mollement au sol, telle une poupée de chiffon, bien que ce soit un Loup.
Tout aussi tremblant que sanguinolant, je peinai à garder la tête droite. Même mon épée semblait soudainement peser une ceintaine de kilos en plus.
Kenfu !
Je relevai brusquement le menton, et mon cœur manqua un battement : elle m'avait semblé être la voix de Sinna. Les yeux fous, je pivotai dans tous les sens possibles, ma douleur et ma fatigue oubliée.
KENFU !
Mon poingt serra le manche de mon arme, et cette fois-ci, ce fut la douleur de l'idée de la perdre qui m'incendia. Je ne pourrais pas vivre, ni tenir sans elle. Elle ne devait pas mourir.
-KENFU !
Je virai brusquement à ma gauche, et mes yeux s'écarquillèrent comme mon sang se glaça. À une centaine de mètre, couchée sur un cadavre, Sinna épuisait ses dernières forces pour me héler. Même d'ici, je pouvais voir sa mine désespérée et son désarroi apparent. Qui était le cadavre sur lequel elle sanglotait ?!
Je vis Kaï étendu à quelques mètres. Mon cœur se serra : non, il ne pouvait être mort. Impossible...
Je me baissai juste à temps pour esquiver un éclat d'obus avant de plisser les yeux.
Cette fois-ci,je crus bien m'écrouler. Sinna était penchée sur un homme trapu, à l'uniforme de général de guerre.
Sans réfléchir, je bondis et détalai dans la direction d'Aïru.
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