Chapitre 16 : Douloureuses Séparations (non corrigé)

Sortir de l'encadrement de toile, qui me protégeait de la vision de mes amis au regard embué à quelques mètres, fut bien plus difficile que je ne me l'étais imaginé. Je tâchai de garder le regard droit, porté sur les épaules de celui qui me précédait. 

Mais lorsque celui-ci se hâta de quitter le rang, les joues humides, je dus m'arrêter pour supporter la douleur qui me serrait le cœur à cet instant. L'homme se précipita au travers de la foule et une femme se jeta dans ses bras, sanglotant amèrement. Les yeux écarquillés, je remarquai que la moitié de son visage avait été consumé par les flammes et que son bras droit était soutenu par un épais bandage. Elle ne pouvait donc pas combattre.

Je dus me contenter de respirer lentement, refusant de m'abandonner aux larmes. Cette image me ramenait directement à Sinna. Et pourtant aujourd'hui, tout nous séparait.

Mais le souffle me manqua lorsque je fus percuté de plein fouet. Je baissais les yeux, ruisselants de larmes, et vit que Jeane me serrait étroitement dans ses bras, les larmes roulant silencieusement sur ses joues. George la succédait, lui plus lent. Il nous amena auprès de lui et nous serra contre son large buste. Je pouvais sentir son cœur battre la chamade, sa respiration se hacher sous les coups des pleurs. Les yeux écarquillés, je peinais à respirer, le souffle coupé par la douleur qui me serrait les entrailles et la gorge.

Je ne connaissais ces deux-là que depuis six mois à peine. Et pourtant ils étaient là tout ce qu'il me restait. Ils étaient mes meilleurs amis.

-J'voulais qu'on soit dans la même escouade, se plaignit Jeane en reniflant bruyamment, sans pour autant nous lâcher.

-Vous êtes séparés tous les deux aussi ? murmurai-je, la voix rauque.

George haussa la tête, sans cependant répondre.

-On se retrouvera après, leur promis-je d'une faible voix, m'écartant de leur étreinte à contrecœur. 

-Juré craché ? répliqua Jeane, le regard sévère.

-Juré craché, répéta George pour conclure la conversation, respirant lentement pour se calmer.

Je reculai, et la voix grave de la commandante de mon escouade me héla. Lançant un dernier regard aux deux Erkaïns, je tournai les talons et détalai vers le camion. L'attente ne fus pas longue ; ils rangèrent tout d'abord les caisses d'artillerie et d'armes, puis ils nous firent signe de monter. Nous nous serrâmes sur le banc et quelques secondes plus tard, les lourdes portes étaient refermées.

Je fus secoué tout le long du trajet dans un noir quasi complet, entouré de l'odeur écœurante de la transpiration et de la chaleur corporelle des molosses qui m'entouraient, le regard braqué sur quelque chose que seuls eux pouvaient voir. 

Je n'étais habituellement pas inquiet dans ce genre d'endroit confinés où l'on était tous entassés et secoués pendant plusieurs heures consécutives. Pourtant cette fois-ci, le cœur me monta à la gorge et je fus pris d'intenses vertiges, que je cachais tant bien que mal en me cramponnant au frêle banc de bois et en gardant férocement les yeux fermés. Les muscles tendus, je me contentai d'attendre que les secondes passent, lentes et douloureuses. Je refusai l'accès à mes pensées aux souvenirs qui voulaient déferler en moi comme une vague puissante et dangereuse. Je n'étais pas en état de repasser ma vie entière. Une vie, qui malgré toutes mes plaintes, n'avait été au final que comblée de rires, certes parfois légèrement difficile mais cela n'était rien par rapport à ce que je vivais actuellement. Rien par rapport à ce que vivaient les soldats de guerre jour après jour.

-Hey, Kenfu, t'es constipé ou quoi ? 

J'ouvris brusquement les yeux, les muscules bandés, comme prêt à frapper. Alors que je cherchais du regard l'insolent qui avait rit de mes peurs, je vis luire dans l'obscurité deux yeux jaunes amusés. 

-Bort ! m'exclamai-je, surpris, toute colère oubliée.

Il eut un sourire sombre, dévoilant ses affreuses dents cariées.

-Eh ouais, Jack et moi, on te colle aux fesses on dirait.

-Tu as l'air stressé, s'amusa ce dernier en se relevant d'une sieste, les bras croisés sur sa large poitrine.

Je levai les yeux au ciel, renfrogné. 

-Sans blague. Je cours vers la mort et je ne suis pas du tout stressé !

Les deux pouffèrent silencieusement.

-Tu verras, une fois là-bas, c'est plus facile, me rassura Jack, compatissant.

-Ouais, renchérit l'autre. Au moins t'es pas coincé à l'hôpital à te morfondre pour savoir si tes proches vont s'en sortir ou pas.

J'écarquillai les yeux, horrifié. J'avais oublié de passer voir Morgan ! Ma gorge se noua de nouveau. Une impression étrange tenait mon pouls précipité : j'avais l'impression que j'avais rencontré l'enfant il y a de ça une éternité, que tout avais changé depuis. Et pourtant, seulement six mois s'étaient écoulés depuis. Mais rien n'était pareil, et là était tout le problème.

Jack et Bort se rendormirent, et je tentai sans succès de faire de même, terrorisé.

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