Chapitre 11 : Panda-Noir (non corrigé)

Les minutes passaient, lentes et douloureuses. Posté derrière le rideau tiré autour du lit de Morgan, j'étais comme un soldat prêt à défier quiconque approchait. Les oreilles plaquées sur le crâne, j'entendais les hurlements du blessé tandis que les médecins opéraient. Ils devaient refermer les plaies de l'enfant, sûrement y retirer les morceaux de débris qui s'y étaient jonchés. Peut-être s'était-il également cassé quelques côtes.

A chaque seconde qui s'écoulait, je restais déterminé à me dire que c'était là le dernier cri qu'il poussait. Car l'entendre ainsi gémir, je me l'avouai, me faisait une peur bleue. Je n'osais imaginer ce qui se passait derrière le rideau. C'était un enfant et nous n'avions plus aucun moyen d'anesthésier les patients, l'hôpital ainsi que tous les médicaments qu'il contenait ayant été bombardés.

Cela m'était insupportable. Je bondis sur mes pattes et détalai en dehors de la tente, pris de nausée. Je dégobillai un peu plus loin sous le couvert des arbres, secoué de soubresauts.

-T'es même pas capable de supporter un cri, se moqua une voix mauvaise.

Je me redressai brusquement, les babines retroussées et grognant férocement. Je fis alors volte-face et vit le panda-roux hautain qui faisait partie des survivants retrouvés sous les débris. Débarrassé de sa crasse, on pouvait à présent voir son doux pelage soyeux roux et blanc. Ses yeux ambrés me scrutaient méchamment, un rictus hautain dessiné sur les lèvres.

-T'es qui pour te permettre de dire ça ?! rétorquai-je, la langue claquant comme un fouet. Parce que je suis pas sûr que ce soit toi qui est porté le gamin jusqu'à l'hôpital.

En effet, j'avais porté Morgan jusqu'ici, la planche de bois s'étant brisée en deux lors du voyage. Ma fourrure souillée de sang en était la preuve.

-Tu te crois supérieur, hein ? siffla l'autre, les yeux plissés. Mais tu n'es rien. Tu n'arrivais même pas à porter les pierres quand toi et ton paternel êtes venus aider les autres à nous dégager.

-Qu'est-ce que tu cherches ? feulai-je à voix basse, toutes griffes dehors. J'ai pas de temps à perdre avec un idiot dans ton genre. Je ne te connais même pas. Si ton seul passe-temps est de venir emmerder de parfaits inconnus alors tu fais pitié, pauvre con.

Il lâcha un rire mauvais :

-Mais je te connais. Kenfu, le Panda-Noir. Celui qui tue une armée parce qu'il est pas content. Tout le monde te connaît, ici. Mais tout le monde te déteste. Tu es la hantise de tous ces survivants. Les parents racontent à leurs enfants que le méchant dragon vert va venir les croquer s'ils ne dorment pas.

J'écarquillai les yeux, horrifié. Disait-il vrai ?

Le Panda-Noir. Était-ce ainsi que l'on m'appelait, à présent ? Les autres Erkaïns me voyaient-ils vraiment comme la réelle menace ?

Mon pouls s'accéléra, et mes pattes tremblaient sous la force du Dragon, lui prêt à jaillir. Le poil hérissé, je grimaçai ; je ne devais pas donner raison aux rumeurs. Je ne devais pas attaquer cet imbécile. Et pourtant, l'esprit d'Enory hurlait et rugissait en moi, sourd à mes raisonnables paroles.

-Toi même tu sais que tu es un monstre, se moqua l'autre.

Je fermai les yeux, les crocs serrés. Sinna n'était pas là. Seule restait ma colère.

La bibliothèque détruite. Mon père étendu au fond de son bureau, brûlé et tâché de sang. La mine horrifiée de Jeane et de George après la bataille contre les Changers. Je plantai mes griffes dans la terre, les oreilles couchées en arrière. Le Dragon hurlait. Ou bien était-ce Enory ? Ou bien était-ce ma douleur ?

Je n'en savais rien.

Je ne savais plus rien.

Je relevai alors brusquement la truffe et bondis sur le rouquin, toutes griffes dehors. Je le plaquai au sol et rugis :

-Je ne suis pas UN MONSTRE ! T'AS COMPRIS ?!

Il tenta un sourire moqueur, mais je plantai sauvagement mes griffes dans ses épaules. Il lâcha un gémissement de douleur et vint frapper mon flanc de ses pattes arrières. Je roulai au sol et fus relevé en un bond, les crocs dévoilés.

-Ah bon, et t'es quoi alors ? rétorqua l'autre, la mine cette fois-ci méprisante. Un pauvre Panda-Noir qui joue avec la magie ?

Je lui fauchais les pattes et nous roulâmes au sol, feulant sauvagement. J'enfonçai mes crocs dans sa nuque, et le goût métallique du sang envahit ma gueule. Il se tortillait sous mon emprise, les yeux exorbités d'horreur. Quant à moi je demeurai immobile, planté sur son cou, le regard fou.

-Kenfu, mais qu'est-ce que tu fais ?!!! hurla une voix familière, terrifiée.

Je fis un bond en arrière, les yeux écarquillés. Sinna se tenait là, accompagnée de George et de Jeane. Ils nous fixaient, horrifiés et tétanisés.

-Alors c'est ça ?! finis-je par hurler, en proie à une douleur et à une colère sans nulle autre. Vous allez le défendre, après tout ce qu'il a dit ?!

Ils gardèrent le silence, incapable de dire quoi que ce soit.

-Vous saviez, hein ?! hurlai-je, tremblant. Avouez que vous pensez comme lui ! Je ne suis qu'un monstre, à vos yeux et aux yeux de tous !

Sinna tendit la patte, la gueule ouverte, mais j'avais déjà tourné les talons, de lourdes larmes brûlantes roulant sur mes joues tachées de sang.

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