Chapitre 7 : Alliance (non corrigé)
-Alors c'est donc lui, votre petit protégé ? lança une voix féminine imposante, qui ne m'arracha cependant pas à mes tremblements incessants.
Si je ne relevai pas un regard vers la nouvelle venue, j'entendis Kaï se redresser. Lui qui s'était accroupi à mes côtés, je le sentis gémir lorsqu'il dû forcer sur ses vieilles articulations pour faire face à l'intruse. Si toute fois s'en était une.
-Il a du mal à se remettre de la bataille, répondit doucement le Roi, compatissant.
Son interlocutrice sembla le comprendre, car sa voix se radoucit à son tour :
-Je comprends ça. Qui a-t-il perdu ?
-Oh, je ne pense pas que ce soit ça qui le choque tant, soupira le vieil homme, soudain attristé.
Un silence pesa quelques secondes entre les deux, avant qu'elle ne souffle :
-C'est la première fois qu'il tue, hein ?
Cette fois-ci, je relevai les yeux dans sa direction, encore tremblant, la bouche dégoulinante de vomi et de sang. Kaï hocha la tête, un sourire triste aux lèvres.
Mais lui ne m'intéressait plus : mes yeux s'écarquillèrent et je pivotai lentement, totalement sous le choc. La femme que je pensai être une simple curieuse n'en était pas une. J'avais devant moi un imposant étalon blanc, vêtu d'une épaisse et resplendissante cuirasse d'or. Ses yeux ambrés me fixaient avec tendresse tandis que derrière elle se dressaient des centaines de chevaux, tous habillés d'armures scintillantes.
-Kenfu, commença Kaï, amusé de ma réaction, je te présente Arëty, la Princesse des Senry. En l'absence de sa mère, c'est elle qui mène les armées.
Mais je ne parvenais pas à détacher mon regard de toutes ces créatures majestueuses, qui s'étendaient presque à perte de vue.
-J'avais oublié qu'ils étaient nos alliés, parvins-je à articuler, abasourdi.
Arëty lâcha un hennissement, que je pris pour un rire :
-Tu aurais dû mieux réviser tes cours d'Histoire des Peuples. Les Erkaïns et nous sommes de lointains parents, alors nous nous comprenons.
Elle jeta un regard lourd de sous-entendus à Kaï :
-Nous sommes mieux placés que quiconque pour comprendre les rudes choix que vous devez entreprendre. Ainsi que les douleurs que vous subissez face aux autres peuples.
Je plissai les yeux : cette princesse en savait visiblement plus que moi au sujet du Roi.
-Les autres sont ils arrivés ? questionna Kaï plus sérieusement, comme pressé de changer de sujet.
Arëty hocha de la tête :
-Oui. Les Loups-Roux se sont regroupés sur la côte Ouest, et les Amazones derrière les tourelles pour plus de soleil et de tranquillité.
-Les Loups-Roux ? répétai-je, surpris.
Ne les avions nous pas confrontés quelques heures plus tôt ?
-Ils se sont séparés des autres tribus d'Ombrea, m'expliqua la jument. Ils étaient en désaccord avec eux et se sont donc ralliés a nous.
-Et les Delta ?
Le regard de la princesse s'assombrit :
-Leur navire a été attaqué au cours du voyage. Ils ne rejoindront jamais Eleya.
Le vieil homme lâcha un faible soupire, installant par biais un silence macabre.
-Kaï, le sonnai-je en recrachant une nouvelle giclée de bile, amère. Je peux au moins savoir où je vais dormir où je vais devoir attendre que tu ais fini de réfléchir ?
Un sourire amusé s'étira sur les lèvres d'Arëty, tandis que le Roi m'indiquait une navette non loin :
-Toi et tes amis ne dormirez pas dans ces blocs. Vous irez avec moi dans un endroit à part.
Interdit, ma grimace agacée fondue aussi vite qu'elle était apparue. Pourquoi avions nous droit à ce privilège ? À moins que Kaï ne veuille nous confiner dans un endroit pire que celui-ci...
-Va dans la navette, insista-t-il, les prunelles toujours abaissées, pensif.
J'haussai les épaules et m'essuyai la bouche d'un revers de manche, écœuré. Tant par les raisons qui m'avaient fait dégobiller que le fait de m'en être mis partout.
Je contournai ainsi les grands étalons avec précaution : ils me dominaient de toute leur hauteur, et leurs puissants sabots m'effrayaient plus encore que les griffes des Loups que nous avions combattus un peu plus tôt.
Mes paupières s'alourdirent, et je soupirai : j'avais hâte de pouvoir passer une nuit complète. Me reposer me ferait relativement de bien après tous ces événements.
Soudain, on me percuta violemment et je fais volte-face, les poings serrés face à la créature qui m'avait bousculé. Cependant, ce fut les grands yeux bleus surpris d'Ashley qui me répondirent :
-Oh, tiens, Kenfu.
Interloqué, j'abaissai mes mains :
-Ashley ?! Mais qu'est-ce que tu fais ici ?
-Je pourrais te retourner la question.
Je lâchai un grognement et levai les yeux au ciel : j'avais oublié à quel point la jeune femme était agaçante :
-Bien sûr. Je suis ici pour faire le clown et regarder les autre combattre en minaudant les exploits de mon très cher cousin.
Ses yeux se remplirent aussitôt de larmes, me déstabilisant un instant :
-Tu n'es pas le seul a avoir perdu contact avec ton père, je te signale ! sanglota-t-elle.
-Parce que ton père a été embroché par un éclat de métal, peut être ?! sifflai-je entre les dents, peinant désormais a garder mon calme.
Mais pour qui se prenait elle ? Croyait elle souffrir davantage que moi ? Endurer bien plus de douleurs ? L'image d'Aïru étalé au milieu des autres cadavres me revint en mémoire, violente, et ma gorge se noua. Non, je n'allais pas pleurer devant elle. Je me l'interdisais.
-Non, mais je l'ai perdu dans la foule pendant les bombardements d'Enohria et je ne l'ai pas retrouvé après ! gémit-elle, la voix brisée, comme agonisant.
-MON PÈRE EST MORT ! hurlai-je, en proie à une rage et à une douleur insoutenable.
Au fond de sa cavité, le Dragon mugissait de bondir sur Ashley.
-Ah oui, vraiment ?! riposta-t-elle, les yeux rougis. Il est mort au combat, au moins ?!
Je levai les yeux au ciel, exagérant ma parole sarcastique :
-Non, voyons ! Il s'est volontairement planté un éclat d'obus dans le torse !
-VOILÀ, insista-t-elle, dure et sèche. C'est ce que je disais ! Alors maintenant je suis désolé pour toi si ton père a voulu se suicider parce que ta mère l'a trompé et que tu le détestes, mais ce n'est pas ma faute alors arrête de t'en prendre à moi !
Et sur ces paroles, elle tourna violemment les talons, furibonde. Trop choqué pour répondre, je laissais le néant m'envahir.
Les larmes roulèrent sur mes joues sans même que je n'en sente la brûlure. Les sons avaient disparu. Ne restait que la douleur, qui sifflotait à mes oreilles, mesquine. Je déglutis, noyé dans le chagrin, et pivotai lentement vers le véhicule qui attendait toujours ma venue. Puis, les membres tremblants, je grimpai dans la navette et m'assis lourdement sur un siège.
Dormir n'était plus une envie ou un besoin. C'était une nécessité. Je devais m'endormir, me réveiller au chaud dans mon lit, dans mon œuf à Erkaïn. Ma mère me hurlerait que j'étais encore en retard, et je me lèverai amusé de la voir en rogne. Je dégusterai mes tartines de miel sans penser à mon père. Ni à Sinna, George, Jeane ou Ashley.
Oui, j'allais me réveiller.
Il le fallait.
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