Chapitre 33 : Nell, Princesse, Sœur, Sorcière... ou tout à la fois ?
Elle m'attrapa la taille et s'accrocha férocement à mon t-shirt. Le baiser fut prolongé, tout comme nos lèvres s'enlaçaient ; cependant, je finis par me détacher et reculer de quelques pas. Je serrais les dents, les muscles raidis :
-Mais il n'y a pas d'amour, Nell.
Elle croisa les bras :
-En effet, il n'y en a pas. Pas entre nous, du moins.
J'hochai vivement la tête avant de relever brusquement le regard vers elle, stupéfait. Que venait-elle de dire ?!
-Mon père n'avait pas prévu tes sentiments pour la femelle d'en face, poursuivit-elle.
Je reculai davantage, désormais méfiant ; Nell ne m'avait pas montré son véritable visage. Elle cachait quelque chose.
-Il m'avait dit d'être maligne, enchaîna-t-elle en s'élançant à travers la pièce, faisant désormais les cent pas face à moi. Je devais lier une relation fondée sur de faux sentiments amoureux pour te faire croire que j'avais pleinement confiance en toi et inversement. Mais c'est impossible. Tu ne ressens qu'une faim... physique ? envers moi.
Je battis des paupières, sonné, et sifflai entre mes dents :
-Je ne suis pas un animal.
Elle me décrocha un regard amusé, qui m'arracha un frisson ; désormais qu'elle m'avait révélé ses origines, il m'était difficile de ne pas voir la ressemblance avec Kaï.
-Tu l'es à demi. Et moi à un quart.
Je lâchai un grognement ; je n'aimais pas ça. Kaï avait encore comploté dans mon dos. Aurait-il en réserve d'autres surprises qu'il aurait omis de me révéler ?
-Enfin donc, poursuivit-elle, presque lasse. J'ai hérité des talents d'acteur de mon père, ainsi que ses facilités pour le mensonge et la manipulation. Parmi ses trois enfants, c'est moi qu'il...
-Attend quoi ?! m'étranglai-je, les yeux écarquillés. Kaï a trois enfants ?!
Elle étouffa un rire :
-J'me suis trompée, en fait. Tu le connaissais pas si bien que ça.
-Où sont les deux autres ? grimaçai-je, mécontent.
-Nous sommes des triplets, sourit-elle, presque fière. Je suis la petite dernière. Enfin, de trente minutes. Ma sœur aînée, la première a être née, tu dois la connaître. Enfin, tu devais la connaître...
Son regard se rembrunit :
-Elle a été assassinée par les hommes de son propre frère sans même le savoir, soupira-t-elle.
J'appuyai sur mes paupières, pris de vertiges, et me passai la main sur le visage. Je ne comprenais plus rien.
-Kaeryna Phénix, la Reine de Stellarium, insista-t-elle, comme si cela semblait évident.
Je tombai net assis au sol. Je devais mal entendre. Ou je rêvai. Oui, c'était ça. Je nageai en plein délire. Kaeryna Phénix était la fille d'Eleya, soit, mais d'un autre mariage. D'un mariage légal. C'est ce qu'on nous avait toujours appris... C'était impossible qu'il en soit autrement...
-Notre frère, lui, gouverne toujours.
Elle lâcha un rire :
-Il essaie vainement de tuer Kaï sans, lui aussi, savoir qu'il est son père. Quelle ironie du sort. C'est Kothra, le Roi Changer, tu as dû l'étudier en cours.
Elle mit ses mains sur ses hanches, pensive, et poursuivit insouciamment :
-Tu as tué son fils, tu te souviens ? Un rouquin sur un cheval blanc. C'était au Festival des Récoltes je crois, non ?
-Comment sais-tu tout ça ? balbutiai-je.
La peur s'insinuait sournoisement en moi, comme un malicieux serpent s'enroule autour du cou de sa proie. Nell n'était pas la fille de Kaï. Je n'arrivai pas à le croire. Elle était bien trop... mesquine. Une idée me terrifia soudain ; la vieille Tortue était-elle ainsi, avant de rencontrer Eleya ? Aussi désabusée, aussi manipulatrice ?
A présent, je confondais les visages. La Nell que j'avais devant moi ne ressemblait en rien à celle qui m'avait rassuré dans la salle de réunion. Ou encore celle qui m'avait avoué être la descendante directe du Roi de Phoenix. Elle semblait changer de personnalité sur le même temps qu'une minute en devient deux.
-Après le départ de Kaï, soupira-t-elle, une grimace de dégoût au visage, je me suis sentie trahie. Abandonnée. Mon père venait de me laisser au milieu d'humains ignorants, avec une mission qui ne me concernait pas. Dans le but d'aider une stupide Prophétie. Sais-tu quel est le dénouement de tout ça, Kenfu ?
Elle étira un sourire des plus effrayants :
-Moi, je sais. Et ce dénouement ne me convient pas.
Son sourire fondu aussi vite qu'il était apparu et elle serra les poings :
-Kaï m'a tout révélé ! Il a été assez idiot pour me faire confiance ! Moi, qui avait hérité de ses talents les plus prodigieux ! Je ne le pensai pas aussi bête...
-Sors de cette chambre, soufflai-je, accolé au mur et la respiration hachée.
Je ne pouvais plus reculer, et cela m'effrayait. Elle m'effrayait. Kaï n'avait rien prévu du tout. Il n'avait fait que me lancer à la figure un beau bazar dont je ne comprenais pas le sens.
Elle pouffa, amusée, et arqua un sourcil :
-Tu vas faire quoi ? Libérer ton Dragon ? Et que diront-ils, quand ils découvriront que tu m'as tuée ? Il t'enverront en prison. Et tu n'en sortiras jamais. Ton Monde sera réduit au Néant à cause de la Guerre. Les Maîtres de l'Ombre n'auront qu'à se servrir.
Je secouai le menton négativement :
-Ce que tu racontes n'a aucun sens. Je ne comprends rien. Retourne te coucher, et moi je vais dormir. Tout sera mieux comme ça...
Soudain, elle fit un bond prodigieux dans ma direction et colla son visage près du mien :
-Quand tu te réveilleras, tu connaîtras la seule vérité. Celle que Kaï te ment depuis le début. Celle que Kaï est en vérité l...
La porte de la chambre s'ouvrit brusquement et je vis Sinna débouler sur le seuil, un pistolet à la main :
-J'ai trouvé ça dans ta chambre, tu permets que je te l'emprunte ?
Mon regard s'illumina ; voilà quelqu'un qui me croirait lorsque je raconterai toute cette folie. Mais mon enthousiasme fondu brutalement lorsque je vis mon amie presser la détente ; je voulus lui hurler de ne rien faire mais la balle était déjà partie, signant avec elle la fin de mes aventures à Enohr.
Les secondes tombèrent au ralentit, et la petite bille de métal s'élança droit vers la poitrine de Nell. Les yeux écarquillés, je la vis esquisser un sourire narquois lorsque la balle se stoppa face à elle, lévitant littéralement dans les airs.
Sinna cilla, épouvantée, et l'air me manqua. Là face à moi, Nell avait simplement levé la main, et la bille s'était stoppée. Une étrange fumée violette émanait autour d'elle, tandis que ses yeux bleus se scindaient d'éclats électriques.
-Mais qu'est-ce que tu es ? m'étranglai-je, tandis qu'elle lâchait un rire exaspéré.
-Tu es vraiment lent à la détente, soupira-t-elle.
Elle leva sèchement la main et l'arme de Sinna s'envola à travers la pièce. En un second mouvement sec, la jeune Erkaïn était à genoux au sol, le menton levé vers le plafond. La fumée violette l'englobait. De la Magie, songeai-je, terrifié. C'est de la Magie Noire.
-Je m'appelle Kameryna Phénix, déclara la Sorcière Noire triomphalement. Je suis la dernière fille de Kaï et d'Eleya Phénix, héritière légitime du Trône de Phoenix. Maître de l'Ombre et fidèle du Seigneur des Esprits, je sers la noble cause des Ravageurs des Mondes. Pour faire court, je suis là pour vous tuer, toi et ta petite-amie. Je suis là pour régner.
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