Chapitre 27 : Libération
Nell avala rapidement les escaliers devant moi, tandis que George, Jeane et Sinna suivaient le rythme avec inquiétude. Le simple fait que la jeune humaine nous déplace d'une pièce à l'autre nous rendait nerveux.
-Où est-ce qu'on va ? demanda George d'une petite voix.
-Il y a une réunion, répondit simplement Nell. Et elle vous concerne. Donc je dois vous y emmener.
Je déglutis ; cela s'annonçait mal. Je n'étais pas vraiment disposé à être ainsi traîné partout, et bien moins encore à être exhibé devant un groupe d'humains vaniteux. Irrité, je me stoppai au milieu du couloir et lâchai :
-Et si on a pas envie d'y aller ?
Mes trois amis me dévisagèrent, surpris. Ils ne s'attendaient visiblement pas à cette opposition ; pas alors que nous étions coincés dans un quartier général d'une organisation militaire regorgeant de soldats mieux entraînés que nous au combat du corps à corps. Nell pivota lentement dans ma direction et esquissa un sourire forcé :
-Tu crois vraiment avoir le choix ?
J'eus une grimace mauvaise :
-Evidemment. Il nous suffit de nous transformer et de sauter par une fenêtre pour nous enfuir.
Elle s'apprêta à répliquer, railleuse, mais je la coupai dans son élan :
-Le meilleur dans tout ça, c'est que vous ne pourrez pas nous tuer.
Je fis trois pas dans sa direction et me stoppai à une dizaine de centimètres d'elle, dominant son expression stupéfaite d'une force de regard que je me connaissais bien :
-Croyez vous vraiment que vos supérieurs vous laisseront nous tirer dessus ? Nous devons être les seuls Erkaïns à Enohr ; que vous nous preniez pour des espions ou non, cela revient au même. Une seule menace de mort et vous signez une déclaration de guerre à l'un des Mondes les plus puissants des Huit, entraînant avec ça une Guerre des Mondes qui se pourrait être fatale pour tout ce que nous connaissons aujourd'hui.
J'étirai un sourire mauvais et tournai les talons, les poings serrés. Pour qui se prenait-elle ? Se croyait-elle supérieure à nous ? Je reconnaissais bien là les Hommes. Tout ce qui n'était pas humain était inférieur intellectuellement. Grave erreur de leur part s'ils voulaient éviter une guerre.
Mes trois amis me rattrapèrent en quelques pas, et je perçus leur amusement :
-Vous n'avez pas l'air de beaucoup vous apprécier, pouffa George.
-Ouais, j'dirai même qu'elle te hait, ajouta Jeane.
Sinna cala ses pas au miens et me chercha du regard :
-Je ne sais pas si c'est une bonne idée, Kenfu.
Je me renfrognai :
-Alors trouve une autre solution ! m'emportai-je, à bout de nerfs.
Pourquoi étais-je le seul à me démener pour nous sortir de là ? Les deux autres semblaient plus s'amuser qu'autre chose, tandis que Sinna était à demi présente. Ils ne m'étaient d'aucune utilité, à agir ainsi comme des légumes.
Soudain, une alarme retentit et nous nous recroquevillâmes sur nous mêmes, surpris.
-Elle a donné l'alerte... murmurai-je, les yeux écarquillés.
-Eh ben, quelle bonne idée ! railla Sinna en me jetant un regard désapprobateur.
Mais je préférai ignorer sa remarque ; je n'avais pas besoin de ses reproches pour l'instant. Effaré, je dévalai les marches quatre à quatre et sautai les six dernières en me réceptionnant maladroitement. En un éclair, je me changeai en Panda-Roux et perçus aussitôt le concert de pas qui tonnaient dans notre direction.
Je déboulai alors dans un immense hall, chargé de voitures, avions et bateaux militaires. Pas moins d'une centaine de personnes s'attardaient à la tâche de les entretenir, ouvrir leurs ventres métalliques pour les réparer ou y verser du liquide jaunâtre.
Je détalai au milieu de la foule des machines, mes trois amis sur mes talons. Je devais prendre une voiture et nous faire sortir d'ici.
Mais à peine eus-je le temps de faire cinq mètres qu'un mur de soldats me bloqua le passage. Nous nous ramassâmes sur nous mêmes, les yeux écarquillés, et fîmes volte-face ; cependant, une barrière humaine se formait également de ce côté-ci. Ils finirent par nous entourer, gardant tout de même une distance de quelques mètres. Ils dégainèrent leur pistolet et les pointèrent dans notre direction.
Mon rythme cardiaque s'accéléra ; nous étions pris au piège. Mes amis et moi allions mourir par ma faute. Et personne ne déclarerait la guerre à ces Hommes. Kaï ne prendrait pas ce risque. Il m'aurait empêché de partir si je devais mourir en y allant, songeai-je, les dents serrées. Mais alors, que faire ?
Pris de panique, j'entendis le Dragon rugir en moi. Je n'étais pas en colère, mais il était réveillé.
J'eus soudain une idée, quoique suicidaire ; si je libérai mon monstre, nous laisseraient-ils partir ? Comprendraient-ils que j'avais une mission à mener à bien, même si j'en ignorai toujours la nature ?
Mais réfléchir devenait compliqué ; du coin de l'œil, je vis Nell fendre la foule pour se frayer un passage jusqu'à nous.
Le cœur battant, je forçai mes pattes à cesser leurs tremblements ; je plantai férocement mes membres au sol et fis gonfler mon pelage, dévoilant mes crocs. Ma respiration s'accéléra et je bandai tous mes muscles, forçant peu à peu la pression de l'air à s'accroître. Bientôt, l'odeur électrique de la magie emplit l'air et les soldats furent pris d'un mouvement de recul, effrayés.
-Kenfu, qu'est-ce que tu fais ?! s'étrangla Sinna, aussi épouvantée que les Hommes autour de nous.
Mais je ne l'écoutai pas. La terre trembla et les vents se levèrent ; les machines grincèrent, elles aussi pétrifiées de peur, et glissèrent lentement dans ma direction. Bientôt, l'étrange fumée verte se libéra dans l'air. Mes trois amis furent eux aussi forcés de reculer. Alors, mes pattes quittèrent le sol et ma vision se ternit, devint floue.
Les dents serrées, je sentis la peur se glisser dans les recoins de mon esprit. Je n'avais plus le contrôle.
Je poussais alors un terrible rugissement et déployai le Dragon.
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