Chapitre 18 : Adieu Kaï (non corrigé)
Les étoiles perlaient dans le ciel d'encre, telles de délicates larmes scintillantes dans la nuit. La lune, fin croissant presque invisible, ne souhaitait éclairer les sentiers de sa lumière d'argent. Sûrement mon départ l'attristait-elle : quoi qu'il en soit, je me devais de quitter la guerre et les batailles afin de revenir en force, mon Dragon enfin maîtrisé. Il était plus que temps d'apprendre à contenir mes émotions, les contrôler. Car oui, libérer un torrent de la Magie la plus puissante qu'il existe lorsque l'on apprend sa paternité n'est certainement pas un signe de calme et de sérénité intérieures.
Je crois que c'était la goutte qui avait fait déborder le vase.
Et en quelques secondes seulement, nous étions ramenés au présent. Ramenés à la réalité. Cette terrible réalité dans laquelle Kaï m'avait trainé au fin fond de son manoir et poussé dans une lugubre pièce aux murs de métal. C'est là que tout avait lâché. Mes hurlements, mes sanglots, et toujours cette terrifiante aura de Magie déployée sur des lieues à la ronde.
Désormais je contemplai l'horizon, et le ciel d'encre confondu avec l'étendue d'eau couleur nacre. Nulle lumière pour éclairer ses remous, ses douces vagues qui venaient lécher les rives de l'Ile d'Eleya.
Je lâchai un soupir ; de fatigue, de tristesse, de ce poids pesant qui m'agrippait farouchement les épaules, je n'en savais rien. Simplement le souffle me manquait, maintenant que l'heure de partir était venue. Maintenant que je devais tout quitter, sans savoir si à mon retour ils seraient toujours en vie, la peur me paralysait.
-Kenfu, souffla une voix dans mon dos.
Je pivotai lentement sur moi-même, les yeux lourds de larmes. Kaï s'avança et me prit doucement par les épaules :
-Ne t'inquiète pas, poursuivit-il à voix basse. Tout va bien se passer.
-Je suis à bout, Kaï, m'étranglai-je en étouffant un sanglot. Je voudrais que tout se termine.
Il hocha la tête tristement, et son regard se voila :
-Moi aussi. Mais ce que nous voulons n'a pas d'importance. Nous sommes les seuls en ce monde à pouvoir tout arranger.
Il m'attira contre lui et me serra doucement dans ses bras :
-Tu n'es pas seul. Ne l'oublie pas.
-Quand nous reverrons nous ? reniflai-je, incapable de répondre à ses paroles qui se voulaient apaisantes.
Je me raidis devant son silence. Lui non plus ne sembla pas vouloir me répondre. Cela n'était pas très bon signe. Il s'écarta d'un pas et plongea son regard azur dans le mien. Les étoiles se reflétaient sur ses pupilles humides ; il semblait presque irréel. Comme un douloureux rêve, un fantôme du passé revenu hanter mon présent.
-Je voudrais que tu fasses très attention, me mit-il en garde, les sourcils soudain froncés. Je voudrais que quoi qu'il se passe, tu ne délivres pas ton Dragon. Garde le enfermé dans sa grotte. C'est très important.
J'eus un mouvement de recul. Kaï savait quelque chose.
-Que va-t-il se passer ? demandai-je, méfiant.
Mais il secoua négativement la tête :
-Tu sais aussi bien que moi pourquoi je ne peux rien te dire.
Il attrapa mon sac sur mon lit et me le jeta :
-Souviens toi simplement de ce que je t'ai dis.
J'envoyai la lanière sur mon épaule et grimaçai : mes blessures, vestiges de la bataille à Phoenix, n'étaient pas cicatrisées.
-Il faut que tu y ailles, me pressa Kaï. Sors par la fenêtre.
-Pourquoi ? feulai-je, soudain terrifié. Je n'escaladerai pas une poutre dans cet état, c'est hors de question !
Je ravalai ma dernière phrase ; nul besoin de dire au vieux Roi que j'avais peur du vide.
-Ne pose pas de questions et vas-y.
Il me poussa vers la fenêtre, qu'il ouvrit d'un geste précipité mais silencieux. Je risquai un regard en contre-bas et eus un frisson.
Soudain, des bruits de pas me parvinrent et je me redressai vivement.
-Qu'est-ce que c'est ? sifflai-je d'une voix à peine audible.
-Les hommes de ton grand-père, rétorqua la vieille tortue entre ses dents, soudain nerveuse.
J'écarquillai les yeux :
-Que veulent-ils ?!
-Ton Dragon.
Nul besoin de m'en dire plus ; je bondis par la fenêtre et agrippai le rebord de mains tremblantes. Kaï se pencha vers moi, le regard humide, et m'accorda un faible sourire :
-Adieu, Kenfu.
Sur ces mots, il referma la fenêtre, me laissant ainsi pendu, consterné.
-Adieu, Kaï, murmurai-je dans un silence étouffant.
Je lâchai un grognement ; mes bras me démangeaient. La récente bataille m'avait vidé de toutes mes forces. J'agitai mes pieds dans le vide, cherchant en vain une prise ; ils finirent par trouver une maigre irrégularité du mur à laquelle s'appuyer. Je coulai un regard vers la poutre qui coulissait à une cinquantaine de centimètres. Tremblant, je pris mon courage à demain et l'attrapai de ma main droite.
Soudain, mon pied glissa ; je retins un cri de terreur, et le vide m'aspira une demi-seconde durant. Le choc me coupa le souffle et m'arracha un râle de douleur lorsque mon bras encaissa le poids de mon corps tout entier. La poutre émit un grincement aigu, et j'eus une grimace ; le bruit allait les alerter. Je me pressai alors de reprendre prise avant d'entamer la descente. Je me refusai à regarder en bas, ainsi restai-je fixé sur mes mains tremblantes qui s'agrippaient à la barre de métal comme à une bouée de sauvetage.
Brusquement, un bruit d'éclat de verre fit gémir mes tympans ; je recroquevillai ma tête sous mon bras, levant des yeux effrayés vers la fenêtre. Une silhouette s'imposa soudainement dans mon champ de vision et, sans réfléchir, ma main gauche lâcha prise ; je fus balancé juste à temps sur le côté, tandis que l'homme qui dégringolait vers le sol manqua de peu de m'entraîner dans sa chute. Il fut suivi par une pluie d'éclat de verre ; je fermai les yeux tout en m'agrippant à nouveau à la poutre, les épaules remontées aux oreilles.
Aussitôt la pluie s'acheva que je repris ma descente, cependant bien plus rapidement désormais. Mon cœur voulait quitter ma poitrine, mais j'avais encore besoin de lui ; les râles et cris qui émanaient de la chambre juste au dessus m'indiquaient clairement qu'ils ne tarderaient pas à se lancer à mes trousses. J'espérai seulement que Kaï ne sacrifie pas sa vie pour la mienne en combattant ainsi les hommes de mon grand-père.
J'entendis un cri strident, qui m'arracha un sursaut ; je jetai vivement un regard à mes pieds et vis que le sol n'était plus bien loin. Je serrai les dents et lâchai prise ; mes pieds tombèrent droit sur l'herbe, mais le choc m'arracha cependant un gémissement de douleur.
Au même moment, les bruits de pas s'intensifièrent. Terrifié, je relevai les yeux au moment même où mon géant de grand-père déboulait face à moi quelques mètres non loin. Une grimace enragée était peinte sur son visage tâché de sang, et je pouvais décerner, même de là où je me tenais, l'éclat de colère noire dans ses yeux à la lueur des torches enflammées que les hommes à ses côtés brandissaient.
Il pointa un doigt dans ma direction et rugit :
-Attrapez le !
Mon cœur quitta ma poitrine et, avant même que je ne m'en rende compte, j'avais détalé dans la direction inverse.
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