Prologue : Trente ans plus tard... (non corrigé)
Alors...
Qu'écrire lorsque l'on sait désormais quel est notre destin ? Que raconter, que dire, à ses proches, lorsque l'on sait que seule la destruction totale de tout ce qu'on chérit est au bout du chemin ? A moins que ce qui nous tient vraiment à coeur soit là, juste devant nous.
Si seulement Prya n'était pas morte. Si seulement j'avais accepté son mariage au lieu de la haïr pour le simple fait qu'elle était heureuse sans moi. Si seulement j'avais eu le courage de dire à Neelya qu'elle était ma meilleure amie, que s'en retourner à son Monde me briserait le coeur. Si seulement j'avais été un grand-père chaleureux, un beau-père plus ouvert, un mari plus tendre, un ami plus empathique, un fils moins rancunier. Et la liste est longue. Toutes ces morts, toutes ces douleurs et souffrances qui ont fait de moi celui qui a brisé chacune des âmes qui se sont trouvées sur mon passage.
Suis-je réellement le Sauveur des Huit Mondes ? Je songe plutôt au Destructeur. Celui qui les anéantira après tant d'efforts pour les préserver. Celui qui brisera espoirs et rêves de paix pour retourner chaque créature à la cruauté originelle, celle de l'Homme.
Oh, comme je comprends Kaï, désormais ! Comme je voudrais revenir trente ans en arrière, le serrer dans mes bras, lui dire que tout est pardonné.
Mais surtout, je voudrais ôter le poignard logé dans sa poitrine. Fermer les yeux lorsque ses iris bleus azur se sont faits vides, lorsqu'enfin, un sourire soulagé s'est étiré sur ses lèvres. Kaï a trouvé la paix dans la mort. En sera-t-il de même pour moi ? Suis-je bien condamné à mourir ? Je ne sais rien. Je n'ai jamais su, à vrai dire.
J'ai bien réfléchi, et je crois que personne n'a jamais su. Ni Kaï, ou même cette nouvelle Voyageuse qui se promène parmi nous et qui s'acharne à remettre dans ma tête de vieilles douleurs qui s'étaient endormies.
Maintenant, je voudrais dire à Prya à quel point je suis désolé, à quel point je suis torturé. Je voudrais même serrer Wave dans mes bras. Je voudrais retourner dans ces bars miteux aux bras d'Auras, pour qu'encore nous sanglotions ivres l'un avec l'autre, comme deux hommes que la solitude a depuis longtemps achevé. Danser et chanter dans ce bon vieux bus aux rideaux de fleurs mauves, sourire de l'ambiance folle qu'il y régnait. Je voudrais retrouver la famille que j'ai connue. Les souvenirs dégringolent, comme une terrible avalanche glaciale. Ces visages que je ne reverrai jamais de la même manière. Ces créatures qui n'auront plus aucune confiance en moi après ça.
Je voudrais oublier qu'abattre Qyrax tuerait Aube par la même occasion. Oublier qu'à travers elle vivent encore les fantômes d'Elly, de Zénith ou Aurore. Qu'à travers elle vit l'âme de mon père. Qu'à chaque fois que je plonge mon regard dans le sien, c'est lui que je voie. Que ressentirai-je lorsque je devrais la tuer, elle aussi ?
Il a fallu que ce soit moi l'Elu. Le Grand Elu. Celui de la Dernière Prophétie.
Mais chaque choix, chaque volonté est dictée par plus puissant que soi : la Force Mère. Et le seul moyen de remédier à cela, d'ôter à tous les prochains Elus la malédiction d'être esclave de la Magie, est de la détruire. Plus personne ne sacrifiera des centaines de vies pour une cause plus grande. Peut-être la cruauté originelle est-elle une solution. Ou bien la liberté est-elle inexistante, et que la Force Mère ne peut être détruite.
Quoi qu'il en soit, c'est mon destin d'agir ainsi. Je le sais, et je l'ai accepté. Tant pis si je brise ma famille, si j'anéanti leur espoir, leur confiance, leur amour. Tant pis si je tue. Tant pis si je meurs.
Maintenant, je sais. Je sais pourquoi trente ans plus tôt, là sur ce balcon, l'épisode de ma vie que Kaï m'a montré à été si important. Sans ça, rien de tout ce que j'ai vécu, fait ou compris n'aurait existé.
Sans cette vision, je ne me serais pas battu. Je n'aurais pas pris la décision la plus importante de toute ma vie ; et là, un sourire s'est esquissé sur mes lèvres. Jamais, sur le moment, je ne me serais rendu compte qu'un simple baiser changerait toute la donne.
Car tout cela, tous ces sacrifices, ces meurtres, je ne l'ai fait que pour toi. A chaque pas qui m'a emmené plus loin, chaque coup que j'ai porté, c'était l'amour qui me guidait. Comme m'a dit une vieille Tortue dans une cave moisie et poussiéreuse, l'amour est aléatoire, imprévisible. C'est la seule chose qui résiste à la Force Mère. Qui défie le Temps.
Et bien aujourd'hui, c'est mon amour pour toi, mon Ame Sœur, qui aura tout autant sauvé que détruit les Huit Mondes.
Je t'aime, ne l'oublie jamais.
Kenfu.
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