Chapitre bonus
Son cœur ne battait plus et pourtant, jamais il n'avait été si vivant. L'herbe, qui caressait ses paumes avec une infime délicatesse, lui procurait une intense sensation de chaleur.
Il ouvrit les yeux, et même la douce lumière qui émanait du ciel immaculé ne l'aveugla pas. Il s'assit doucement, sans pourtant être prit de son mal de dos quotidien. Surpris, il s'aperçut qu'il se trouvait dans une grande vallée, sillonnée de collines. Cependant, elle demeurait aussi silencieuse que le tombeau duquel il venait de s'échapper. Nul cri d'oiseau, ni saut de lièvres sauvages ou bourdonnement d'abeille. Il ne s'en étonna pas ; voilà bien longtemps qu'il attendait un tel silence.
Il perçut alors un bruit de pas, et le visage neutre d'expression, vit s'approcher une dizaine de silhouettes. Quatre d'entre elles, qui semblaient mener le groupe, se paraient de capes scintillantes. Leurs cheveux soyeux flottaient, alors que leur peau cristalline reflétait les rayons du soleil. Il comprit qu'il s'agissait là de Dieux.
Ils arrivèrent à sa hauteur et il lut dans leurs yeux une grande satisfaction, mêlée à une grande pitié que le vieil homme connaissait par coeur.
-Bien le bonjour, mon vieil ami, s'inclina Akala.
Il lui accorda un faible sourire, tel l'aurait fait un ami de longue date.
-Tu as finalement trouvé la paix dans la mort, fit Az d'une voix sage.
-Il est désormais temps de transmettre ton Don, ajouta sa jumelle, Sana.
Ils échangèrent un regard entendu et joignirent leurs mains.
-Il y a sur ces Mondes, récitèrent-ils en chœur, des âmes pures dont le sang saigne la Magie. Le Temps les bénit et serviteurs des aiguilles ils deviennent. Que la vie les protège et la mort les délivre ; désormais, Voyageur, ta mission est achevée. Libère toi de tes devoirs et désigne ton prochain.
-La fille qui son heure a attendu, répondit-il, comme un texte depuis longtemps appris par cœur, tirée des malheurs à sa naissance amène la joie. Fille de Dons mais l'âme scindée de rivalité, sa maturité soigne les doutes mais pas les mensonges. Eux croiront l'anormalité, elle saura que du Temps elle est la Dernière enfant.
-Que les minutes comme les heures lui soient clémentes, récita l'ensemble de l'assemblée, mais que les années attirent force à la Dernière Voyageuse.
Kaï ferma les yeux, libéré, et sentit le poids de son Don le quitter. Nostalgies, pleurs, souffrances, espoirs, amours, amitiés, rires, joies, les bons souvenirs déferlèrent en lui sans s'arrêter. Les larmes coulèrent, silencieuses, dans ce trou abyssal où sa vie s'éteignait.
Alors, il rouvrit les yeux, un sourire finalement épanoui sur les lèvres. Il avait retrouvé sa jeunesse d'antan. Il redressa le regard, trouva deux yeux gris à quelques pas.
Ils se fixèrent quelques secondes, laissèrent tout l'amour qu'ils éprouvaient l'un envers l'autre glisser dans la maigre distance qui les séparait. Derrière la silhouette de la jeune femme, un manoir couvert de lierre se dressait. Plus loin encore, il reconnut cette falaise si familière, ainsi que le chant de l'océan. Le soleil y plonge, noyant ce magnifique tableau de délicates couleurs roses et oranges.
Il regarda Eleya. Elle s'approcha. Doucement, ils s'embrassèrent, alors que le vent délicat les caressait.
Et pour la première fois de leur vie, il se sentirent libres.
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