Chapitre 7 : Une très vieille Mage (non corrigé)
Nous serpentâmes entre les ruelles poussiéreuses de longues minutes, durant lesquelles je ne cessai de jeter un coup d'œil par dessus mon épaule. Malgré l'espoir qui avait jailli en moi après l'annonce de la femme, je demeurai méfiant. Il pouvait s'agir d'un piège, une embuscade, menée par les soldats ou même Kameryna. Ou bien cette femme et ses acolytes nous vendraient tels des objets de foire en échange d'un peu d'argent. J'étirai une grimace ; au vu de sa situation, elle en aurait bien besoin.
Nous dévalâmes quelques marches dans un silence tendu, puis nous finîmes par nous arrêter au seuil d'une maison délabrée.
-Voilà c'est hici, nous indiqua la future mère en pointant une porte de bois rouillée de la main. La sowièwe vwou ahattend.
-Une sorcière ? s'étrangla George. Une Sorcière Noire ?
-No, pouffa notre guide. Une Mage, si vwou pwéféwé.
J'eus un soupir de soulagement. Les Sorcières Noires n'étaient pas de très bonne augure, en général, et j'étais heureux de ne pas à avoir à marchander avec l'une d'elle. Les Pirates avaient coutume de le faire au temps de la Troisième Ère, et cela n'amenait en général qu'à la mort ou autre destin tragique.
Ainsi, j'espérai que la femme ne nous mentait pas dans le but de tirer un prix de nos têtes. Un noeud s'était tissé au creux de mon estomac tandis que je l'observai pousser délicatement la poignée.
Sans hésiter, j'entrai le premier et pris garde à placer Sinna derrière moi. Dans l'obscurité de l'endroit, je la vis esquisser un sourire à ce simple geste. Je me renfrognai ; j'oubliai parfois qu'elle était amoureuse de moi. Et que je devais faire de mon mieux pour ne pas montrer l'être aussi.
L'ombre de George qui nous talonna acheva de masquer le peu de rayons lumineux qui demeuraient. Le parquet grinça sous nos pieds prudents, fit s'envoler la poussière qui tapissait le sol. Je plissai les yeux et discernai au fond de la pièce une maigre lueur. Elle émanait d'une bougie et éclairait une petite partie de l'endroit. Une table de bois maigre sur pieds, quelques étagères bancales et recouvertes d'une épaisse couche de poussière ; tout autour, c'était un grand néant d'une noirceur inquiétante. Mais le plus étrange était cette silhouette recroquevillée, que l'on apercevait masquée par un voile derrière la table. Immobile comme un roc, seules les pâles couleurs violettes de son châle rappelaient qu'il s'y trouvait un être vivant au dessous.
-Bonjour... ? murmurai-je, hésitant.
-Bien le bonjour, mes amis, toussa une vieille voix rocailleuse.
Nous nous raidîmes et nous stoppâmes, n'osant faire un pas supplémentaire. La lumière perça les rides du visage creusé qui se dévoila à nous, tout comme ses lèvres émaillées étirées dans un grand sourire. Il lui manquait quelques dents, et ses yeux blancs allaient de pair avec ses cheveux cendrés. Ce fut cependant la vue de ses mains pianotant le bois usagé qui nous trahit sa cécité ; la curiosité l'emporta sur ma méfiance et je fis un pas en avant. J'avais la très nette et étrange impression de connaître ce visage, qui d'une certaine manière m'était familier.
-Me reconnais-tu, Kenfu ? s'amusa la vieille femme, la voix éraillée.
George et Sinna me jetèrent un regard stupéfait, et je me pressai de faire taire tous les doutes :
-Non, maugréai-je, peinant à articuler mes mots. Je ne vous reconnais pas, je ne vous ai jamais vu. Mais votre visage... J'ai l'impression de l'avoir...
-C'est parce que ce n'est pas encore arrivé, sourit-elle face à ma maladresse apparente. Demande à tes amis te sortir, si tu veux bien. Ce que j'ai à te dire n'est pas pour leurs oreilles.
Ils me dévisagèrent, incrédules, et hésitais un instant. Mais étrangement, j'avais le sentiment que je pouvais lui faire confiance et obéis :
-S'il vous plaît...
-Non, Kenfu ! siffla Sinna, tout aussi offusquée qu'inquiète.
-On va rester ici avec toi, ajouta George, ferme sur ses appuis.
-Sortez ! insistai-je, agacé par leur entêtement. Faites moi confiance.
Ils eurent un moment d'hésitation mais finirent par quitter la pièce, les dents serrées. La gorge nouée, je me demandais si j'avais pris la bonne décision.
-Tu vas les revoir, ne t'inquiètes pas, me taquina la vieille femme.
Je pivotai à nouveau dans sa direction et elle m'invita à m'asseoir sur la chaise face à elle. Nerveux, je pris place.
-Bien. Tu dois te poser pas mal de questions, en ce moment, je me trompe ?
Mal à l'aise, je m'agitai sur mon siège. Je ne m'attendais pas à une telle question, à dire vrai.
-Euh...
-Je vais te faciliter la tâche, pouffa-t-elle. Tu dois te dire que Kaï ne t'a pas révélé grand chose. Par rapport à ce que tu as vu pendant ton Voyage Cognitif...
-Comment... ? bredouillai-je, effaré.
Comment pouvait-elle savoir ? Les informations peinaient à circuler dans mon esprit déjà embrumé. La peur, les doutes et surtout la curiosité créaient un drôle de mélange. Je n'avais absolument aucune idee de la manière dont elle avait acquis ces informations, et cela m'inquiétait.
Mon angoisse ne fut que renforcée lorsque le sourire de la vieille femme quitta ses joues :
-Je vois que tu n'es pas très bavard. Je ne m'attendais pas à mieux de la part du jeune Kenfu... Alors écoute bien ça.
Elle se leva brusquement, et mon coeur manqua un battement avant de repartir de plus belle. Elle se pencha sur moi, et je pus sentir son souffle rauque sur mon visage crispé :
-Tout ce que Kaï t'a raconté est faux.
-Bien sûr, raillai-je, soudain détendu.
Deux ans de révélations douloureuses consécutives pour apprendre de la bouche d'une vieille Mage, que je n'avais par ailleurs jamais vue, que tout était faux ? Hilare, je lui ris au nez :
-Vous pensez vraiment que je vais vous croire ? Je suis désolé mais la parole d'un Voyageur que je connais depuis deux ans face à celle d'une vieille Mage que je connais depuis deux minutes...
Elle arqua un sourcil et détourna son regard aveugle vers une direction lointaine :
-Je ne suis pas une Mage.
Mon sourire s'envola, et le sien renaissait :
-Je suis une Voyageuse.
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