Chapitre 5 : Direction Sud ! (non corrigé)

La nuit finit par tomber sans que nous n'apercevions la moindre trace de vie. Nous avions roulé des heures durant, sans la moindre pause, dans une chaleur étouffante.
Ainsi, bien que nous ayons passé la journée dans un four ambulant, le coucher du soleil provoqua une chute radicale des températures. Pour mieux nous protéger du froid, nous nous changeâmes rapidement en animaux. Cependant, il fut difficile pour George de demeurer dans la voiture sous forme d'Ours. Aussi il se coucha sous les grosses roues du véhicule. Bien qu'il soit à l'étroit, il ne dit pas mot et s'endormit rapidement.

Quant à Sinna et moi, nous nous roulâmes en boule sur les sièges. Je lui laissai la banquette arrière, et elle me proposa de la partager avec elle. Les sièges du devant n'avaient rien de confortable, mais le souvenir de Sinna enceinte dans le Monde des Esprits ne m'avait pas quitté. Aussi je refusai sans la moindre once de tact, bien qu'à contre-cœur.

La nuit fut glaciale. Au réveil à l'aube, mes pattes endolories m'obéissaient à peine. J'ouvris la portière et descendis en titubant, le pelage ébouriffé. Mes épaules et mon flanc, où les plaies s'étaient rouvertes la veille, me faisaient terriblement souffrir. Le soleil m'aveugla, et le sol sec me brûla les coussinets. J'étirai un bâillement, l'échine hérissée.

-George, maugréai-je d'une voix éraillée.

-Hum, grommela-t-il en roulant vers moi.

-J'crois j'ai perdu mes pattes, articulai-je, un faible sourire niais au visage.

-Ch'ais plus où on est, rit l'Ours, qui semblait tout aussi perdu que moi. Ch'croyais qu'j'étais sur l'Île d'Eleya.

-Y a une différence de piaule quand même, m'esclaffai-je.

-Ça c'est sûr !

Nous rîmes, pliés en deux et secoués de soubresauts. La fatigue se faisait terriblement sentir.
Mais bientôt, nos sourires s'évaporèrent et nous échangeâmes un regard attristé.

-Je donnerai tout pour revenir à l'époque d'Enohria, murmura George, la gorge nouée.

La truffe baissée, je songeai à Myra, morte pendant la bataille de la plage. À Alwis, dont je n'avais pas eu de nouvelles depuis. Lui qui était blessé, il avait dû rester au camp. Sûrement était il désormais un otage des Changers, tout comme ce pauvre Morgan.
Mon père également, qui s'en était allé lourd de regrets. Lui qui paraissait si froid, si mauvais, si imposant à première vue, et qui était en vérité constamment en deuil, guidé par un profond sentiment de culpabilité.
Il avait tout tenté pour reconquérir le cœur de ma mère, et ne j'y avais vu que de la lâcheté, de l'égoïsme. En vérité il y avait cette stupide Prophétie, qui avait gâché la vie de nombreuses personnes. Elle était la seule source de nos problèmes.

-Les gars, grogna une voix dans la voiture. Les gars faudrait peut être se mettre en route...

Nous levâmes la truffe vers Sinna, qui s'asseyait sur le siège derrière la portière ouverte.

-Tu as raison, soupira George. Mais comment est ce qu'on sait dans quelle direction on va ?

-Je me souviens avoir vu une carte, grommela Sinna, la truffe plissée dans une grimace douloureuse. La zone 51 est au Nord-Est de leur pays -j'ai oublié le nom. On peut soit aller vers l'Est pour trouver la mer... Soit aller vers le Sud pour essayer de trouver quelqu'un qui peut nous ramener en France.

-Génial, se réjouit George. On va au Sud trouver une ville, alors ?

Nous acquiessâmes.

-Si on part maintenant, ajouta notre ami, on aura bien le temps de se repérer grâce au soleil.

J'approuvai à nouveau d'un signe de tête et me relevai dans une grimace.

Les premières lueurs du jours dansaient sur cet aride plateau, chantaient déjà un vent chaud à peine le soleil s'était levé. Ce fut ébloui par la lumière que je grimpai dans la voiture, sous forme humaine, aux côtés d'un grand blond à la figure écrasée dans une grimace de fatigue.

-T'as une de ces têtes, raillai-je, moqueur, et il me tira la langue.

Mais je ne devais pas faire mieux. Sans même passer la main, je sus que mes cheveux n'étaient plus qu'un tas de paille aux brindilles entremêlées.

-Direction Sud, alors ? vérifia George une dernière fois.

-Direction Sud, répéta Sinna en opinant du chef.

Craintif, le jeune homme tourna la clef sous notre oeil méfiant. Il regarda les pédales une énième fois, plaça ses talons au pied de chacune et appuya sur l'accélérateur. Si le vrombissement du véhicule nous secoua, la vitesse était bien moins conséquente que la veille et nous fûmes plus rassurés.

-Je me demande pourquoi leur désert est fait de roche, remarqua George en jetant un coup d'œil par la fenêtre. Pourquoi est-ce qu'il n'est pas en sable comme les autres ?

-Les températures ne sont peut être pas les mêmes ici, suggéra Sinna.

-J'crois que ce n'est juste pas le même type de sol, dis-je plutôt, les yeux plissés sous l'éclatante lumière.

-Je me demande aussi à quoi servent tous ces boutons, là, enchaîna le grand blond.

Sinna eut un sourire :

-Tu te demandes beaucoup d'autres choses comme ça ?

-Vous allez y avoir droit toute la journée, confirma-t-il en hochant vivement le menton, plus sérieux que jamais.

Je réprimai un grognement :

-Je sens que je vais rattraper ma nuit ici.

-Essaie d'appuyer sur les boutons, pour voir, le poussa Sinna en tapotant l'épaule de George, curieuse.

Je les mis en garde d'un regard :

-Si vous pétez la voiture, je vous jure que je vous tue...

-Mais non, grogna la jeune femme, les yeux levés au ciel.

Mais George ne semblait pas aussi confiant. Hésitant, il me jetait des regards inquiets tout en surveillant l'horizon. Il finit par se jeter à l'eau et appuya sur un épais bouton à roulette. Il eut un déclic qui fit tomber un lourd silence de plomb dans le véhicule. Nous retenions nos respirations. Il pouvait même avoir accidentellement actionné une puce qui permettrait aux ennemis de nous localiser.
Prudent, il tourna la petite roulette, et un bruit strident nous arracha un cri de stupeur. George vira à droite et je manquai de m'écraser contre lui, tout comme la veille. Le calme revint, mais il demeurait en arrière plan une mélodie entraînante.

-C'est de la musique ! s'extasia Sinna, surprise. Cette voiture peut aussi contenir un orchestre ?

-Je crois que c'est un enregistrement, s'émerveilla George. Je l'avais lu quelque part...

À mon tour, je fis tourner la roulette et le son grimpa. Les cris de la batterie, de la guitare et autres instruments s'intensifièrent, tandis que des voix s'ajoutèrent bientôt à l'ensemble.

Mes deux amis hochèrent de la tête en rythme, et une part de moi trouva en cette découverte un point positif. Nous n'allions pas rouler des jours dans un étroit silence. Peut être même qu'à force d'écoute incessamment les mêmes mélodies, nous finirions par les apprendre par cœur. Après faudrait-il savoir les chanter.

Cette simple idée fit grimper sur mes joues un faible sourire :

-On va débarquer dans une ville totalement tarés...

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