Chapitre 37 : Accepter et s'en aller (non corrigé)

Sinna chassa une larme au coin de mon œil, laissa les siennes ruisseler sur ses joues. Je jetai un dernier regard au chalet, à son toit de tuiles si confortables et ses élégants grands pins. Tout cela avait été ma maison, un an et demi durant. Ma fiancée déposa sa tête sur mon épaule, se refusant probablement à voir les visages de notre famille s'éloigner sur la route. Elly ne faisait pas parti de notre comité d'adieu, bien entendu. Zénith, Aurore et Aube sanglotaient doucement, secouaient de petites mains tremblantes. Si nous les avions longuement serrés dans nos bras il y a quelques minutes, il me semblait pourtant les abandonner. Partir sans un mot. Et dans un sens, c'était ce qu'il se passait.

Je m'étais réveillé, sur les tuiles du toit, sans la moindre trace de la Voyageuse. Aussi peut-être la Citadelle intemporelle n'existait-elle pas, que tout ceci n'avait été qu'un rêve. Quoi qu'il en soit, il fallait bien se rendre compte que les enjeux étaient plus grands que je ne voulais l'admettre.

***

Le bus ne fit halte que trois fois au cours du trajet. Il nous déposa finalement à Paris, où George et Jeane ne tardèrent pas à nous traîner jusqu'au Portail ; bien qu'il fut vingt-et-une heure passées. Nous n'avions pas échangé le moindre mot au cours du voyage. Sinna avait tenté quelques sympathies, qui ne lui étaient pas revenues. Même Jeane avait gardé le menton baissé tout du long. Quant à moi, la peur me tiraillait bien trop l'estomac pour que je puisse en dire quoi que ce soit.

En arrivant à la remise où nous avions été déposés il y a de ça plus d'une éternité, nos guides levèrent une trappe et nous entraînâmes dans les profondeurs de la ville. Sinna descendit après moi, et je veillais à ce qu'aucun des barreaux rouillés de l'échelle ne la trahisse. Nous sautâmes à terre, longeâmes un cours d'eau cramoisis dans le plus grand des silences. Jeane plissa du nez sous l'odeur nauséabonde, que je n'avais pour ma part pas remarqué jusqu'à voir leurs expressions de dégoût. Peut-être mon nez était-il trop habitué à la pourriture des Bas-Quartiers d'Erkaï. 

Au terme de longues minutes de marches, lesquelles se faisaient dans un silence tendu, nous débouchâmes sur un couloir de rouille clôturé d'une porte aux lourds bouleaux noirs. George banda ses muscles et, dans une grimace d'effort, la tira vers lui pour nous laisser pénétrer dans la pièce. A notre passage, quelques rats fuirent la lumière pour rejoindre les ombres malodorantes des lieux. Je plissai les yeux pour mieux discerner les reliefs de l'endroit, concentré, et vis sous un halot de lumière blanche une porte seule, sur un piédestal. Elle se tenait debout sans trépied. Elle avait l'allure d'une entrée de cabinet de toilettes mais portait la même aura que le titanesque Portail que nous avions traversé pour nous rendre ici. Et voilà que l'on s'en allait déjà. Je peinais à le croire.

George claqua la porte rouillée, fila sous mon nez sans un regard et s'engagea dans l'encadrement de la porte solitaire. A l'intérieur, ce même voile aux reflets mauves dansait étrangement. L'inquiétude, la peur et la nervosité laissèrent place aux vertiges. Dans un sens, je n'avais pas la moindre envie d'y retourner. Retrouver ces combats, ces morts, ces champs de batailles ensanglantés. Mais avais-je le choix ? La réponse était toute faite. Et en vérité, je n'avais jamais eu le choix. Sinna s'était trompée.

Elle lâcha ma main, le visage fermé, et talonna Jeane qui venait de traverser. Lorsque son épaule disparut, je me demandai ce qu'il se passerait si je brisai la porte en deux et disparaissait parmi les pins de la campagne Corrézienne. Une partie de moi voulut prétendre qu'elle n'en avait pas la moindre idée, mais là encore, la chose était plus qu'évidente, puisque je l'avais vu dans la Citadelle. Si toutefois cela était vrai, et non pas une pauvre vision de mon esprit effaré par la situation.

- De toute façon, grommelai-je, c'est trop tard, maintenant. Tu lèves le menton et tu passes.

J'obéis à ma propre fausse détermination, relevai les yeux et, dans un souffle, tirai sur la porte pour passer le rideau violet.

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