Chapitre 34 : Un brusque retour à la réalité (non corrigé)

- George, avec qui est-ce que tu es marié ?! bredouillai-je, prise de court.

Voilà une nouvelle à laquelle ni moi, ni Kenfu visiblement -qui paraissait tout aussi choqué que moi- ne nous attentions pas. Je jetai un bref regard à Jeane ; se pourrait-il que... ?

- Je me suis marié avec Myosotis, lâcha-t-il, tout en prenant place sur l'une des chaises de la terrasse.

Nous l'imitâmes et je levai doucement l'annuaire devant leurs yeux écarquillés :

- Nous on s'est fiancés. Hier soir.

À peine fut-elle assise que Jeane se releva aussitôt pour hurler toute sa joie ; elle se jeta à mon cou, me serra contre elle et s'époumona :

- PAR AKALA C'EST GÉNIAL !

Mais elle était la seule ici qui s'en réjouissait tant. Kenfu avait le regard braqué sur les champs aux alentours, les sourcils froncés, et ne prêtait guère attention à la discussion. George, quant à lui, lorgna Jeane d'un regard mauvais.

- On n'est pas venu pour prendre de leurs nouvelles, grinça-t-il.

- Oui oui, sorry.

Elle se rassit et applaudit, tout sourire. Kenfu rapporta finalement son attention sur nous, encore quelque peu distrait, et émit une quinte de toux :

- Plus sérieusement. Je me doute que vous êtes là pour nous ramener sur Phoenix. Mais vous connaissez notre décision. Je ne vois pas pourquoi vous avez fait tout ce chemin en sachant très bien quelle allait être la réponse.

Les joues de Jeane perdirent de leur couleur, et son sourire s'évanouit. Elle échangea un bref regard avec George, qui se décida à commencer :

- Crois moi, revenir ici était bien la dernière chose dont j'avais envie. C'est une situation d'extrême urg...

Il se tut brusquement lorsqu'une frêle silhouette se pressa sur la terrasse pour déposer un plateau de thé et de biscuits. Zénith nous salua brièvement et s'en retourna aussitôt à l'intérieur. J'attrapai un gâteau et le fis glisser sur ma langue :

- Tu disais ?

- La situation est trop grave.

- Que s'est-il passé ? m'enquis-je, soudain inquiète.

- Bah déjà les Fishcrips ont fait genre leur propre armée et tout, poursuivit Jeane dans un soupir. Avec les Aquass, les Fées, les Vampires et les Loups.

- Les Fishcrips ? railla Kenfu, hilare. Je savais même pas qu'ils avaient des soldats.

- Ils en ont eu assez qu'on leur manque de respect et qu'on les considère comme des créatures hideuses sans cervelles, reprit George tout en jetant à Kenfu un regard mauvais. Alors ils voulaient faire valoir leurs droits sur le Trône. Ils ont monté leur armée, ils se sont emparés de Stellarium et ont chassé les Changers. Ils ont monté un conseil où chaque peuple avait son représentant.

- C'est plutôt une bonne chose, non ? répliquai-je, surprise.

- Ouais, admis Jeane. Mais ça s'est cassé la gueule au bout de trois mois leur truc.

- Ils ne trouvaient pas un seul terrain d'entente, continua George. Alors ils se sont battus entre eux.

Jeane mima une explosion et écarquilla les yeux pour exagérer le tout :

- Genre guerre civile.

- Grosse guerre civile, appuya son collègue. Enfin bon. Les Aquass ont été les premiers à partir. Ils avaient déjà été affaiblis avec leur alliance avec les Changers et toutes leurs batailles. Et puis ils sont les Gardiens de la Pierre de Cristal, ils avaient besoin de conserver un minimum de troupes. Après, les Fées sont rentrées chez elles, elles se faisaient massacrer par tout le monde et ont beaucoup perdu. Les Vampires et les Loups n'ont pas tardé à suivre. Ils ne pouvaient sortir que la nuit, avec le climat équatorial, ce qui était un gros désavantage. Les Fishcrips ont installé leur pouvoir après ça. Ils ont chassé tous les Erkaïns et tous les Changers. Ça nous a pas plu et ça a pas plu non plus aux Changers. Ils se sont alliés avec les Semi-Elfes.

À mes côtés, Kenfu grimaça :

- Grosse alliance.

Jeane approuva d'un léger hochement de menton :

- Ouais, big big alliance.

George balaya la remarque d'un revers de main et poursuivit son récit :

- Le problème maintenant, c'est que les Erkaïns n'ont plus leur place nul par à part sur Erkaï. On a toujours notre alliance avec les Deltaniens, les Senry et les Astrelliens, mais ça ne vaut rien. Les Akkazones refusent de prendre part à la guerre. Et depuis... à la mort d'Orhond, nos troupes se sont vidées en quelques mois. Ils désertent. Ils n'ont plus de meneur et n'ont pas confiance en Kaï. L'économie Erkaïn est en chute libre. La femme d'Orhond, Mythea, a mis en place une vraie anarchie. Les quartiers moyens sont devenus les bas quartiers et les quartiers riches les quartiers moyens. Elle vole tout l'argent pour son propre compte. Alors qui il nous reste ? À peine cent soldats. Ils veulent une cause, une raison de se battre. Orhond leur avait promis l'Élu, le Grand Sauveur.

Ils dévisagèrent Kenfu, et je perçus son malaise.

- Vous voulez que je vienne avec vous et que je mène les troupes Erkaïns ? répéta-t-il, comme certain d'avoir mal compris.

- On veut qu'tu viennes prendre ta place de Roi Erkaïn, implora Jeane.

- Non.

Il secoua négativement le menton, encore, et ne se défit pas de ce geste. Il était profondément ancré dans sa décision.

- Et en plus, ajouta-t-il, Mythea est déjà leur Reine. Elle acceptera jamais ma présence.

- Tu n'iras pas sur Erkaï, s'exaspéra George. Tu vas rallier l'armée Erkaïn, convaincre les Akkazones de nous rejoindre et reprendre le Trône de Phoenix. Plus personne ne fait confiance à Kaï. Ils veulent de l'espoir.

Pour la première fois depuis son retour, la mine de George se radoucit lorsqu'il se pencha sur Kenfu :

- Ils veulent le Grand Sauveur.

Mais le prétendu sauveur n'était pas du même avis ; il envoya sa chaise vers l'arrière brutalement et, sans un mot, quitta la terrasse en trombe.

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