Chapitre 33 : Nous ne sommes pas les seuls fiancés... (non corrigé)

- KENFU ! scanda une voix, étouffée par les murs et les lattes de bois.

Je me redressai brutalement sur les oreillers, les yeux écarquillés, et agrippai le bras de Kenfu à mes côtés. Il réprima un grognement agacé :

- Je ferais les champs cet après-midi, fit-il en changeant de position. Pas la peine de gueuler comme ça...

J'attrapai vivement mon t-shirt et mes sous-vêtements au sol, les enfilai prestement et sautillai jusqu'à la porte. A nouveau, le nom de mon fiancé -cette pensée m'arracha un sourire- fut hurlé, plus insistant encore.

- Il se passe quoi ?! m'agaçai-je, en haut des escaliers.

Le visage alerte d'Elly m'apparut, et elle me fit signe de descendre :

- Amène Kenfu ! Y a deux personnes qui veulent vous voir en bas !

Je fis demi-tour dans la chambre, les yeux levés au plafond, et me jetai sur le lit pour secouer le matelas de soubresauts.

- J'aurais dû jeter la bague par la fenêtre, tempêta-t-il, le nez plongé dans un coussin.

Je ris, tout sourire, tout en accrochant mes paumes à ses omoplates pour le secouer :

- Allez, y a deux personnes en bas qui veulent nous voir...

- Qu'elles aillent se faire voir.

Je ris à nouveau, sans pouvoir m'en empêcher.

- Allez, me laisse pas y aller seule ! C'est pas cool !

Il se redressa, me lorgna d'un regard mauvais et je tombai sur les couvertures, hilare. Ses cheveux en bataille rendaient le tableau plus comique encore.

- Un jour, ils se réveilleront ligotés à leur lit, ces imbéciles, proféra-t-il d'une voix à peine audible, tout en s'habillant.

Je l'imitai, tout sourire, et nous quittâmes la chambre d'un pas vif. Elly, qui nous attendait en bas, s'agaça de notre lenteur et nous amena aux baies vitrées qui donnaient sur la terrasse.

- Là, grogna-t-elle. Et dépêchez vous, y a du maïs à collecter.

Kenfu leva les yeux au ciel tandis que nous passions les portes coulissantes. Les rayons du soleil m'arrachèrent une grimace, aussi chauds qu'aveuglants, lorsque soudain mon corps tout entier fut pris d'un frisson d'effroi. Ces deux visages, là devant moi, ressemblaient à ceux de deux créatures que jamais je n'aurais cru revoir. A mes côtés, Kenfu tituba vers l'arrière, sous le choc, dû s'accouder à la poignée pour ne pas s'écrouler.

- Salut les nullos, pouffa Jeane, l'œil brillant.

J'ouvris la bouche, les yeux écarquillés, et pourtant aucun son ne fut capable de quitter ma gorge. Ses cheveux roux, autrefois coupés dans un carré plongeant, étaient désormais redressés en deux chignons tressés. Ses yeux mauves pétillaient de joie et de malice, ainsi que d'émotion ; cependant, ça n'était pas le cas de George, à ses côtés. Lui aussi avait quelque peu changé. Il abordait une mine dure et froide, ainsi qu'une coupe en brosse qui lui talait la mâchoire. Il avait tout l'air d'un militaire à qui les champs de bataille de mentaient plus.

- Vous avez grave changé, souffla Jeane en portant une main soigneusement vernie à ses lèvres.

J'eus un sourire intérieur. Il demeurait des choses qui ne changeaient pas. Le silence se tassa, et Jeane étouffa une toux embarrassée. George ne se s'était pas départi de sa rigide expression et fixai Kenfu avec la plus grande haine du monde. Instinctivement, je reculai d'un pas vers lui et cherchai ses doigts près des miens. Ainsi, son ancien meilleur ami lui en voulait toujours. Je ne savais pas George aussi rancunier. Peut-être que les choses ont vraiment beaucoup changé, finalement, soupirai-je intérieurement. Kenfu glissa ses doigts entre les miens, ce qui me rassura, et jeta aux deux nouveaux venus un regard méfiant :

- Qu'est-ce que vous faites ici ?

Les traits de Jeane se tirèrent en une grimace coupable, et elle jeta un bref coup d'œil à George :

- Ne faites pas ceux qui savent pas. On est pas là pour les vacances. Par contre, p'luche, faudrait qu'tu parles un peu. C'est toi qui voulait v'nir j'te rappelle.

- Kaï nous l'a ordonné, répliqua-t-il d'une voix grave, qui m'arracha un frisson.

Où était le George que nous connaissions jadis ? Il porta deux doigts à ses paupières, relâcha un long soupir. Et soudain, un détail me fit écarquiller les yeux. Là, à son annulaire, l'éclat d'une alliance brillait.

- George, tu es marié ?! m'étranglai-je, sous le choc.

Il abaissa les yeux sur sa bague, comme si la voir lui permettrait de recouvrir la mémoire, et à nouveau un soupir lui échappa :

- Oui.

Kenfu et moi échangeâmes un regard effrayé. Loin, très loin d'ici, le temps n'avait pas stoppé sa course. Loin, très loin d'ici, tout avait changé.

En seulement un an et demi.




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