Chapitre 20 : Un objectif flou (non corrigé)

- Chat, me souffla Jeane d'une petite voix tout en me frottant doucement le bras.

Elle et moi étions assis sur la terrasse, dont les lattes de bois humides trempaient nos pentalons dans de grosses tâches mouillées. Mais nous n'avions que faire de cela. Le ciel, parfumé de nuages oranges et roses, donnait à ce tableau une atmosphère nostalgique. Comme si ce soleil se couchait non seulement à l'horizon, mais également sur une page de ma vie et de notre voyage. Les choses s'accéléraient, et pour la première fois, j'avais peur de cette fin qui approchait. Je la sentais venir, la sentais se glisser dans mon cœur et autour de ma gorge.

Les champs et les forêts s'étendaient à perte de vue, secoués par la rosée et les vents de pluie. C'était un splendide spectacle. J'aurais donné beaucoup pour rester éternellement ici. M'y épanouir. Oublier la guerre, la mort, la Prophétie, les Voyages, les Dons et la Magie. Le simple fait de caresser la canopée des herbes folles m'élançait vers un ciel plus haut encore, plus à découvert, plus paisible que n'importe lequel d'autre, et il me faisait aussitôt oublier ce pourquoi j'étais venu. Oublier était un luxe, un plaisir que je n'avais pas les moyens de m'offrir.

- Hum ? fis-je, relevant à peine le regard dans la direction de mon amie.

Je ne voulais pas quitter les landes des yeux.

- Elly a fait nos pieux, murmura-t-elle. T'es chaud pour pioncer ou tu glandes là à faire le dépressif ?

- Je reste là.

Elle se tassa sur elle même, satisfaite :

- Good. Moi aussi.

Un faible sourire m'échappa. Ses mots anglais n'étaient pas très bien placés et rendaient le tout très étrange à l'écoute. Enfin soit ; après tout, il était question de Jeane. Je ne me souvenais pas d'un jour où je l'avais entendue énoncer une phrase entièrement plausible.

- C'est pas un peu chelou, c't'histoire de r'trouvailles ? pouffa-t-elle tout en se rapprochant.

Elle déposa sa tête sur mon épaule, et j'arquai un sourcil, interpellé par ses paroles :

- Et y a quoi de bizarre ? C'est pas parce que Aube a aussi un Dragon que c'est bizarre.

- C'est pas ça qu'j'ai dis, ducon. J'dis juste que bah c'est un peu chelou que ta daronne est rien dit pendant tout c'temps. Et ton daron aussi en fait. Ni Kaï. Parce que perso j'suis sûre que lui il savait aussi.

Je me renfrognai. Cela ne m'étonnait guère de Kaï. Les cachoties étaient sa spécialité. Qu'il m'ait caché autre chose à mon sujet ne me surprenait pas le moins du monde.

- On va faire quoi maint'nant ? poursuivit-elle d'une voix à peine audible.

Je me retins d'hausser les épaules, étant donné qu'elle s'y appuyait. Aussi je réprimai un soupir et émis une quinte de toux :

- Je n'en sais vraiment rien. Et puis je suis pas obligé de tout décider moi même, ajoutai-je, légèrement agacé. Je suis pas le chef. Vous allez où vous voulez.

- En tout cas pour l'instant la meuf aux ch'veux blancs en a pas plus pigé qu'nous on dirait.

- Qui, Aube ?

- Ouais. T'as pas vu ? Elle pense que son Dragon vient d'toi.

Je levai les yeux au ciel. Certes ma cousine me comprenait mieux que personne, endurait chaque jour les mêmes souffrances que moi, mais il n'avait échappé à personne qu'elle était plutôt étroite d'esprit. En effet, après qu'elle et sa famille aient séché leurs pleurs, ils étaient redescendus nous faire faire le tour de la propritété. À part Aube, ils n'avaient presque pas dit mot. Mais elle, en revanche, n'avait cessé de sautiller. Elle m'avait parlé de noms de plantes, c'était trompée à chaque fois. Il m'avait fallu répéter mes paroles deux à trois fois pour qu'elle en comprenne le sens. Et il lui arrivait régulièrement de poser sa fille, puis repartir en omettant de la reprendre. Aurore et Zénith passaient toujours derrière pour réparer ses maladresses et ses bêtises, qu'elle n'avait même pas conscience de faire.

- J'crois qu'Elly aussi sait rien, enchaîna Jeane. Elle elle pense que c'est juste que comme vous êtes nés au même moment bah vous avez la même magie. Le truc c'est qu'avec la Prophétie et tout l'bazar j'crois pas qu'y ait qu'ça.

- Je crois pas non plus, maugréai-je.

La maison s'ébranla soudain lorsque quelqu'un se précipita dans notre direction, faisant claquer ses talons sur les planches de bois rouillées. Jeane et moi nous devissâmes la nuque et aperçûmes Daniel, qui stoppait sa course aux baies vitrées pour nous sourire :

- On va en ville se détendre un peu. Vous voulez venir ?

- Ça veut dire quoi, se détendre un peu ? grimaçai-je.

Il reprit sa respiration, et son regard se fit plus sérieux :

- Je sais que tu es là pour ton Dragon. Que c'est important. Mais tu ne pourras rien ce soir. Et puis Elly est triste, je crois qu'elle a besoin qu'on la laisse seule. Alors on va tous au bar à karaoké, chanter deux trois trucs, et après on revient. On dort, demain je te montre ce qu'on fait ici. Elly t'expliquera peut-être des trucs sur votre famille, de leur côté. Ça t'aidera peut-être. Mais en attendant, venez. Je vous promets que ça va être fun.

Je jetai un regard à Jeane pour qu'elle me confie son opinion sur la question, mais elle n'eut que faire de ce geste et sauta sur ses pieds, surexcitée :

- Oh oui, oh oui, quelle good idée !

Et sur ces mots, elle détala à l'intérieur et Daniel s'écarta pour laisser fuser cette pile d'énergie vivante.

- Allez, viens, m'implora-t-il. Aube sera contente.

Je le fixai quelques secondes, hésitant, puis finis par abdiquer dans un grognement exaspéré. Il avait gagné.

- OK, je viens.

Il frappa des mains, heureux tout à coup, et me laissa la place de passer. Je me demandais alors ce qui pouvait bien me passer par la tête d'agir ainsi. J'étais stupide de prendre mes aises de la sorte. Enfin, de toute façon, je n'y pouvais rien. La chose semblait avoir été décidée pour moi.

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