Chapitre 18 : Une moitié d'âme, d'amour et d'empathie (non corrigé)
L’endroit était d’une agréable simplicité. Les murs de rondins semblaient peints d’un verni brun ôcre, tandis que les meubles étaient tous pour la plupart recouverts d’un bazar et de napes à dentelle blanche. Le canapé de cuir noir faisait face à un feu de cheminée, surmonté d’un étrange objet noir, de forme rectangulaite, très fin et plat.
- Qu’est ce que c’est ? me devança George, qui plissa deux yeux curieux sur l’objet.
- Une télévision, pouffa Elly. Mais ce n’est pas important pour l’instant. Asseyez vous, j’appelle Aube.
Nous obéîmes. Sinna, George, Jeane et moi nous serrâmes sur le canapé, tandis qu’Aurore et Zénith s’installaient sur les fauteuils alentours. Alors que ma tante s’était pressée à l’étage, je discernai dans mon dos une élégante cuisine généreusement garnie de plantes en pots. Sur le mur droit, les escaliers, et si l’on continuait vers la droite on debouchait sur un couloir sombre, presque humide. Mais ma vision ne pouvait m’emmener plus loin, aussi je dus me rasseoir convenablement et retirer mon sac de mes épaules. Cela faisait relativement du bien, même si elles étaient toujours tendues. Découvrir une part de sa famille cachée sur Enohr dans un site archéologique abandonné n’était pas anodin.
Le craquement du plancher se fit entendre, et bientôt ce ne fut non plus une paire de jambes qui dévala les marches, mais trois.
Débarquèrent devant nous, les pieds plantés sur le tapis, deux nouveaux visages stupéfaits. J’avais face à moi une jeune femme aux cheveux blancs aux pointes d’or, qui me dévisageait de la tête aux pieds grâce à deux grands yeux verts, qui m’étaient bien trop familiers à mon goût. À ses côtés, un jeune homme du même âge affichait une mine à la fois perdue et surexcitée. Il tenait entre ses bras un bébé d’un an peine, qui me fixait sans la moindre expression.
J’avais beaucoup de mal à croire qu’ils étaient tous de ma famille.
- Aube, toussota Elly en s’asseyant, je te présente Kenfu.
- C’est toi, le Dragon Vert ? fit-elle d’une voix étonnemment aigüe.
Je battis des cils, et la même mine perplexe s’afficha sur tous les visages de la pièce.
- Tu le connais ? s’agaça Aurore, penchée pour mieux percevoir mon visage.
Mais sa sœur l’ignora.
Tout comme moi.
Certes ce regard vert m’était familier, mais il y avait plus. Plus qu’un simple éclat, qu'une simple couleur unique. Au fond de ses iris, au creux des profondeurs abyssales de sa pupille se cachait une grotte. Elle en revanche, je la connaissais plus encore que les reflets de mon regard. Il s’agissait de peur et de colère, de douleur et de haine ; il s’agissait d’une queue frétillante dans l’ombre, de crocs acérés que l’on cachait en vain.
Une âme torturée, qui prenait la forme d’un Dragon. Une âme comme la mienne.
- Tu es l’autre, me murmura-t-elle, comme si j’étais le seul à pouvoir percevoir ses paroles. Depuis mes cinq ans je rêve de te rencontrer un jour.
- Comment ? lâchai-je dans un faible souffle. Comment m’as-tu vu ?
Le fil invisible, tiré entre nos deux cœurs, me comprimait les poumons. Ce que je ressentais était plus fort que tout.
- Dans une vision, sourit-elle, et le monde autour n’existait plus. J’ai vu un petit garçon aux yeux verts, qui pleurait. Je ne sais pas pourquoi il pleurait. Mais j’ai ressenti sa colère, sa douleur, sa tristesse. Et ce profond sentiment d’injustice. J’ai vu que ce petit garçon, si frêle, si innocent, libérait dans sa haine une puissante Magie. Et sans m’en rendre compte, je l’avais libérée aussi. Mais pas de colère.
Elle s’agenouilla et posa deux mains tremblantes sur mes genoux.
- D’amour, de pitié et d’empathie.
- Ton Dragon se libère avec de l’amour et de l’empathie ? hoquetai-je, un maigre sourire aux lèvres.
C’était une chose pour le moins innatendue. Mais cela avait une étrange beauté, qui m’émouvait. Qui fondait pourtant en moi une grande tristesse, mêlée à un atroce sentiment d’injustice. Mais elle était comme moi. Et le reste n’avait aucune importance.
- Depuis ce jour, sourit-elle, je n’ai rêvé que de te rencontrer. Ce petit garçon si triste, si en colère.
Le souvenir de la Prophétie refit brusquement surface, et les larmes roulèrent sur mes joues dans un long silence assourdissant. Son sourire s’évanouit, sans que ni moi ni elle ne sûmes pourquoi. Et elle se pencha sur moi, le regard humide, pour me serrer dans ses bras. Je ne l’avais jamais vue et pourtant, j’avais le sentiment de la connaître depuis toujours. Comme si elle avait toujours été là, à mes côtés. Qu’elle avait veillé sur moi et empêché mon Dragon d’aller trop loin.
J’ouvris brutalement les paupières et pris soudain conscience de la chose. Sinna avait rempli ce rôle. Pourquoi Aube s’y retrouvait elle tout à coup mêlée ?
Mais l’étreinte était plus forte que la pensée, aussi je me laissai aller à ses bras. Mon cœur demeura cependant serré par la culpabilité et la souffrance, prisonnier de l’idée qu’elle était ma moitié, un tout qui me complétait et me comprenait si bien mais que malgré tout cela, il y avait la Prophétie.
Et que selon ses mots, cette moitié d’amour et de compassion finirait écrasée par ma haine et ma douleur.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top