Chapitre 16 : Direction la Corrèze (non corrigé)
J’emboîtai les pas de Sinna le cœur lourd de remords. Je ne savais pas à quoi je jouais, à m’efforcer de dicter leurs pensées, leurs actions. À prendre mes distances pour des évènements qui ne s’étaient encore jamais produits.
Les visages d’Aïru et de Julie me suivirent tout du long. J’avais été odieux avec eux. J’avais été méchant, arrogant. Et avant que je ne puisse comprendre ce qu'il se passait, ils étaient six pieds sous terre. Blême de cette mort qui les avait emportés.
- Une ville ! s’exclama soudain George.
- Enfin, soupira Sinna dans un faible souffle.
Le sourire de Jeane suffit quant à lui à chasser les obscurs nuages qui paraient le ciel. Les cubes à tuiles rouges colorèrent l’horizon, imprimèrent le paysage de traînées ternes et floues.
Nous nous précipitâmes sur le sentier, dévalâmes rapidement la coline qui menait à la ville. J’espérai que l’on y trouve un transport pour la Corrèze.
Nous passâmes les portes de la ville, hors d’haleine, et levâmes à peine le menton vers les arcades et vestiges de murailles moyenâgeuses.
Le village n’était pas grand, aussi nous rendre sur la place principale ne nous fut pas bien compliqué. Nous trouvâmes là un office du tourisme, qui nous indiqua qu’un "bus", une grande et grosse voiture spécialisée dans les longs voyages, nous emmènerait au site archéologique de la Corrèze. Ça n’était pas une région qui abritait beaucoup de ce genre de lieux, d’après leurs intructions. Les archéologues ne trouvaient jamais leur bonheur là bas.
Enfin, faudrait il encore que ces idiots de guides humains connaissent l'existence des Mondes pour savoir que les sequelettes préhistoriques n’intéressaient pas les miens. La naissance du peuple Erkaïn sur Enohr était un sujet bien plus intéressant.
Lorsque nous quittâmes l’office, nous trouvâmes deux rues plus loin le bus désigné et achetâmes, grace à la moitié de ce qu'il nous restait, quatre sièges. Je dus prendre sur moi lorsque Sinna décida de s’asseoir à mes côtés, laissant la banquette derrière nous libre pour nos deux amis. Ils prirent place sans un mot, échangeant cependant un regard complice à notre vue.
- Il faut que t’arrête de me faire la gueule, me supplia Sinna, exaspérée. Ça rime à rien.
- Tu peux pas comprendre, grinçai-je entre mes dents serrées, tandis que le bus s’ébranlait pour glisser sur la route.
- Alors explique...
- Tu peux pas comprendre, je t’ai dis ! m’emportai-je, les yeux fous. Tu n’y étais pas !
Mais elle ne recula pas, garda son regard fixé sur moi. Bon sang, elle n’a pas peur du tout, soupirai-je intérieurement. Pourquoi fallait-il qu’elle soit amoureuse de moi ? Pourquoi fallait-il qu’elle insiste de la sorte ?
Avachi sur mon siège, les yeux rivés sur le paysage défilant, j’efforçai de calmer ma respiration et le monstre rugissant au fond de sa grotte. Il ne pouvait, de toute façon, se déchaîner sur Sinna. Chose que je peinais d’ailleurs à comprendre. Pourquoi diable ce Dragon craignait-il la jeune Erkaïn ?
***
Nous dormâmes tout le voyage durant, aussi près de six heures dafilées. Le désert États-Unien, l’avion, la course sous la pluie, la longue marche et l’engueulade nous avaient épuisé.
- Site d’archéologie étrangère ! s’égosilla le conducteur.
Nous quittâmes seuls nos quatre sièges. L’air, tendu comme un fil, fouettait nos nerfs. Mais lorsque nous posâmes pieds à terre, la longue et grande inspiration qui s’imposa me fit grandement du bien. La vue des étendues de champs et de forêts aussi.
Le bus s’éloigna dans notre dos, et je plissai les yeux, cherchant dans la broussaille les reliefs d’un bâtiment.
- Bonjour... ? nous héla une voix dans notre dos.
Mon cœur s’arrêta. À mes côtés, George, Jeane et Sinna firent volte-face, et j’entendis leur souffle se couper.
- Kenfu, me murmura Sinna. Kenfu regarde.
Je ne pouvais pas. Je ne voulais pas voir ce visage. Et si j’y discernai une trace trop familière ?
George et Jeane m’obligèrent à pivoter et mon regard tomba sur une silhouette frêle, qui bordait sous son bras un panier de liège gorgé de pommes.
Aucun visage familier, certes. Mais il y avait là deux yeux verts que j’aurais reconnu entre mille.
- Kenfu... ? souffla la vieille femme, sous le choc.
Son panier s’écroula au sol tandis que sa mâchoire se décrochait peu à peu. Je reculai d’un pas :
- Vous êtes de la famille de Aïru... ? murmurai-je, le souffle coupé, incapable de croire ce que je disais.
Tout correspondait. Même ses épais cheveux noisettes, saupoudrés de filments blancs, et ses joues creusées par des traits durs que mon père portaient aussi.
Ses yeux se remplirent de larmes, et elle porta une main à sa poitrine :
-Par Akala... évidemment que je le connais. C’est mon frère.
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