Chapitre 1 : les Souvenirs (non corrigé)

Désormais, le néant n'emportait pas les lieux, il m'aspirait moi dans sa boucle abyssale. C'était impossible. Je voulais bien terrasser des armées entières, être responsable de la mort de bien de mes amis, mais avoir de mon plein gré poignardé Kaï était au dessus de mes forces.

-Je ne le ferais pas, assurai-je alors en secouant négativement le menton.

L'autre étouffa un rire sarcastique :

-J'ai dis la même chose il y a huit ans.

-JE NE LE FERAIS PAS ! hurlai-je, toutes griffes dehors.

Les larmes s'échappèrent et ruisselèrent librement sur mes joues. Je refusai qu'une telle chose arrive.

Soudain, le sol s'ébranla et une pluie de ruines se déversa sur nos truffes. Même si les gravas ne tardèrent pas à recouvrir la dague, son image ornée de rubis resta gravée dans ma mémoire. Mon double se détourna de moi, prêt à faire face à sa mort. Et je demeurai là, trempé de larmes pour un évènement qui ne s'était jamais produit. Qu'y avait il d'autre à faire, dans cette tempête de débris, de larmes, de regrets et de colère ?

Pris d'un élan soudain de détermination, j'essuyai l'eau de mes joues d'un bref revers de patte et tirai la queue de mon double. Celui-ci fit volte face dans ma direction, le poil herissé, mais je ne lui laissai pas le temps de répliquer. Je l'entraînai hors du Palais et nous dévalâmes les escaliers en vitesse.

Mais les lieux étaient secoués de tremblements. Le ciel se fracturait et les reliefs gommés de la route s'éventraient dans de graves gémissements.
J'aidais mon double à se relever, et d'un même geste nous detalâmes en travers des débris.

Mais bientôt, une marée mouvante nous stoppa dans notre élan et, effaré, je vis se dresser devant nous une muraille de visages à la fois familiers et inconnus.

-Nous devons continuer ! me hurla le vieux moi pour couvrir les mugissements de la tornade qui se levait dans notre dos. Les Sentinelles arrivent, et elles ne doivent pas te prendre !

-Les Souvenirs... m'étranglai-je, le regard braqué sur les silhouettes fantômatiques.

Mon double m'attrapa la patte et me traîna dans la marée vivante. Les va et vient de cet océan lugubre m'oppressaient, tandis que l'on me dévisageait intensément. Ne leur parle pas, me rappelai-je intérieurement, tremblant. Surtout, ne leur...

-Kenfu ! rugit une puissante voix.

L'on m'agrippa l'épaule et l'on me força à pivoter. Je fis alors face à un George terrifiant, plus grand encore que celui que j'avais l'habitude de côtoyer ; son poil miel lustré sous lequel saillaient de puissants muscles étaient de pair avec ses imposants crocs dévoilés.

-Non ! s'affola mon double, les yeux écarquillés. Ne leur parle pas !

-Tu fuis, comme toujours, n'est-ce pas ?! tonna l'Ours. Tu n'as aucun sens des responsabilités ! Tu parles, tu critiques, mais je te verrais bien à ma place, tiens !

Pétrifié d'horreur, je n'arrivais même plus à respirer.

-Mais qu'est-ce que tu racontes ? murmurai-je, la poitrine comprimée.

Je ne parvenais même plus à respirer.

-C'est ça, railla une voix rêche derrière l'Ours.

Je crus bien tomber inconscient lorsque j'aperçus la silhouette squelettique de Jeane se dessiner. De lourdes poches violettes tombaient sous ses yeux et elle avait à la main une bouteille d'alcool.

-Traite nous de menteurs, vas-y, enchaîna-t-elle en titubant vers moi. Mais tu sais rien, Kenfu. Tu t'rends pas compte d'la chance que t'avais. T'avais l'amour et tu l'as laissé tombé. Moi l'amour il m'a enculé !

Elle fut prise d'un grand rire sarcastique qui m'arracha un cri de terreur. Ce n'étaient pas mes amis. Ça ne pouvait pas...

-Ils ont raison, par tous les diables ! mugit une nouvelle voix.

Je fis volte face et aperçus cette fois ci la femme Pirate de mon manuel d'histoire. Neelya Spaïce. Mais bordel, qu'est ce qu'elle fait dans mes souvenirs ? m'étranglai-je en mon fond intérieur.

-Tu dois prendre les choses en main et entraîner les Nouveaux Élus ! insista-t-elle, agacée.

-Nous ne pouvons pas tout faire ! ajouta une rouquine à ses côtés, qui me rappelais la Viking Marion Jones, dans ce même manuel d'histoire où George nous avait fait la lecture une éternité plus tôt. Je suis déjà la Gardienne de l'OEil !

Mon double m'attrapa la patte pour me tirer hors de cet océan de visages haineux, tandis qu'une nouvelle blonde aux yeux bleus électriques grinçait entre ses dents :

-Je t'ai apporté la Prophétie des Eléments et c'est ça que tu en fais ?

-Je te faisais confiance ! hurla une autre.

Sous le choc, je laissai le vieux Kenfu m'entraîner vers les portes de bois. Mais alors que nous nous apprêtions à les franchir, une nouvelle voix, secouée de sanglots, résonna à travers la ruelle :

-Kenfu !

Mon double et moi nous stoppâmes d'un même geste. Sinna. C'était la voix de Sinna.
Mon coeur s'arrêta de battre, et nous pivotâmes lentement sur nous mêmes. A quelques mètres de là, la jeune femme nous dévisageait, le visage noyé par les larmes. Mais ça n'était pas tout.

-Tu es enceinte, m'étranglai-je, sous le choc.

-Tu m'as abandonnée, rugit-t-elle.

Mais je ne pus lui répondre ; la tempête de débris l'avala et elle s'évapora sous mes hurlements.

-Mais qu'est ce que tu as fait ?! beuglai-je à mon double, déchiré par la douleur.

-Jeane est une ivrogne ! hurla-t-il, à son tour défiguré par les pleurs. George est un tyran, Neelya est punie par les Dieux, Marion a perdu toute sa famille, on a mentit à Alexie toute sa vie ! Sinna, elle est enceinte, et elle ne l'a pas choisit ! Et moi, je suis le pauvre Grand Sauveur qui est incapable d'affronter la réalité et de prendre ses responsabilités !

-Qui a mis Sinna enceinte ? murmurai-je tout en digérant le reste de ses paroles.

-Tu ne veux pas savoir, sanglota-t-il. Tu ne veux vraiment pas savoir...

-Sinna est l'une de tes meilleures amies, soufflai-je, le coeur serré, comprenant peu à peu que je n'aurais bel et bien aucun avenir avec elle. Peu importe qui m'a mise enceinte, tu dois l'aider. Peu importe ce qui tiraille George et Jeane, ils ont l'air malheureux et ce dont ils ont besoin, c'est d'un ami. Peu importe ce que tu as failli à faire jusqu'ici. Ce qui compte, c'est ce que tu vas faire maintenant. Tu es le Grand Sauveur, que tu le veuilles ou non. Et tu dois l'accepter.

Il redressa la truffe vers moi et son regard émeraude me transperça. Bien que j'y lus toute la douleur du monde, les pages de ce funeste livre se tournaient enfin.

Ensemble, nous joignîmes nos pattes et franchîmes les portes de bois d'un bond.

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