Chapitre 57 : Rude entraînement (Corrigé)
-Retourne chercher ton arme, m'ordonna-t-il.
J'obéis, méfiant, mais préférai m'y rendre à reculons. Qui sait, il serait peut-être capable de me faucher les jambes en chemin.
-Vous m'entraînez pour la guerre à venir, avouez, sifflai-je tout en ramassant le bout de bois.
Il était si léger sur ma main que j'eus du mal à croire qu'Alwis ait pu frapper avec autant de force. Ce dernier s'avança dans ma direction, les yeux rivés dans les miens, et mima une feinte. J'eus un brusque mouvement de recul et dressai maladroitement l'arme devant mon visage.
-C'est sûr que tu ne tiendras pas trois secondes comme ça, soupira-t-il.
-J'ai vaincu à la bataille de la bombe, ripostai-je, offusqué. Et je peux me transformer en Panda-Roux.
Les traits d'Alwis se déformèrent sous la colère et à nouveau, le bâton fusa dans sa main lorsqu'il me désarma avec une vitesse inouïe :
-Le secret d'un véritable combattant n'est pas de développer une force unique, mais celle de maintenir l'équilibre dans tous les domaines !
-Je ne comprends pas, bredouillai-je en filant récupérer mon arme.
-Tu dois savoir te battre sous forme Humaine aussi bien qu'en Panda-Roux. Voilà ce que ça veut dire.
Il piqua, et je fis un brusque bond vers l'arrière.
-Allez, réagis ! mugit-il, frustré.
Il poussa sur ses appuis, exécuta une nouvelle pirouette pour tenter de frapper mon flanc. Mais j'avais prévu le coup et je contrai son attaque en plaçant avisement le bâton à la verticale. Alwis eut un sourire satisfait et se replia :
-Enfin...
Mais la seconde d'après, il avait retourné l'arme dans sa main, l'air ennuyé, et ôté le bâton de mes mains crispées.
-Mais comment... ? tempêtai-je, frustré d'être ainsi démuni si facilement.
-OK, laissa-t-il tomber, soupirant. Manier une arme est trop difficile pour toi, visiblement.
-Quoi ?! Mais...
-Laisse moi finir ! clama-t-il, agacé, tandis que ma bouche s'ouvrait et se refermait, prise au jeu de l'indignité et de l'injustice.
Mais pour qui se prenait-il ?!
-Il faut voir le bâton comme une extension de sa force. Jouer avec l'élan et le mouvement du poignet pour y mettre autant de puissance. Couper sèchement le geste pour y mettre la juste pression, éviter de briser son propre bâton. Mais avant tout ça, tu devrais savoir manier tes propres armes.
-Mes propres... ?
-Tes poings, tes pieds, ta tête ! s'agaça-t-il, impatient. Tu as vu comme ton père frappe vite ? Il utilise la Magie. Je n'ai pas beaucoup de technique de ce côté là, car je n'ai pas beaucoup de Magie en moi. Aïru, si.
-Il a un Don ? bredouillai-je, les yeux écarquillés.
Cela expliquerait tant de choses...
-Non, grinça Alwis, les yeux levés au ciel. Nul besoin d'avoir un Don pour avoir de la Magie.
Je le foudroyai du regard. Je détestai la façon dont il me parlait. A croire que j'étais stupide.
-Et donc... ? l'encourageai-je à poursuivre, impatient.
-Si tu parviens à maîtriser tes propres armes à la perfection, tu pourras réaliser des attaques dix fois plus puissantes que les siennes. Tu possèdes tellement de Magie que tu en empestes même quand tu ne l'utilises pas.
Je battis des paupières, perplexe, et luttai pour ne pas glisser mon nez sous mes aisselles. Portai-je vraiment l'odeur de la Magie sur moi ?
-Ne t'inquiète pas, s'amusa mon professeur, qui avait sans nul doute deviné mes pensées. Les autres ne doivent pas le sentir. Mais moi j'ai appris à le faire, et je la sens constamment sur toi. En particulier lorsque tu t'énerves.
Je me renfrognai ; ça, ce n'était pas une nouveauté.
-Bref, passons, soupira-t-il finalement.
Il fit demi-tour et sortit de la réserve un sac de frappe, qu'il tira par la chaîne jusqu'au mur. Là, il banda tous ses muscles pour l'accrocher à un crochet prévu à cet effet.
-Tu sais comment mettre un coup de poing, il me semble, railla-t-il en reculant de quelques pas. Le pauvre Tobias saura nous le confirmer sans soucis.
-Je sais, grinçai-je entre mes dents serrées, fusillant Alwis du regard.
Nul besoin de me rappeler que j'avais envoyé cette ordure à l'infirmerie. Il aurait été même appréciable que l'on me remercie. Il en avait sérieusement besoin.
-Essaie avec le pied, fit le professeur de Lettres en se postant à quelques mètres, les mains dans le dos.
-Le pied ? répétai-je, une grimace au visage. J'ai du mal avec le pied.
-Je sais. C'est pour ça que je te demande de frapper avec le pied.
J'eus un long soupir. Jusqu'ici, la colle ne m'avait appris qu'une chose ; toutes les compétences que je croyais avoir développé en combat n'étaient que poussières. Si je voulais tenir jusqu'à la fin de l'année, du moins jusqu'au moment où j'aurais l'opportunité de m'en aller loin d'ici, il me faudrait apprendre au moins les bases. Surtout si une nouvelle bombe se décidait à chuter d'ici là.
Je serrais donc les dents, concentré, me plaçai de profil et frappai. Le sac oscilla légèrement, tandis qu'une vive douleur sur le plat du pied m'arracha une grimace.
-Lève ta jambe plus haut, ordonna Alwis d'une voix sèche. Plie doucement le genoux, puis envoie ton pied frapper le flanc du sac. Tu dois opérer un mouvement circulaire pour avoir davantage de puissance. Comme quand tu donnes un coup de poing.
Je sautillai légèrement, paré à frapper de nouveau. J'envoyai mon pied sur le côté du sac en appliquant les conseils du professeur de Lettres et la douleur fut quasi inexistante cette fois-ci.
-Mieux. Encore, plus fort.
Je ravalai une réplique cinglante, poussai sur mon pied gauche et lançai un nouveau coup.
-Plus fort, insista Alwis.
Je réprimai un grognement lorsque j'employai davantage de force dans la frappe. Le sac trembla, ralentit par son poids, me nargua de ma lenteur. Sans attendre l'ordre d'Alwis, je répétai le geste, laissant cette fois-ci s'échapper de ma gorge un lourd grondement. J'enchaînai les attaques, sans m'arrêter, et les premières gouttes de sueur ruisselèrent sur ma nuque.
J'ôtai prestement mon veston, aperçus le sourire d'Alwis dans le coin de mes yeux, mais n'y prêtai aucune attention. Le sac avait pris de nombreux visages qu'il me pressait de frapper. Ceux de mon père, de Kaï, du lieutenant Changers y étaient les plus présents. Je les chassai un à un, la mâchoire crispée. Un puissant grondement m'échappa lorsque j'opérai une vive pirouette pour envoyer mon pied au flanc du bidon de tissu rembourré. Il se déhancha, surpris, et sauta du crochet pour s'écrouler au sol dans un grand fracas.
Hors d'haleine, je le contemplai avec hargne avant d'essuyer mon front d'un revers de manche.
-Voilà, je préfère ça, sourit Alwis, satisfait, en me décrochant une œillade amusée.
Il attrapa le sac sans le moindre effort et s'en alla le ranger. Je restai quant à moi immobile, à la fois vidé et secoué de pensées. Le professeur de Lettres lança par-dessus son épaule avant de quitter la salle :
-A la semaine prochaine !
Mes poings se serrèrent, et, dans le lourd silence de l'endroit, je sentis un sourire se dessiner sur mes lèvres.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top