Chapitre 5 : Classe D.1 (Corrigé)
Nous finîmes par être entraînés vers un ensemble de bâtiments au coin gauche du campus, où la large pancarte immaculée indiquant "Faction Erkaïn" nous souriait. Le responsable nous conduisit jusqu'au bâtiment des cours, et nous pénétrâmes dans un humble hall aux murs délicatement tapissés d'un papier peint rouge bordeaux. Le parquet brun verni brillait sous la pâle lumière blanche provenant des imposantes fenêtres placées sur tout le pourtour de la pièce. Quelques sofa avaient été placés sur les coins, agrémentés de buissons en pots pour la décoration. Juste en face, de grands escaliers vêtus de velours rouges grimpaient vers les étages supérieurs. Juste à droite, un bureau d'accueil était tenu par une vieille Ecureuil au poil lustré.
Cependant, notre guide nous arrêta au centre du hall et réclama le silence d'un sec claquement de doigts :
-S'il vous plaît, s'il vous plaît !
Le brouhaha des créatures impatientes finit par cesser, et sa mine se fit plus joviale :
-Nous allons vous appeler chacun votre tour, et vous vous dirigerez vers cette porte pour vous mettre en file indienne.
Il pointa du doigt une porte masquée dans l'ombre au coin gauche, dont je n'avais jusqu'ici pas remarqué la présence.
-Vous passerez brièvement le test et serez ensuite répartis dans votre classe, poursuivit-il en promenant un regard grave sur chacune de nos truffes.
Il semblait avoir l'habitude des manques d'organisation chez de nouvelles promotions, et ne souhaitait visiblement pas devoir à nouveau à gérer cela. J'eus un sourire ironique : peut-être se trompait-il sur les véritables coupables de la zizanie.
-Bien, nous allons commencer.
Les noms furent annoncés à tire d'aile, d'un ton sec et impatient. Sans surprise, les brouhaha reprirent de plus belle et il fut bientôt impossible pour les responsables de se faire entendre. Je tombai quant à moi assis sur l'un des sofa du hall, en retrait de la foule. Mes muscles tendus trahissaient de mon anxiété sociale : en effet, je n'appréciai guère les attroupements comme ceux-ci, et encore moins dans une pièce confinée. Les bruits et rires faisaient écho contre les murs, ricochaient sur les parois de mon crâne et me rendaient terriblement nerveux. Comme si je ne l'étais pas déjà suffisamment.
-Kenfu des Panda-Roux ! héla une voix bourrue, visiblement à court de patience.
Je quittai mon siège et me frayai tant bien que mal un passage parmi la mer d'élèves pour me poster nonchalamment devant le Gorille patibulaire qui venait d'énoncer mon nom. Je plissai les yeux : je ne l'avais encore jamais vu.
Il m'indiqua la porte et j'obéis sans broncher, las. Je patientais alors, le poil hérissé, derrière les autres Erkaïns qui semblaient tout aussi nerveux que moi. Heureusement, l'attente ne fut pas très longue, et on finit par crier mon nom dans la pièce.
Je poussai la porte, les muscles bandés et les pattes légèrement tremblantes. Je tournai la poignée derrière moi, et le silence se fit.
Je me retournai sans me presser, tentant vainement de calmer ma queue qui s'agitait dans mon dos. Je balayai alors l'endroit d'un regard méfiant, comme craignant la nature du test. Hors, il n'y avait là qu'un bureau et quelques armoires débordantes de paperasses et de dossiers. Un vieil homme à la peau sombre, assis en chaise roulante derrière un ordinateur, me fit signe d'avancer. J'obtempérai sans discuter et ramenai ma queue sur mes pattes, histoire de la maintenir en place.
-Alors... souffla l'homme, les yeux plissés.
Il lâcha une toux rauque avant de reprendre :
-Kenfu des Panda-Roux, c'est bien ça ?
J'esquissai silencieusement et il pianota un instant sur son clavier. Puis, il tira d'un tiroir une petite boîte métallique, qu'il brancha soigneusement à son appareil. Il la déposa ensuite face à moi et remonta vivement la monture de ses lunettes sur son nez :
-Tu auras juste à te piquer le doigt quand le petit pique gris sortira de la boîte.
Mon échine se hérissa, mais je préférai ne pas ouvrir la gueule. Ils voulaient mon sang ?! Comme l'homme l'avait prédit, l'aiguille apparut sur le dessus de la machine. Elle semblait rire de ma peur soudaine, mesquine de prendre ainsi mon sang. Tremblant, j'approchai le doigt et piquai vivement. Si je ne ressentis aucune douleur, le simple fait de savoir mes gènes glissant actuellement dans la boîte m'effrayait.
-Alors... toussota le secrétaire, concentré.
L'aiguille se rétracta et j'attendis, agité et la fourrure en bataille. Soudain, l'homme fronça les sourcils et coula un regard dans ma direction, brusquement inquiet. Il eut une nouvelle toux, et mon pouls s'accéléra. Ca devrait déjà être finit, songeai-je, agacé. N'étaient-ils même pas capable de faire leur répartition convenablement ?!
Mais mon interlocuteur se pencha sur son bureau pour appuyer sur un bouton du téléphone :
-Euh... Je peux avoir un responsable, s'il vous plaît ? Il y a un problème avec les tests sanguins d'un élève.
Il relâcha l'interrupteur, et un silence s'installa dans la pièce. Mal à l'aise, j'eus grande peine à ne pas arracher le velours de mon fauteuil de mes griffes tant que j'étais stressé. Pourquoi y avait-il un problème avec mes résultats ? Pourquoi cela ne pouvait-il pas en finir rapidement, comme avec tous les autres élèves ?!
-C'est quoi, le "problème" ?! finis-je par lâcher, les crocs serrés d'agacement.
Il releva deux yeux coupables dans ma direction :
-Je n'ai pas le droit de vous en faire part sans l'autorisation de mon supérieur, désolé.
Cette fois-ci, mes griffes se plantèrent dans le fauteuil, et mes moustaches s'agitèrent :
-Bien sûr, il s'agit de mon sang, et je n'ai pas le droit de le voir ?
Mais le secrétaire haussa les épaules et je serrais les dents. Pourquoi cela n'arrivait qu'à moi ?!
La porte s'ouvrit alors et deux Gazelles y pénétrèrent, les sourcils froncés. La première, qui menait la marche, portait autour du coup un badge comportant sa photo d'identité et en gros "Secrétaire des élèves en cheffe". Elle alla se planter derrière le vieil homme pour se pencher sur l'ordinateur, visiblement agacée. Mais soudain, son expression sévère se mua en une mine hébétée, et son visage pâlit.
-C'est forcément une erreur, balbutia-t-elle en cliquant vivement sur la souris.
-J'ai déjà réinitialisé le calcul une dizaine de fois au moins, rétorqua le secrétaire, aussi désemparé que sa supérieure.
-Essayez de refaire le test, proposa la seconde Gazelle, qui se tenait légèrement à l'écart.
Mais mon pelage se hérissa, et j'écarquillai les yeux :
-Non mais ça va pas ?! On me prend déjà une fois mon sang, ensuite on refuse de me montrer les résultats et après on veut recommencer ?! Non mais vous êtes malades ?!
Je reculai mon siège, refusant catégoriquement de replanter mon doigt sur cette aiguille.
Les Erkaïns face à moi échangèrent un regard de détresse, et la secrétaire des élèves finit par souffler :
-Bon alors, on fait quoi ? C'est forcément une erreur du logiciel.
-A moins que... se risqua l'homme, une grimace au visage.
-Bien sûr que non ! Jamais il n'aurait fait ça ! siffla sa supérieure, menaçante.
Tant incrédule qu'agacé de cet entretien catastrophique, je plaquai mes oreilles en arrière :
-Alors, je vais dans quelle classe ?!
Ils échangèrent un nouveau regard rempli de sous entendus, mais la cheffe finit par hausser les épaules :
-On le met dans la classe D.1. Il ne va pas être content, autrement.
-Qui ne va pas être content ? feulai-je en les fusillant du regard.
-C'est confidentiel ! répliqua la seconde Gazelle alors que sa collège tapait frénétiquement sur les touches du clavier.
Elle releva alors le museau en me tendant un épais livret :
-Ton badge, ta classe et le plan de l'école. Surtout, ne les perd pas.
Elle me montra la porte à sa droite d'un bref signe de tête :
-Tu peux y aller.
J'agrippai férocement le paquet et bondis hors de mon siège, la queue en panache. J'ouvris la porte et pris grand soin de la claquer derrière moi, tout en tentant de chasser de mes pensées leurs dernières paroles. Qui était ce "il", dont ils avaient si peur ? Quelle était l'erreur de mes tests sanguins, et pourquoi avaient-ils l'air si effrayés en les voyant ?!
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