Chapitre 35 : Les desseins de l'amour (Corrigé)
On frappa à la porte.
-Quoi ? grognai-je, agacé.
L'intrus choisissait le mauvais moment. Je n'étais absolument pas d'humeur à discuter.
-Tu arrives à te préparer, toi ? demanda une voix amusée.
Surpris, je vis George pénétrer dans ma chambre et refermer la porte derrière lui. Si nous étions tous deux sous forme humaine, nous étions toujours vêtus d'un simple t-shirt et jogging.
Le grand blond avait apporté avec lui un sac gorgé de vêtements, ce qui lui valut un regard de reproche de ma part :
-T'as été obligé de tout apporter ?
-Je sais pas quoi mettre, geignit-il. Les filles doivent être en train de nous attendre, à l'heure qu'il est.
Je me renfrognai, mal à l'aise. Je n'aimais pas à avoir à me préparer ainsi pour une soirée, et encore moins être attendu.
-Comment elles font pour savoir quoi mettre ? grognai-je en enfilant un pull noir, avant de prestement le retirer en grimaçant face au miroir.
-C'est drôle, pouffa George, ce n'est que maintenant qu'ils nous donnent des miroirs.
-Ça manque d'organisation, c'est sûr... raillai-je avant de tomber assis sur le lit, excédé. Mais là ça commence vraiment à m'énerver. Pourquoi est-ce qu'il y a un code vestimentaire à respecter pour cette putain de soirée ?!
George haussa les épaules :
-Enohria a beau être gratuite, elle tient à son image, alors ça ne m'étonne pas. C'est pas pour rien qu'ils nous mettent plein de vêtements à disposition.
Sur ces mots, il vida le sac sur le lit et je me relevai pour y jeter un œil. Mais il n'y avait là rien qui semblait convenir à ma silhouette.
J'attrapai une chemise bleue et la jetai au jeune homme :
-Essaie ça.
Il l'enfila aussitôt et je réprimai un rire, la main plaquée sur ma bouche.
-Quoi ? sourit George en pivotant sur lui-même face au miroir.
-Tu as l'air d'une bouteille, éclatai-je, moqueur.
Il retourna mon commentaire par un semblant de grimace méprisante exagérée.
-Moi au moins j'ai quelque chose.
-Je préfère rien qu'être une bouteille.
Il me jeta un regard amusé et noua une cravate rouge à son cou.
J'attrapai une chemise, une ceinture et un pantalon noirs, desquels je m'empressai de me vêtir. George eut une moue approbative :
-Chic et élégant. Heureusement que t'as pris un peu de poids avant tout ça.
Je lorgnai le jeune homme d'un regard noir. Je n'aimais pas plaisanter avec ce genre de chose.
-Ferme là et coiffe ta perruque, grondai-je tout en me chaussant.
Il rit et obéit sans broncher. Je ne tardai pas à l'imiter et une fois chose faite, nous quittâmes la chambre. De nombreux autres étudiants circulaient dans le couloir, et nous eûmes quelques difficultés à passer. Nous finîmes par atteindre les escaliers, que nous dévalâmes sans nous presser. Les mains dans les poches, je songeai au fait que ma mère et mon père seraient dans la même pièce toute la soirée durant. Kaï entre eux. Cela promettait d'être électrique.
Nous traversâmes le couloir au milieu d'autres, fîmes la queue devant l'entrée et nous enregistrâmes. Ainsi, personne ne saurait que nous nous randrions en vérité en boîte à l'extérieur de l'Académie.
Ils vérifièrent ensuite nos tenues, mais ne firent aucun commentaire.
Nous pénétrâmes dans le réfectoire alors que la musique s'élançait déjà. Finalement, pas de discours de Kaï... songeai-je, soulagé. Je ne voulais pas attendre avant de quitter l'endroit.
Les lumières dansaient sur les murs, et les sons qui s'y cognaient s'en retournaient dans l'autre sens pour nous harceler. Les tables et coussins avaient été écartés pour laisser tout l'espace central de libre. Une piste de danse avait été aménagée, et quelques personnes y bougeaient déjà.
Nous aperçûmes alors les trois jeunes femmes dans un coin, que nous rejoignîmes en quelques pas. Jeane était recouverte de volants, allant de son haut blanc à manches bouffantes transparentes à sa mini jupe rouge bordeaux. Elle avait souligné ses yeux mauves d'un trait d'eye liner et tiré sur ses lèvres une opaque couleur rouge. Ashley, qui sautillait d'excitation à ses côtés, portait une robe blanche de satin et des bretelles à nœud. Elle avait noué ses longues boucles blondes en une queue de cheval grâce à un noeud papillon rose.
Ne restait que Sinna. Qu'il me fut difficile de regarder, par ailleurs, car cette dernière, qui n'était habituellement pas des plus jolies, semblait ce soir là avoir presque utilisé la Magie. Elle portait une délicate robe bleue pastel, qui faisait pair avec ses grands yeux légèrement maquillés. Mon regard s'éternisait sur son visage pour la première fois découvert. Les tâches de son parcouraient son nez et ses joues, créaient une agréable harmonie avec ses cheveux châtains glissés derrière ses oreilles. Où était la Sinna que l'on ne remarquait pas ? Où était la silhouette masquée par un t-shirt ample et un jean usé ? Désormais sa robe jouait sur ses formes et m'agressait. Je n'aimais pas cela. Je voulais qu'elle reste banale et invisible.
-Kenfu ? s'amusa-t-elle en faisant un pas dans ma direction. T'as pas l'air d'être très heureux d'être là.
Je détournai le regard et me renfrognai. Elle avait même mit du parfum. Évidemment. Voilà qu'à présent son odeur habituelle se retrouvait mêlée à un arôme de vanille délicat, sans que cette fois-ci je ne puisse l'éviter.
Je haussai les épaules, feignant d'être désintéressé. Mais elle ne sembla pas s'en préoccuper et pivota vers George :
-Tu ressembles à une bouteille, tu sais ?
Jeane éclata de rire et attrapa le bras de notre ami pour s'y cramponner :
-C'est tellement vrai !
Il leur tira la langue et Ashley minauda :
-Moi je trouve que le bleu te va bien.
-Merci, grogna-t-il, quelque peu irrité mais tout de même amusé.
Je croisai alors à nouveau le regard de Sinna et fis mine d'avoir aperçus quelque chose de plus intéressant non loin. Agacé, je me demandai pourquoi elle était venue. Je ne voulais pas avoir à la regarder par inadvertance toute la soirée durant.
Soudain, je remarquai une silhouette familière à quelques mètres et compris qu'il s'agissait là de ma mère. Quelqu'un venait de lui attraper le bras. Mon poil se hérissa sur ma nuque lorsque je vis Kaï lui sourire. Pourquoi diable lui parlait-il comme s'il la connaissait depuis toujours ? Mais mon sentiment d'angoisse ne fut qu'accentué lorsque, quelques mètres plus loin, j'aperçus un Aïru qui paraissait très agacé par la situation. Il dévisageait les deux Erkaïns d'un mauvais œil.
-Kenfu ? s'inquiéta George en se penchant dans ma direction.
-Kaï parle à ma mère, murmurai-je pour qu'il soit le seul à percevoir mes paroles. Et mon père n'aime pas ça.
-C'est un triangle amoureux ? s'étonna le jeune homme, stupéfait.
Je me raidis : non, je ne l'espérais pas. Pour commencer, Kaï n'était pas de la première jeunesse. Ensuite, je ne voulais pas voir mon père rôder autour de ma mère. Il avait laissé passer sa chance en nous abandonnant à notre sort il y a plus de vingt ans. S'il souhaitait se rattraper, je ferais de mon mieux pour l'en empêcher.
Mais visiblement, je n'avais pas lieu de m'inquiéter, car il finit par s'en retourner vers le bar. Il demanda un verre et l'avala cul sec. George et moi l'observâmes serrer sa coupe contre sa paume, l'air hors de lui.
Finalement, il se détourna, scinda la foule et au même instant, percuta Julie qui marchait aux côtés de Kaï.
Les yeux écarquillés, je bondis dans leur direction mais George me retint. Aïru avait déjà rattrapé ma mère avant sa chute et ils se redressaient, soudain raides.
Je peinai à croire ce qu'il se passait. Mes parents se percutant lors d'une soirée après une crise de jalousie. Je remarquai que leurs doigts s'étaient crispés sur les bras de l'autre, que soudain les respirations s'étaient tues. L'électricité qui gicla entre leur regard ne m'échappa pas non plus.
Je fus alors saisi d'un frisson, les yeux ronds face à cette scène incrédule.
Aïru et Julie étaient-ils toujours amoureux ?
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top