Chapitre 28 : Les Jeux de Vérité (Corrigé)

-Qu'est-ce que tu fais ici ? soufflai-je, les crocs serrés, en arrivant à la hauteur de Julie.

Mais celle-ci se contenta de m'attraper par la patte pour me tirer hors du réfectoire. Ses yeux bruns papillonnaient dans toutes les directions, alertes au moindre détail suspect.

-Je vais te ramener à la maison, siffla-t-elle entre ses crocs.

Elle m'aggripait fermement la patte, et je dus pousser sur mes membres arrières pour me dégager de sa poigne.

-Tu peux pas venir et m'embarquer comme ça sans explications ! feulai-je, désormais agacé.

Voilà que j'étais traîné dans le couloir tel un enfant capricieux !
Julie se stoppa net et pivota dans ma direction, le pelage hérissé :

-Je n'aurais jamais dû t'envoyer ici ! Tu n'y es pas en sécurité !

-Et bien il va falloir apprendre à accepter le fait que j'ai quitté la maison pour de bon ! m'emportai-je, toutes griffes dehors. J'ai grandi, et je suis capable de me débrouiller seul !

Elle voulut répliquer, mais je le lui empêchai :

-Maintenant, tu vas rentrer à la maison et me faire le plaisir de te trouver un emploi stable ! Éloigne toi de tous ces conflits, éloigne toi de moi, d'Enohria, et reprend ta vie en main maman !

Elle agita les moustaches, médusée. Elle ne semblait même pas prendre au sérieux mes paroles ! Les oreilles rabattues, je m'apprêtai à la sermoner à nouveau quand une voix me coupa :

-Julie, tu ne devrais pas être ici.

Les menaces qui pesaient dans le ton de Kaï me firent l'effet d'un électro choc. Voilà que je découvrai un nouveau visage de la vieille Tortue. Mais cela m'était égal ; j'étais resté fixé sur le fait qu'il avait tutoyé ma mère. Cela ne pouvait signifier qu'une chose : ils se connaissaient déjà depuis longtemps.

-Enohria n'est pas bon pour mon fils, rétorqua-t-elle entre ses crocs.

-Tu ne fais qu'envenimer les choses en venant ici, insista le vieux Roi en se plantant à nos côtés, le regard sévère.

Je reculai d'un pas, méfiant. Il y avait des choses au fond de leurs yeux qui ne m'étaient pas dites.

-Je n'ai d'ordres à recevoir de personne, cracha-t-elle. Et encore moins de toi !

Je réprimai un grognement : voilà que Julie le tutoyait à son tour. Si cela n'était pas une preuve de familiarité, je ne savais pas ce que c'était. Ça n'était même probablement pas de l'insolence comme j'avais pu en faire preuve avec Kaï, car ma mère était respectueuse.

-Prend garde, la menaça le Roi. Tu pourrais compromettre bien des choses en insistant ainsi.

Stupéfait, je vis les larmes poindre au coin des yeux de Julie, tandis qu'elle maugréait d'une voix tremblante :

-Ça ne devrait pas dépendre de lui. Ce n'est qu'un enfant.

-Va-t-en, grinça Kaï, les pattes serrées sur son bâton.

Il semblait véritablement en colère, et moi face à cette scène ne savait que faire d'autre que d'être déchiré. Cela me déplaisait d'entendre ainsi Kaï donner des ordres à ma mère ; mais j'appréciais encore moins le fait que tous d'eux m'aient visiblement caché des choses. Ils me mentaient et cela n'aidait pas à calmer mes nerfs.

Julie me regarda un instant, le visage dépeint d'une triste expression de regrets. Elle finit par tourner les talons et je la vis dévaler les marches de l'école avant de disparaître derrière un autre bâtiment du campus.

Les choses s'étaient si vites enchaînées qu'en vérité, je n'étais même pas certain que Julie soit véritablement venue à Enohria.
Cependant, il était certain que Kaï était à mes côtés, le regard voilé.

-Pourquoi t'acharnes-tu à me mentir ? feulai-je, l'échine hérissée. Toi et ma mère, vous me cachez des trucs et j'aime pas ça. Quoi que ce soit, je pense que j'ai le droit de...

-C'est vrai, approuva le vieux Roi en esquissant l'ombre d'un sourire amusé.

Hébété, je refermai la gueule et demeurai perplexe face à lui. Soudainement, l'idée que ce qu'il s'apprêtait à me dévoiler puisse me causer davantage de souffrances me traversa. Je n'étais brusquement plus sûr de souhaiter entendre la vérité.

-Ce que ta mère et moi te cachons, reprit Kaï, tu le sais déjà.

Je plissai les yeux, méfiant. Voilà qu'il tentait désormais de se jouer de moi. Pourtant, j'etais persuadé qu'il y avait autre chose.

-Tu as un grand rôle à jouer dans cette guerre à venir, Kenfu, soupira la vieille Tortue en reportant son regard là où Julie avait disparu quelques instants plus tôt. Ta mère le sait et elle voudrait t'empêcher d'y participer. Mais elle ne comprend pas que nous dépendons tous de toi, de tes choix et de tes actes.

Je fus pris par l'envie de lever les yeux au ciel, rétorquer qu'il se trompait lourdement. Qu'il commençait sérieusement à devenir fou à énoncer de telles paroles. Nul ne pouvait affirmer quel serait mon avenir, puisque j'en étais le seul maître.
Mais la venue de ma mère remettait cette explication en doutes.

-Kaï, je... commençai-je en redressant la truffe, avant de me stopper net.

Le vieux Roi avait disparu, ne laissant dans le couloir que de faibles vestiges de sa présence. Un lourd silence qui pesait sur mes épaules et la terrible odeur de la vérité.

Étais-je réellement destiné à sauver ce Monde d'une Deuxième Guerre des Trônes ?

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