Chapitre 14 : le Premier Cours (Corrigé)
Je suivis donc le fennec jusqu'à l'édifice des salles de cours, où il m'entraîna vers sa classe. Nous n'eûmes pas à gravir beaucoup d'escaliers, heureusement. Mes muscles hurlaient encore de courbatures après mes mésaventures d'hier.
Enfin, celles du parc d'attraction et de l'alcool. Ce qui s'était produit ensuite ? Rien, voyons. Il ne s'était rien passé. Et c'était mieux ainsi.
Le professeur de Lettres poussa la porte aux délicates reliures dorées et pénétra dans une pièce où régnait un grand brouhaha. Tandis qu'il se stoppait sur le seuil, un sourcil arqué et la queue enroulée autour des pattes, je me faufilai dans son dos pour gagner une place au fond de la salle, à la droite de George, lui-même assis à côté de Jeane. Les deux Erkaïns se penchèrent dans ma direction, prêts à me vomir une marée de questions, mais je les stoppai d'un regard. Ce n'était pas le moment.
-Bien, s'il vous plaît ! s'agaça notre professeur de Lettres, les oreilles rabattues sur son crâne, visiblement contrarié. Je ne demande pas que vous m'écoutiez, je demande simplement le silence.
Les voix se turent, et le fennec s'avança jusqu'à son bureau pour se planter face à nous. Il balaya les rangées d'élèves de son regard ambré avant d'esquisser un sourire amusé :
-C'est si facile, vous ne trouvez pas ? pouffa-t-il. Si facile pour un professeur d'obtenir le silence. De nos jours, il ne suffit plus d'être respecté pour avoir de l'autorité.
Je me redressai sur ma paillasse, soudain intrigué par ses paroles. Ou bien m'intéressaient-elles ?
-D'après vous, qu'est-ce qui pousse à obéir, même quand on ne respecte pas la personne ? nous interrogea-t-il, un sourcil arqué de curiosité.
-La peur, intervins-je sans lever la patte.
Toutes les truffes se tournèrent dans ma direction et le fennec plissa les yeux :
-Exact, Kenfu. La peur.
Nous nous fixâmes du regard quelques secondes, comme défiant l'autre de ciller le premier. Le professeur esquissa alors l'ombre d'un sourire et se redressa, l'oeil brillant :
-Eh bien, cette année, je serais celui qui ne vous inspirera non pas le respect, mais la peur. Non, vous n'aurez pas peur de moi, mais vous aurez peur de ce que je pourrais faire. J'ai du pouvoir sur vos vies, sur votre avenir. C'est pour cela que quand je demande le silence, personne ne conteste.
Il laissa le silence planer dans la salle, devant la truffe des élèves impressionnés. Moi-même ne savait que dire ; cet Erkaïn là savait parler, c'était certain.
-Je m'appelle Alwis, et je serais votre professeur de Lettres durant votre première année d'études à Enohria. Je n'attends pas de vous d'être brillants, d'être actifs, d'être studieux ; je veux que vous ouvriez les yeux sur ce qui vous entoure et que vous utilisiez ces vérités comme des leçons personnelles. Et non universelles.
Il me décocha un regard amusé et j'agitai les moustaches, perplexe. Alwis m'intriguait. Il m'avait semblé si agaçant dans le couloir, si hautain. Il ne ressemblait pas du tout au Erkaïn qui m'avait apporté mon petit déjeuner il y a une dizaines de minutes à peine.
- Bien ! fit-il en se frottant les pattes. Voyons voir un peu ce que vous connaissez. Citez moi un grand ou une grande auteure Phoenicienne.
Aussitôt, Gabriel -si il s'appelait bien ainsi- leva timidement la patte et, lorsque Alwis l'autorisa à prendre la parole, se râcla la gorge avant de prendre la parole :
-Mistral. Je pense notamment à son œuvre "Eleya".
Le fennec approuva d'un signe de tête intéressé :
-Très bien ! Mistral est un auteur qui est mort il y a une vingtaine d'années. Il a beaucoup écrit sur les légendes urbaines, dont son célèbre roman "Eleya", dû au scandale qu'à été la folie qui torturait cette princesse Changer, juste avant qu'elle ne se donne la mort. Juste avant les premières déclarations de la Première Guerre des Trônes.
Je m'agitai sur mon siège ; allait-il nous en parler ? Avait-il ne serait-ce même le droit de prononcer le nom de cette guerre passée ? Mais il se contenta d'hocher à nouveau la tête, approbateur, avant de nous questionner :
-Quelqu'un connaît un autre auteur qui a beaucoup écrit sur la folie ?
-Barney Snow, monsieur, lança une voix délicate. Elle a écrit "Quand la porte de la cage est ouverte" ou "La folie de n'être fou".
Je me renfrognai ; c'était la femelle Panda-Roux, Sinna. Celle qui m'avait porté secours dans le réfectoire. J'avais oublié qu'elle était dans ma classe.
-C'est exact ! s'extasia Alwis tout en se redressant soudainement, les yeux brillants. Voilà le nom que j'attendais. Barney Snow. C'est la théologienne la plus célèbre de ces deux dernières décennies. Mais, vous faites erreur sur un point... elle n'est pas née à Phoenix.
Je lâchai un grognement et me recouchai sur ma paillasse. Cela ne m'intéressait plus le moins du monde.
-En effet, poursuivit le fennec, comme lointain, Snow serait née au cours de la 2ème Ere, au cœur des premières guerres magiques, au temps des Premiers Elus. Elle est en effet une Mêlée Delta et Humaine. On raconte qu'avec de nombreux autres orphelins, elle et ses deux sœurs ont été sauvées par le Premier Voyageur pour être emmenées à l'Ere actuelle, soit la 4ème Ere.
-Kenfu, murmura une voix, donc le souffle me chatouilla l'oreille.
Je changeai de position, de sorte à m'allonger face à George et Jeane.
-Mmh ?
-Cependant, le voyage se serait mal déroulé, poursuivait Alwis, et Snow a eu par la suite des problèmes mentaux...
-Dis nous c'qu'i' s'est passé hier, me pressa la Lapine, le regard brillant de curiosité.
-...similaires à des symptômes de la folie courante, celle d'entendre des voix, d'avoir des émotions poussées aux extrêmes et d'être d'une naïveté déconcertante...
-Ca ne vous regarde pas, feulai-je, incapable de leur mentir.
-Mais, Snow a su prendre un étrange recul sur sa situation et a écrit dessus, conclut le fennec, content de son histoire.
-Allez, s'te plaît, insista-t-elle, déçue de ma réaction.
-Non ! sifflai-je entre mes dents serrées, sec et froid. Déjà parce que j'essaie d'oublier ce qu'il s'est passé, ensuite parce que je refuse de croire ce qu'il s'est passé et enfin parce que si je vous disais, vous ne me croireriez pas non plus.
Ils m'accordèrent un regard inquiet, et, incapable de les voir me dévisager ainsi, je leur tournai à nouveau le dos en lâchant un grognement mécontent.
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