Chapitre 13
Quand je reprends le boulot, la semaine suivante, c'était comme si les tensions d'avant avaient disparu entre Léo et moi. Elle s'est pointée le lundi pour nos séances de plage, qui avaient été interrompues par son absence. Aucune de nous n'a cherché à reparler de quoi que ce soit.
De la même façon, nous avons commencé à devenir intimes, mais sans se concerter. Simplement, sa main trouve désormais la mienne plus souvent, et nous nous embrassons. Je sens que j'apprécie plus que de raison cette nouvelle proximité, mais j'ai peur de l'instant où l'une de nous voudra en parler. Parce qu'alors, je saurai enfin ce que Léo souhaite vraiment, et je crains la réponse.
Moi-même, ai-je envie d'une petite amie ? Je n'avais jamais pensé sérieusement être lesbienne. Forcément, ça m'avait traversé l'esprit, parce que mon expérience avec les hommes était telle que l'avait décrite Louis : désastreuse. Mais dans le même temps, je n'avais jamais ressenti beaucoup d'attraction pour les femmes.
À l'issu de cette première semaine, j'étais perturbée par deux choses : comment définir ma relation avec Léo, et trouver mon orientation sexuelle. Le fait que cette question d'une importance capitale ne me vienne à l'esprit qu'à vingt-quatre ans n'était pas quelque chose dont j'étais fière. Je me trouvais, encore une fois, à la ramasse. Mieux vaut tard que jamais.
Forcément, j'ai parlé de la situation à Louis. Au début, il a refusé de me parler. D'après Esteban, il voulait me faire payer mon ingratitude. Mais une petite soirée entre meilleurs amis a eu raison de ses bonnes résolutions et il a très vite ramené ses affaires chez nous.
— Donc en gros, tu es sûre que tu aimes Léo mais tu ne sais pas si tu es lesbienne, ou autre chose ?
Pour toute réponse je sirote le café que je me suis commandé. Nous nous sommes installés à un café pas loin du lycée Masséna, et où nous nous rendions souvent. Une part de cheesecake et deux latte, c'est ce qu'on commande tout le temps.
— J'avais raison donc. T'es pas hétéro du tout.
Son ton condescendant me fait râler. Je n'en suis pas au point de reconnaître que le gourou autoproclamé des relations queers a raison. Son hypothèse s'est révélée juste, c'est tout.
— Ce dont je suis sûre, c'est que j'ai eu deux copains, et que je n'ai jamais compris pourquoi je m'étais infligé ça. Merde, j'étais carrément dégoûté par leur truc, là.
— Leur pénis ?
— Ouais.
Louis pouffe entre deux gorgées. Son corps alanguis sur la chaise donne l'impression qu'il est proprio du bar alors que pas du tout. Un jeune homme aux traits asiatiques passe près de nous et il faudrait être aveugle pour rater le regard qu'il donne à Louis. Mon ami lui fait un clin d'œil et un signe de la main. Nous suivons des yeux le garçon qui sort, les joues rouges.
Je ne comprendrai jamais ce genre de choses. Pourquoi prendre la peine de draguer quand tu es en couple ? Quand j'ai posé la question à Louis, des années plus tôt, il m'a répondu : "ça fait du bien à mon égo". Clairement, je ne rejoins pas sa théorie.
— Bref. Le problème c'est que je ne sais pas non plus si je suis lesbienne, tu vois ? Parce que, à part Léo, je ne me suis jamais intéressée aux filles.
— J'ai surtout l'impression que tu ne t'es jamais intéressée à personne. Mais c'est pas grave, on va faire dans l'ordre. Est-ce que tu ressens une attirance pour les hommes ?
— À part certains acteurs ou persos de fiction, non.
— C'est vrai, Jason Momoa. J'avais oublié.
— Et Chris Hemsworth.
— Et Chris Hemsworth.
J'ai beaucoup de crushs en dehors de la vraie vie.
— Et à l'inverse, est-ce que tu peux t'imaginer avec une femme ?
Je prends le temps de réfléchir. Le plus difficile, c'est de ne pas penser à Léo. J'essaie de visualiser toutes les femmes qui m'ont attiré. Un visage s'impose à moi, me rappelant un fait que j'avais occulté.
— J'ai... d'une certaine façon... Un peu craqué pour Cheyenne quand on s'est rencontré.
Louis ouvre des yeux ronds, et à raison : je ne lui avais jamais parlé de ce détail. Ça m'était vite passé : je me suis rendu compte que je préférais Cheyenne en tant qu'amie, et que craquer pour elle rendait tout trop difficile. Nous conservons une relation très affectueuse, et je sais que si elle me proposait de l'embrasser, je le ferai sûrement. Mais ça en resterait là.
— Magnifique, donc on sait que tu es attirée par les femmes.
— Mais je n'ai jamais été attirée par personne d'autre, me défendé-je.
— Chérie, tout le monde n'est pas attiré par tout ce qui bouge. Tu dois avoir un type, ou alors tu es difficile.
J'hausse les épaules et fait semblant de me focaliser sur ma boisson – technique qui échoue lamentablement. La main de Louis tapote la table, me ramenant à notre discussion – discussion qui ne me passionne pas beaucoup.
— Ça ne change rien au fait que j'ai aucune foutue idée de ce qu'il se passe, me plains-je. Léo me souffle le chaud et le froid depuis qu'on s'est rencontré. Tu n'as peut-être pas remarqué, mais le week-end dernier elle était super bizarre. Bizarre dans le style "je suis en pleine crise dépressive". Et cette semaine elle était complètement transformée, comme si rien n'était arrivé. Comme si on ne s'était jamais disputé, comme si je ne lui avais pas évité un possible viol par un connard qui, je le rappelle, n'a peut-être pas menti en disant qu'il était son copain. Parce que putain, je sais rien d'elle.
Quand je me tais, enfin, je suis presque à bout de souffle et Louis me fixe en silence. Ses yeux se ferment, comme s'il réfléchissait profondément. Lorsqu'il les rouvre, son regard est trop sérieux pour... être pris au sérieux, justement.
— J'ai aucune réponse à te donner malheureusement. Si ça peut te rassurer, et je suis sûre que l'un de nous te l'a déjà dit. Mais cette attitude bizarre ne date pas d'hier. Elle est toujours comme ça, et fait comme si tout était normal. On a jamais réussi à obtenir la moindre explication.
— Mais tu trouves pas ça étrange ? Vous faites tous comme si votre amie ne se comportait pas comme une parfaite bipolaire, où je ne sais quoi. C'est presque comme si elle alternait des épisodes. La dernière fois elle a disparu pendant une semaine. Je suis obligée de m'inquiéter.
Louis se tait un moment, en s'adossant à son siège. Malgré son attitude toujours décontractée, je sais que cette histoire doit lui aussi l'intriguer. Simplement, il ne se sent pas légitime pour élucider le mystère. Après tout, il ne connaît Léo que depuis cette année.
Et moi, suis-je légitime ? Depuis le début, ma relation avec Léo est spéciale. Je m'inquiète sincèrement pour elle, mais j'ai peur, au final, de me penser trop privilégiée pour avoir ce genre de sentiments. Peut-être que je ne suis pas si spéciale à ses yeux. Peut-être qu'il n'y a pas de "nous deux".
— Tu ne penses pas que tu devrais en parler avec elle ? me suggéra Louis. Lui confier tes inquiétudes, et tout le reste. De toute façon, il faudra bien que vous en parliez. Elle est peut-être du genre à avoir des relations sans se prendre au sérieux, mais ce n'est pas ton cas. Tu as besoin de mots, d'un cadre.
— T'as raison.
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Je n'ai pas revu pas Léo du week-end, parce qu'elle était partie à Toulon, apparemment pour visiter de la famille. J'ai donc passé ces deux jours avec Louis et Esteban, venu passer la journée du dimanche à la maison. La situation avec la famille de Louis n'avait pas l'air de s'arranger, d'autant que le père était revenu et qu'il avait déjà rendu deux visites à Nora. Comme il avait frappé son fils, elle refuse de le faire entrer.
— Je ne comprends pas ce que fait ta mère, s'insurge-t-elle en lavant la vaisselle. Elle ne vient même pas voir son fils unique.
J'échange un regard gêné avec Louis, assis à la table de la cuisine.
— Elle déteste les conflits, explique-t-il, alors elle laisse toujours mon père se charger de tout. Elle doit penser que tout va se régler tout seul. De toute façon, je pense rentrer bientôt. Je ne vais pas vivre chez vous jusqu'en septembre.
— Et si tu venais vivre chez moi ? lui propose Esteban.
— Tes parents ne m'aiment pas beaucoup, je ne vais pas leur imposer ma présence.
Il est clair que les parents d'Esteban ne sont pas non plus les personnes les plus tolérantes. Mais, à la différence de ceux de Louis, ils n'ont jamais fait payer à leur fils son homosexualité. Ils l'aiment tel qu'il est, mais ne sont juste pas à l'aise avec ça. Bon, c'est ni plus ni moins que de l'homophobie déguisée, mais c'est mieux que rien.
La main d'Esteban se tends pour venir enlacer celle de Louis. Je les observe à la dérobée. Trois ans, et je suis encore loin de comprendre la dynamique de leur couple. Mais j'ai appris à accepter le fait que ce n'était pas à moi de comprendre, mais uniquement à eux.
Ce dont je suis certaine, en les regardant, c'est que j'ai envie de la même chose. Léo me manque. Lorsque nous sommes séparées, elle ne me contacte jamais. C'était comme si, en dehors de notre temps passé ensemble, nous étions des inconnues l'une pour l'autre. Et au fond de moi, je sais que je me monte la tête : elle n'a probablement pas de mauvaises intentions.
— Va la voir.
Je lève les yeux vers Louis, surprise. Il ne peut pas avoir lu dans mes pensées, mais en voyant son sourire, je dois faire une tête suffisamment éloquente. C'est vrai, je pourrais aller la voir de moi-même. Mais pour quelle raison ? Elle n'a rien oublié chez moi, et nous n'avons rien prévu ce week-end.
— Je n'ai pas de raison de le faire, expliqué-je, dépitée.
— Tu n'en a pas besoin, me contredis Esteban.
— Bien sûr que si, elle a une raison, interviens Louis. Elles doivent parler. Tu y vas, et tu lui dis ce que tu penses. On en a déjà discuté, mais je peux te rafraîchir la mémoire si tu veux.
— Non ça ira, merci, grommelé-je.
Je me doute qu'Esteban est au courant, mais ça ne me dérange pas. Louis n'est pas la personne la plus secrète qui soit, et il adore raconter sa vie et la mienne à son petit-copain. Il me l'a avoué dès le début, quand j'ai commencé à me confier à lui. Alors, quand je lui dis de ne le répéter à personne, je sais ce que ça implique. En plus, Esteban est souvent de bon conseil, alors c'est pratique.
Je décide de partir en même temps qu'eux. J'enfourche mon vélo, les embrasse et dévale la pente à toute allure, envahie par une énergie nouvelle et – avouons-le – très inhabituelle.
À mi-chemin jusqu'à chez Léo, le doute viens flinguer mon moral et je me demande si c'est toujours une bonne idée. Je continue de rouler, plus parce que la route est en pente et que j'ai la flemme de freiner que par réelle envie d'avancer. Quand j'arrive chez Léo, je gare mon bolide pas très loin et rassemble tout mon courage pour sonner.
À ma grande surprise, c'est une femme d'une cinquantaine d'année qui m'ouvre. Ses longs cheveux blonds ne laissent pas de doute sur son lien de parenté avec Léo, mais ce qui me frappe le plus sont les immenses cernes qui viennent assombrir son visage. Elle semble fatiguée – aussi fatiguée qu'une mère endeuillée puisse l'être.
— Oui ?
— Euh.. B-Bonjour madame. Je suis une amie de Léo, est-ce qu'elle est là ?
Mme Dalmasso m'observe des pieds à la tête, mais impossible de deviner ce qu'elle pense. Enfin, le haut de son corps se contorsionne vers l'intérieur de la maison et elle crie le nom de sa fille.
— Shéra ?
Elle est surprise de me voir et ce n'est pas étonnant. J'ai le sentiment de la découvrir dans son habitat le plus naturel : ses cheveux sont relevés dans un chignon fouillis (et pas le joli fouillis hein, un truc bien moche), ses yeux dissimulés derrière une grosse paire de lunettes rondes. Elle ne porte qu'un débardeur et un short de sport. Pour une fois, je suis la plus habillée de nous deux, avec ma chemise à manches courtes jaune et mon short en jean.
— Désolée de passer à l'improviste, mais je voulais te voir, expliqué-je.
La mère de Léo s'éclipse pour laisser la place à sa fille dans l'entrée. Le fait qu'elle ne m'ait pas encore laissé entrer me mets très mal à l'aise et je me demande si elle irait jusqu'à me fermer la porte au nez.
— Il s'est passé quelque chose ?
— Non, pas spécialement... Enfin si, je voudrais te parler d'un truc, en fait ?
— "En fait ?" C'est une question ?
Son ton sarcastique me désarçonne et je me sens stupide. Au moment où je me résigne à partir, elle soupire en souriant et attrape ma main pour me tirer à l'intérieur. Mon cœur fait un bond tandis que je la suis dans les escaliers. Quand nous nous retrouvons dans sa chambre, je n'ai aucune idée de quoi faire ensuite. Je n'avais pas réfléchi jusque-là, presque certaine que j'allais être recalée dans l'entrée.
La chambre de Léo est dans un bordel sans nom. Des masses de vêtements se battent en duel sur le lit et le sol et sa bibliothèque déborde littéralement de livres, certains étant empilés par terre. Léo ne fait pas vraiment cas de mon ahurissement et elle prend place sur le lit, qu'elle venait de toute évidence de quitter. Il me faut du temps avant que je ne décide à m'installer près d'elle.
— C'est...
— Tu es venue me parler d'un truc ?
Le fait qu'elle me coupe la parole me donne envie de me recroqueviller. Le pire, c'est que je suis sûre que je ne fais que la diaboliser. Je me monte la tête, persuadée que Léo est une mauvaise personne, qui me déteste. Mais en regardant vers elle, je ne vois qu'un visage épuisé, et aucune trace de méchanceté.
— Tu vas bien ?
C'est ce qui me vient en premier. Bien sûr, je tiens à lui parler de ce qui me pèse sur le coeur, mais la voir dans cet état me rappelle la soirée, ses yeux rougis par les larmes, il me rappelle cette semaine où elle a tout simplement disparut.
Léo me jette un regard perplexe, comme si cette question sortait de nul part. J'entretiens l'espoir fou qu'elle me dise, enfin, la vérité.
— Pourquoi ça n'irait pas ?
Je soupire. C'est presque avec joie que je sens l'agacement habituel pointer et je m'installe un peu mieux, nos visages proches.
— Léo, l'appelé-je. Tu vas continuer longtemps comme ça ?
— Comme quoi ?
— Mentir quand on te demande si ça va ? Te taire et disparaître quand tu ne vas visiblement pas bien ? La liste est longue.
Ses paupières se ferment, comme si le simple fait d'être éveillée est une épreuve pour elle.
— Je n'ai vraiment, mais alors vraiment pas envie de parler de ça, Shéra. Si c'est pour ça que tu es venue, tu peux repartir.
Je fais en sorte de dissimuler ma déception. M'engeuler avec Léo maintenant n'étant pas mon objectif, il vaut mieux laisser tomber le sujet.
— En fait, ça me préoccupe depuis un moment mais... Qu'est-ce que l'on est ? L'une pour l'autre, je veux dire.
— Qu'est-ce que tu veux que l'on soit ?
J'ai envie de lui faire bouffer ses réflexions de psychologue. Mais en même temps, elle reste fidèle à elle-même ; à prendre des décisions tout en me rejetant la responsabilité ensuite.
— Je ne me considérais pas comme étant lesbienne, ou bi, ou juste queer avant de te rencontrer. Et il m'a fallu du temps, mais je reconnais que j'ai des sentiments pour toi. Alors si c'est réciproque, j'aimerais...
Ma tirade courageuse est coupée par ses lèvres venues embrasser les miennes. Bon. Je n'ai pas le cœur à râler, d'autant plus que ses baisers sont délicieux. Léo paraît satisfaite en reculant.
— J'espère que tu as ta réponse.
— Ce n'est pas assez Léo.
J'ai fait tout mon possible pour me reprendre, mais ma voix est sortie comme essoufflée. À chaque fois, Léo s'en tire avec des actes inattendus, des aveux à demi-mots, des allusions, mais cette fois je ne partirai pas sans une réponse. Je rassemble tout mon courage, manque de flancher en croisant son regard, mais parvient à lui demander :
— Est-ce que tu veux sortir avec moi ?
— Non.
Ah, bon.
Je dois avoir l'air complètement mortifiée, parce que les yeux de Léo s'agrandissent comme si elle avait vu un fantôme. Impossible de manquer l'éclat de culpabilité dans son regard. Et moi, je suis défaite. Je n'avais pas du tout envisagé qu'à ce stade, elle ne veuille pas de moi. Dans ma tête, tout était clair, il ne manquait plus que les mots, une conversation sérieuse, quelque chose. Et je me sens conne, d'un coup, conne d'avoir imaginé un instant que mes sentiments étaient réciproques.
Voyant que je suis sûr le point de partir, la main de Léo retient mon épaule.
— Attends, Shéra, ce n'est pas ce que je voulais dire, se reprend-t-elle. Enfin, si, un peu, mais c'est compliqué.
Je la regarde, sourcils froncés. Je n'avais pas la profondeur émotionnelle nécessaire pour suivre son délire.
— Quoi, tu veux sortir avec moi, oui ou non ? J'ai juste besoin d'une réponse.
Sa main m'attire à elle jusqu'à ce que je me retrouve à nouveau allongée à ses côtés, dans une étreinte chaude qui m'envoie mille papillons dans le ventre. Ou des asticots, je ne suis pas très sûre.
— Je t'aime beaucoup, tu me plais et j'aime ce que nous avons. Mais je ne veux pas d'une relation sérieuse, pas depuis ma dernière rupture.
— Une ex difficile à oublier ?
— On peut dire ça. Je sortais avec Emilie depuis trois ans et elle a été à mes côtés quand Jules est... puis elle m'a largué juste avant que je déménage. Mon état psychologique avait complètement foutu en l'air notre relation et elle n'e pouvait plus.
Je me retiens de donner mon avis à ce sujet. Déjà parce que le sujet des ex n'est pas quelque chose auquel je suis préparée, mais aussi parce que ça ne me regarde pas. Enfin, à mon avis, même si c'était vache de quitter Léo à ce moment-là, on ne pouvait pas en vouloir à Emilie de ne pas vouloir souffrir elle aussi.
Ma main trouve celle de Léo, pour la soutenir.
— Tu l'aimes encore ?
— Hein ?
— Est-ce que tu as toujours des sentiments pour Emilie ? C'est pour ça que tu ne veux pas t'engager ?
— Ah, non, enfin je l'aimerai sûrement toujours vu qu'elle a été ma relation la plus sérieuse, mais je suis passée à autre chose.
J'échappe un peu à l'étreinte étouffante de Léo en me tournant sur le dos. Je suis surprise de vivre cette situation avec autant de calme, mais je comprenais les sentiments qui devaient abriter Léo. Ça ne change toutefois rien à notre problème.
— J'ai besoin d'une vraie relation de confiance, lui expliqué-je. Pas juste du flirt sans but.
— Je comprends.
— Et si tu n'es pas prête pour une relation sérieuse, alors arrêtons les frais.
Cette fois elle ne me répond pas. Un coup d'œil vers elle m'informe qu'elle est vraiment peinée. Comme si perdre ce que nous avions lui crevait le cœur. Comme je n'ai pas envie de la voir pleurer, ma main vient prendre son visage en coupe et je l'embrasse avec toute la tendresse dont je suis capable.
— Je ne suis pas du genre à changer mes sentiments du jour au lendemain. Si tu changes d'avis, tu sais où me trouver.
— Merci.
Elle paraît réellement rassurée. Il me vient à l'esprit que, peut-être, elle est partagée depuis un moment et je l'ai interrogée trop tôt, elle n'a pas pu faire un choix.
Je suis partie peu après, le cœur lourd mais plutôt sereine.
Louis et Esteban m'ont retrouvé sur la plage sans râler quand j'ai appelé mon meilleur ami. Je crois qu'ils ont été surpris de me voir si calme quand je leur aie annoncé que Léo m'avait rejeté. Louis devait s'attendre à me voir en larmes ou dépitée, mais j'étais juste... normale. Parce qu'une part de moi espérait toujours que Léo change d'avis, et l'autre était soulagée que je ne me sois pas embarquée dans une relation qui me dépasserai probablement vite.
— Tu n'es pas déçue, du coup ?
J'ai parlé pendant un petit moment et il m'est difficile d'ignorer le regard de pure confusion de mon meilleur ami.
— Si, mais en même temps je suis soulagée. Parce que, soyons honnête, être la petite-amie de Léo doit être putain de compliqué.
Esteban échange avec moi un regard de connivence qui me fait pouffer. Il en connait en rayon en petit-amis haute maintenance et j'ai le sentiment que Léo et Louis seraient assez similaires dans ce domaine.
Mais, et ça je ne leur ai pas dit, ce qui me fait le plus peur c'est cette facette de Léo qu'elle cache si bien et qui me paraît si sombre. Honnêtement, je crains ce que je découvrirais si elle m'y donnait l'accès.
Après un moment de bronzette, nous avons migré dans l'eau. Juillet touchant bientôt à sa fin, dans quelque temps Nice sera à nouveau envahie par une vague de vacanciers. Cette fin de mois, ponctuée par des départs, allège un peu la fréquentation de la plage. Enfin, un peu, la différence est minime.
Nos jeux aquatiques me permettent de ne plus penser à Léo, à notre conversation, à tout ce qui me torture l'esprit depuis des jours maintenant. Il faut que je me rende à l'évidence, Léo n'est pas une énigme que je dois résoudre coûte que coûte. Je n'ai pas besoin de me ronger le sang à propos de ses bizarreries.
Malgré tout, la nuit qui suit, je ne dors pas. Louis ronfle si fort dans la chambre d'à côté que je l'entends, mais ce n'est pas ça qui me maintient vraiment éveillée. La déception cuisante que je n'ai pas ressenti au rejet de Léo me rattrape et mes yeux mouillent l'oreiller. Foutue peine de cœur.
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